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Commentaire biographique

Albert Charles Jacques Jacquemart est né à Paris en 1808, fils de François Jacquemart et de Marie Julie Adnet (Archives de Paris, Fichier des Mariages Parisiens 1795-1862, vol. 129) et mort à son domicile le 14 octobre 1875 au 23 rue de la Grande Armée. Il est connu pour ses nombreux travaux sur l'histoire de la céramique, et pour sa classification originale des porcelaines chinoises en différentes familles.

Débuts dans les milieux artistiques

Albert Jacquemart aurait fréquenté l’atelier d'un certain "M. Buffet" puis l’École des Beaux-arts (Perrier H., 1876 ; p. 10-13). Il s'agit plus vraisemblablement l'atelier de Claude-Marie Dubufe (1790-1864) dont il reproduit des œuvres telles que Les regrets ou Les souvenirs après leur succès au salon de 1827. En 1825, Albert Jacquemart entre très jeune dans l’administration des douanes, où il travaille toute sa vie. Il est successivement commis, sous-chef puis chef de bureau, avant de prendre sa retraite en 1874 (Archives économiques et financière, cote : 1C-0021339). De son mariage avec Louise Emilie Labbé, en octobre 1833 à l’église Saint Denis Saint Sacrement naissent quatre enfants : Louise Pauline le 20 septembre 1834, Marie Louise le 21 novembre 1835, le futur graveur Ferdinand Jules, le 8 septembre 1837 (A.P. Naissances V3E/N 1193), et enfin Marie Augustine le 29 octobre 1844. Albert Jacquemart s’implique tout au long de sa vie dans les milieux artistiques. Il est notamment membre de la Société Libre des Beaux-arts de Paris dont il devient secrétaire vers 1839 et vice-président en 1859. Il y est désigné comme « peintre », et « professeur d’histoire naturelle » (Annales de la Société des Beaux-arts, t. VIII (1838-1839)) sans qu’aucun état ne soit fait de sa véritable activité professionnelle.
Au début de sa carrière, Albert Jacquemart est passionné par la peinture d'histoire naturelle qu'il défend comme un art majeur (Jacquemart A., 1839-1840). En 1839, il réalise quelques planches pour l’ouvrage de l’anatomiste François Arman Bazin et de Jean-Louis-Maurice Laurent, Annales Françaises et étrangères d’anatomie et de Physiologie. La même année il réalise une série de gravures sur vélin représentant des invertébrés pour le Muséum d’histoire naturelle. L'extrême finesse du rendu de ces planche lui vaudra même d'être exposé au salon.Mise à part ces travaux, le Musée des Beaux-arts de la ville Limoges conserve également des portraits de famille au pastel et deux études d'après Dubufe gravés à l’eau forte. Ces œuvres sont entrées dans les collections publiques par le legs de sa dernière fille, Marie Augustine Jacquemart, veuve Emile Masson, à la ville de Limoges en 1912.

Albert Jacquemart auteur

Si Albert Jacquemart est surtout connu pour ses ouvrages traitant de la céramique, sa première publication porte sur la botanique. Il s’agit d’un ouvrage s’adressant aux jeunes filles, dans lequel il se met en scène enseignant les sciences du vivant à la « baronne Clémence D*** ». Le livre a été édité deux fois en 1840 sous le titre La flore des dames puis en 1841, avec l’ajout du sous-titre Nouveau langage des fleurs.

La première publication ayant assuré la notoriété d’Albert Jacquemart est son Histoire artistique, industrielle et commerciale de la porcelaine publiée à partir de 1861 qu’il coécrit avec Edmond Le Blant, un collègue de l’administration des douanes. Plusieurs éléments mènent à penser qu’il s’agit avant tout de l’entreprise de Jacquemart. L’ouvrage est notamment parsemé de références aux sciences naturelles pour lesquelles il avait un intérêt tout particulier. Jacquemart a également continué́ de parfaire ses recherches sur la céramique dans deux autres ouvrages, Les Merveilles de la céramique, publié en 1879 et Histoire de la céramique : étude descriptive et raisonnée des poteries de tous les temps et de tous les peuples, en 1873, tandis qu’Edmond Le Blant est connu pour ses travaux en archéologie chrétienne.

L’Histoire de la porcelaine se présente selon un découpage à la fois chronologique et géographique : il commence par l’Orient, lieu de naissance de la porcelaine et se termine par l’histoire de la porcelaine en Europe. Pour la première fois, les céramiques orientales font l’objet d’un long développé réunissant toutes les sources alors disponibles : les descriptions des jésuites en Chine, les catalogues de vente du XVIIIe siècle, notamment ceux, très descriptifs, de Gersaint, et surtout la traduction récente du Jingdezhen Taolu 景德鎮陶錄 par Stanislas Julien sous le titre Histoire et fabrication de la porcelaine chinoise (1856). Il ne se contente pas de réunir un florilège de sources déjà existante, ils renouvellent le genre, en mettant au point une classification originale des porcelaines orientales et basée sur des principes propres aux sciences naturelles (Abrigeon P. d' : 2018). Les porcelaines sont ainsi regroupées en « famille » d’après leurs décorations : la famille archaïque qui regroupe un ensemble d’œuvres considérées comme plus anciennes et attribuées à la Corée, la famille chrysantémo-pæonienne qui tire son nom des deux fleurs qui l’ornent : la chrysanthème et la pivoine (pièces chinoises et japonaises), et enfin, la famille verte (pièces uniquement chinoises) et la famille rose (pièces chinoises et japonaises) du nom de la couleur des émaux qui en dominent la décoration. Une dernière catégorie, qu’ils nomment « fabrications exceptionnelles », rassemble toutes les pièces monochromes (blanc de chine, céladons, sang de bœuf etc.), les pièces dites flambées et les craquelés (ou truités). A travers cette classification, une nouvelle terminologie se met en place à propos des céramiques orientales que le milieu du marché de l’art reprend rapidement à son compte après la parution de l’ouvrage. On voit apparaitre dans les catalogues de ventes aux enchères les termes empruntés à Jaquemart, notamment famille verte ou famille rose.

