Ex-voto anatomique : demi-visage
Cet ex-voto est constitué de la partie supérieure d'un visage, coupé sous le nez au-dessus des lèvres, de part et d’autre des yeux, et sous la chevelure. Le nez droit, à l’extrémité en discrète trompette, surplombe un léger bourrelet marquant le départ de la lèvre supérieure. Les sillons nasolabiaux sont peu creusés, les narines indiquées par une indentation. Sous une arcade sourcilière marquée par une arête plutôt franche et des paupières tombantes vers l’extérieur, les yeux ne présentent aucune décoration. Le front est fuyant en partie haute.
Le fond, non lissé, porte des marques de facture à la main. L'argile présente de nombreuses inclusions noires, et la surface porte des traces brunes à l’arrière gauche, où l’argile a été écaillée en surface, et des stries en partie inférieure.
Ce type de demi-visage appartient à la large et diverse catégorie des ex-voto anatomiques en terre cuite de l’Italie centrale républicaine : dans ce contexte, on l’appelle un masque. Le don d’offrandes anatomiques—visages, membres, organes internes et génitaux—en terre cuite moulée s’affirme à partir du début du 4e siècle av. J.-C. en Étrurie méridionale et dans le Latium, à la faveur de mutations économiques qui permettent le développement d’une classe de petits cultivateurs et éleveurs, qui les déposent dans les sanctuaires. Après un apogée au 3e siècle, ces objets disparaissent vers la fin du 2e et au début du 1er siècle, en parallèle de l’émergence du latifundium, exploitation agricole à main-d’œuvre servile. Leur dépôt traduit, pense-t-on généralement, une demande de guérison faite à la divinité, ou plutôt un remerciement après une guérison déjà intervenue : peu d’organes, en effet, portent des signes de maladie. Beaucoup sont trouvés en surface, à proximité des autels, mais une fois déposés dans le sanctuaire, les objets restaient propriété de la divinité et en tant que telle ne pouvaient être mis au rebus : il était d’usage de les enterrer dans des fosses dites favissae ou, plus généralement, dépôts votifs. De tels masques sont fréquemment attestés dans ceux de la zone étrusque, au sein desquels ils ne sont pas pour autant majoritaires. Cet exemplaire fait partie du type le plus diffusé ; les moules en sont retaillés à partir de représentations du visage entier, dont ne demeurent plus que le front, les yeux, le nez et la lèvre supérieure. Des parallèles se trouvent dans toute l’Étrurie méridionale, notamment à Véies, Faléries, Tarquinia, San Giuliano…
Leur sens votif n’est pas tout à fait clair. Une certaine interprétation de ces masques en fait des ex-voto à valeur médicale, visant la guérison de maux de têtes ou de migraines. Selon d’autres chercheurs, il s’agit plutôt d’une représentation « abréviée » du donateur entier, et non d'une maladie dont il souffrirait en particulier, et ils sont donc à comprendre en relation avec les têtes votives, dont il y a aussi des exemples dans la collection de Muret. De tels objets datent du 4e au 2e siècle av. J.-C.
Bibliographie : F. Fabbri, "Votivi anatomici fittile e culti delle acque nell'Etruria di età medio- e tardo-repubblicana", Rassegna di archeologia classica e postclassica, 2004-2005, 21b, p. 103-152. ; J. M. Turfa, "Anatomical Votives", in Thesaurus cultus et rituum antiquorum, I, Los Angeles, 2004, p. 359-368. ; J. Draycott, E.-J. Graham, Bodies of Evidence. Ancient Anatomical Votives Past, Present and Future, Abingdon, 2017 ; J. Hughes, "Under the Skin: Anatomical Votives in Republican Italy, Fourth-First Centuries BCE", dans J. Hughes (dir.), Votive Body Parts in Greek and Roman religion, Cambridge, 2017, p. 62-105.
Auteur : Euan Wall
Rome (?)
Collection Jean-Baptiste Muret, vendue après sa mort par son fils Ernest à Arnold Morel Fatio, qui la donne au musée en 1867 |