Péliké attique à figures rouges
Deux palmettes doubles ornent l'attache inférieure des anses de cette petite péliké. La face A montre un satyre ithyphallique, reconnaissable à ses oreilles et sa queue chevalines, fendant le front d’un pilier hermaïque avec une hache à double tranchant. Le pilier possède une tête barbue, un sexe en érection et on voit également un des tenons latéraux. Sur la face B, un oiseau-phallos (oiseau dont le cou et la tête sont remplacés par un phallus et des testicules) est posé sur un loutérion, un grand bassin reposant sur un support à chapiteau ionique. Une inscription horizontale en fin trait de vernis partiellement effacée sur le bassin indique kalos, beau. Le vernis est très brillant, avec un éclat gris métallique.
La péliké est une petite amphore à la panse élargie vers le bas qui apparaît dans les ateliers d'Athènes à partir de la fin du 6e siècle avant J.-C., et qui semble principalement destinée à recueillir de l'huile parfumée. Ce vase a été attribué au peintre de Géras, actif à Athènes au début de l'époque classique, vers 480-470 av. J.-C. Ce dessinateur offre souvent des images originales et pleines de vie, où les satyres comme les piliers hermaïques tiennent une grande place. Ce vase témoigne de ce goût excentrique : les deux face portent des images difficiles à interpréter aujourd'hui. Les piliers hermaïques étaient fréquents dans l'espace de la cité, sur les places ou aux carrefours, au gymnase et dans divers lieux de passage ; les bassins aussi faisaient partie du paysage de la cité, servant à se laver ou se purifier, dans les sanctuaires ou les gymnases. L'un est mis à terre par un des monstres les plus représentés de la mythologie, un satyre, l'autre recueille un être hybride plus inattendu, un phallus ailé, qui renvoie à l'univers d'Éros. Si ces images jouent et retournent les codes habituels de l'imagerie attique, les lectures politiques proposant que le peintre de Géras ait voulu mettre en images une forme de révolte politique en lien avec l'espace de l'agora semblent difficiles à étayer.
Bibliographie : M. Robertson, The Art of Vase-Painting in Classical Athens, Cambridge, 1992 ; F. Lissarrague, Vases grecs : les Athéniens et leurs images, Paris, 1999 ; F. Lissarrague, La cité des satyres: une anthropologie ludique, Athènes, VIe-Ve siècles avant J.-C., Paris, 2013.
Auteur : Cécile Colonna
Collection Jean-Baptiste Muret, vendue après sa mort par son fils Ernest à Arnold Morel Fatio, qui la donne au musée en 1867 |
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