Albert Jacquemart et les collectionneurs de céramiques en France

Albert Jacquemart s’impose progressivement un personnage important des cercles artistiques parisiens, en particulier celui des collectionneurs. Certains, parmi les plus éminents, lui confient leurs collections afin d’en rédiger l’inventaire. Il publie ainsi les collections de Mme Malinet (1862), femme du fameux marchand de curiosité Nicolas Joseph Malinet (1805-1886), de Charles De Férol (1863), du baron Hippolyte de Monville (1866, Lugt n° 28856), de l’amiral Page (1867, Lugt n° 29805), de Mme Beaven (1868, Lugt n° 30847), et du peintre Polycarpe Charles Séchan (1875, Lugt n° 35385). Certains de ces catalogues sont réutilisés par les experts lors de ventes aux enchères, d’autres sont rédigés spécialement pour des ventes et d’autres encore semblent des publications autonomes, même si leur format est très proche d’un catalogue de vente. La profonde connaissance des collections de ses contemporains acquise par Jacquemart lors de la rédaction de ces catalogues transparait dans ses écrits, dans lesquels il cite les objets des uns et des autres, afin d’étayer son propos. La correspondance de Jacquemart conservée dans le fonds Jacques Doucet de la bibliothèque de l’Institut National d’Histoire de l’Art témoigne de l’autorité qu’est devenu Jacquemart en matière de céramique (INHA__ARCHIVE__29590). La plupart de ces lettres concernent des demandes d’expertise sur des objets, des inscriptions, des armoiries ou des manufactures.

Albert Jacquemart et les expositions

Albert Jacquemart participe activement aux manifestations artistiques de son temps. Il rédige des comptes rendus d’expositions pour la Gazette des Beaux-arts, notamment lors de l’exposition des bronzes ramenés du Japon par Henri Cernuschi (1821-1896) exposés au Palais de l’Industrie en 1874. En tant que membre de la Commission de l’Histoire du Travail à l’Exposition universelle de 1867, il organise les vitrines dédiées à l’histoire du travail. Albert Jacquemart est membre du jury des récompenses aux Expositions universelles de Paris et de Londres ainsi que membre des différentes commissions des Expositions rétrospectives organisées par l’Union Centrale des Beaux-arts appliqués à l’industrie. En 1869, cette dernière organise une exposition dédiée aux arts orientaux pour laquelle il prête de nombreuses œuvres de sa collection et dont il rédige le catalogue avec l’aide de Paul Gasnault. Il a également fait parti du Conseil de perfectionnement de la manufacture de Sèvre.

Distinctions

Albert Jaquemart aurait été nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1869, bien qu’aucune archive ne puisse le confirmer. Henry Perrier, auteur d’une notice nécrologique qui lui est consacrée, déplore que cette distinction lui ait été attribuée pour son travail en tant que chef de bureau de la direction des douanes et non pour ses travaux artistiques et d’érudition. L’année de sa mort, il est également nommé officier de l’Académie.

Sa collection

Albert Jacquemart est avant tout un collectionneur de céramiques au sens large. Le catalogue de sa collection, publié après son décès d’après ses manuscrits par son ami et disciple Paul Gasnault, montre cependant qu’il avait un goût particulièrement prononcé pour les porcelaines orientales. Ces dernières regroupent 429 numéros de sa collection, alors que les céramiques européennes, dont la plupart proviennent de manufactures françaises, se limitent à 157 numéros. Il ne s’agit pas d’une collection expansive, mais comme le souligne son ami Paul Gasnault, d’une collection scientifique rassemblée par un « homme d’étude » et non par un « curieux ». Ce qui compte avant tout pour Albert Jacquemart c’est que ses œuvres « représentent un type, caractérisent une époque ou une région, et peuvent servir à mettre en évidence tels procédé de fabrication ou tel fait intéressant pour l’histoire de la Céramique » (Gasnault : 1879 ; p. IX).

Peu de temps après la mort d’Albert Jacquemart, Adrien Dubouché, alors directeur du musée de Limoges achète sa collection auprès de ses ayants droit afin d’en faire ensuite don au Musée Céramique de Limoges. L’expertise de la collection est réalisée par Charles Mannheim, un des experts parisiens les plus actifs de son temps. Paul Gasnault (1828-1898), qui sert d’intermédiaire lors des négociations, parvient à faire accepter le prix de 25 000 francs à Jules Jacquemart, fils d’Albert. Deux conditions s’ajoutent à cette acquisition : la collection devra être présentée dans son entièreté, selon le classement mis au point par Albert Jacquemart, et la salle d’exposition devra porter son nom. Suite à cette acquisition de première importance, la ville de Limoges décide de renommer le Musée Céramique en l’honneur de son généreux donateur, musée Adrien Dubouché. Même si les dispositions actuelles du musée ne répondent plus aux exigences du legs, le Musée Adrien Dubouché, devenu musée national Adrien Dubouché, continue d’exposer les plus belles pièces de la collections Jacquemart dans ses salles d’exposition permanente.