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Commentaire biographique

Élevée à Francfort-sur-le-Main et veuve fort jeune, en 1864, de son cousin Salomon de Rothschild, Adèle réunit durant sa vie une importante collection d'œuvres d'art et de livres dont elle avait en partie hérité de son père Mayer Carl de Rothschild, de son époux, ainsi que de son beau-père James Mayer de Rothschild (1792-1868).

Après la mort de Salomon et une dizaine d'années de semi-retraite, elle fait construire à Paris l'hôtel de la rue Berryer (aujourd'hui Fondation des Artistes), là où se trouvait ce qui restait de la Folie Beaujon (en 1882, la baronne Salomon de Rothschild agrandira son jardin en faisant détruire la maison de Balzac, ne conservant que les colonnes de la chapelle Beaujon). Les réalisations de l'architecte Léon Ohnet et de son élève Justin Ponsard créent un lien entre le cadre et l’objet collectionné. Selon Pauline Prevost-Marcilhacy (2016) « Il s’agit ici d’un triple mémorial dédié à la fois à Balzac (dans la rotonde Beaujon sont conservés plusieurs souvenirs de l’écrivain), à son père Mayer Carl (dont elle installe au premier étage les collections d’orfèvrerie, en 1895) et à son époux. Le cabinet de curiosités, isolé du reste de la demeure, que la baronne Salomon a voulu garder intact au moment de son legs en 1922, joue le rôle d’un sanctuaire au sein de cet ensemble ». Un album de quarante planches photographiques, commandé pour l'inauguration en 1878 au photographe Gary, témoigne de l’architecture et de la décoration de cet hôtel. Ces photographies ont été données au musée Carnavalet en 1891 en même temps que la porte en marqueterie de la chambre de l’hôtel de Balzac (déposée à la maison de Balzac dans le 16e arrondissement de Paris).

En ce qui concerne les collections d'Adèle, ses dépenses paraissent très limitées en regard de celles de son époux à en juger par ses livres de comptes (Prevost-Marcilhacy, 2016). La décoration de l'hôtel s'inspire de celle du château de Ferrières, notamment dans le hall central, et de l’engouement pour le XVIIIe siècle qui avait été remis au goût du jour par l'impératrice Eugénie en 1860 au palais des Tuileries. Si à cette date ce genre de décoration est désormais considéré comme dépassé, il était toutefois en accord avec le goût de son époux. C'est alors dans les pièces les plus intimes qu'Adèle révèle un goût plus personnel comme dans le cabinet de toilette traité dans un style japonisant, mais aussi dans le pavillon oriental du jardin ou dans un « oratoire de style arabe conçu pour les cérémonies de cultes ». Tous ces espaces, désormais disparus, adhéraient à la nouvelle mode orientaliste, à son apogée au moment de l'Exposition universelle de 1878.

Attachée au développement du musée des Arts décoratifs, Adèle figure parmi les plus importants prêteurs de la première exposition rétrospective de l’Union centrale des arts décoratifs en 1865 et de celle de 1869 (Prevost-Marcilhacy, 2016). À sa mort, en 1922, elle lègue une sélection de sa collection au musée du Louvre, ainsi que près d'un millier de volumes imprimés, dessins, gravures, photographies et manuscrits à la Bibliothèque nationale de France. Elle confie également une partie de ses œuvres d'art au musée de Cluny (certaines se trouvent désormais à Écouen) et au musée des Arts décoratifs de Paris. Son hôtel est enfin légué à l’État, avec son parc et ses dépendances, afin qu'il y soit créé « par les soins de l'administration des Beaux-Arts une maison d'art qui s'appellera Fondation Salomon de Rothschild ». Parmi les œuvres qui sont encore aujourd'hui conservées à la Fondation des Artistes, nous signalons le Lion étreignant un crocodile par Eugène Delacroix et l'Orpheline alsacienne par Auguste Rodin.

Constitution de la collection

À sa mort en 1922, la baronne Adèle de Rothschild fait don de ses opulentes collections à un certain nombre d’institutions françaises. Son hôtel particulier situé au 11, rue Berryer dans le 8ème arrondissement est quant à lui légué à l’État (Paze-Mazzi O., 2020, p. 55). Le testament de la baronne de Rothschild, rédigé en 1908, annonce que « L’État devra conserver dans son état actuel la salle de curiosités et son contenu située du côté de la cour et ayant des vitraux anciens en couleurs, de même que le pavillon Balzac et son contenu » (Paze-Mazzi O., 2020, P. 55).

Malgré sa dispersion, la collection d’Adèle et Salomon de Rothschild entre dans plusieurs institutions parisiennes et offre un bel aperçu de cet ensemble éclectique rassemblant des manuscrits, des majoliques italiennes du XIXe siècle, des tableaux romantiques XVIIIe siècle, de la céramique mais aussi des pendules Boulle (Prévost-Marcilhacy P., 2016). Malheureusement, avant sa mort, Adèle de Rothschild fait brûler toutes ses archives, rendant impossible de retracer et de dater la constitution de sa collection (Prévost-Marcilhacy P., 2016, p. 8-19).

L’hôtel particulier du couple Rothschild, bien que construit et décoré dans le style XVIIIe, montre malgré tout une certaine volonté de nouveauté, peut-être plus proche du goût personnel de la baronne, notamment dans la décoration du cabinet de toilette, au style japonisant, ou encore à travers le pavillon oriental qui orne le jardin (Prévost-Marcilhacy P., 2016, p. 8-19). La collection compte également quelques assiettes chinoises exposées dans le cabinet de curiosités de l’hôtel de la rue Berryer. Par ailleurs, la baronne compte parmi les plus grands prêteurs des expositions rétrospectives organisées par l'Union centrale des beaux-arts appliqués à l'industrie (Prévost-Marcilhacy P., 2016, p. 8-19).