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Commentaire biographique

Originaire de Metz, Henri Vever, né le 16 octobre 1854, est issu d’une famille qui compte déjà deux générations de bijoutiers-joailliers. Celle-ci s’installe dans la capitale en 1871 où Ernest achète le fonds du bijoutier Baugrand, situé au 19, rue de la Paix. En 1871, Henri Vever entre comme apprenti chez les bijoutiers-joailliers Loguet, puis chez Hallet, et suit les cours de l’École des arts décoratifs. Deux ans plus tard, il est admis à l’École nationale supérieure des beaux-arts et intègre l’atelier de Jean-Léon Jérôme (1824-1904).

Ernest Vever cède, en 1881, la direction de la maison familiale à ses deux fils, Paul et Henri Vever, ses collaborateurs depuis 1874. Paul, l’aîné, sorti de l’École polytechnique, prend en charge la gestion administrative tandis qu’Henri décide des orientations artistiques de la firme qu’il dirige jusqu’en 1921. La maison Vever participe aux Expositions universelles dès 1878 et obtient en 1889 un des deux grands prix attribués à la joaillerie. En 1891, celle-ci prendra part à l’Exposition française à Moscou et elle sera régulièrement récompensée lors de ses nombreuses participations aux expositions nationales et internationales (Inha).

Passionné par la peinture française, Henri Vever acquiert dès 1885 auprès de Paul Durand-Ruel (1831-1922) des toiles des peintres de l’école de 1830 avec Jean-Charles Cazin (1841-1901), Jean-François Raffaëlli (1850-1924) et Corot (1796-1875) dont Eurydice blessée (cat. no 20) ou Route ensoleillée(cat.no 26) ; les maîtres impressionnistes dont neuf Monet (1840-1926) avec Sainte-Adresse (cat. no 79) ou La Berge, à Lavaucourt (cat. no 83) ou encore Alfred Sisley (1839-1899) et Camille Pissarro (1830-1903) ainsi que Ludus pro Patria (cat. no 92) de Puvis de Chavannes (1824-1898). Sa collection composée de 188 tableaux et sculptures sera vendue en février 1897 chez le marchand d’art Georges Petit (1856-1920), accompagnée d’un luxueux catalogue richement illustré.

En 1892, Henri Vever commence à participer régulièrement aux dîners quasi mensuels des Amis de l’art japonais instaurés par le marchand d’art Siegfried Bing (1838-1905) dans le cadre de sa campagne de promotion en faveur de l’art japonais (Koechlin R., p. 21). Il y rencontre de fervents « bibeloteurs » japonais selon l’expression d’Edmond de Goncourt (1822-1896) tels que Charles Gillot (1853-1903), Hayashi Tadamasa (1853-1906) et Hagiwara (?-1901), Michel Manzi (1849-1915), Gaston Migeon (1861-1930), Raymond Koechlin (1860-1931), Raphaël Collin (1850-1916), Lucien Lévy-Dhurmer (1865-1953 ou Camille Groult (1832-1908) qui se réunissent au Café Riche, au Café Cardinal ou au Véfour. Les cartons d’invitation à ces dîners sont illustrés – au moins jusqu’en 1914 – par Jules Chadel (1870-1941), Prosper Alphonse Isaac (1858-1924) ou George Auriol (1863-1938), etc., qui gravent à la manière des xylographies japonaises, sur bois, en couleurs tirées à la main sur papier Japon (BnF, dpt Estampes et Photographie) ; ces réunions perdurent jusqu’en 1942 grâce à Henri Vever qui succède à Bing mort en 1905. En 1892, celui-ci était également devenu membre correspondant de la Japan Society de Londres par l’intermédiaire de Siegfried Bing.

En décembre 1897, Henri Vever est nommé chevalier de la Légion d’honneur. Et l’année suivante, il préside la sous-commission chargée de l’organisation de l’Exposition centennale rétrospective en vue de l’Exposition universelle de 1900 à Paris. La maison Vever reçoit par ailleurs un Grand Prix à l’Exposition universelle de Paris en 1900 (AN 19800035/260/34601) où une vingtaine de bijoux Art nouveau – créés en collaboration avec Eugène Grasset (1845-1917) – y sont remarqués.

Il est membre du Conseil de la société franco-japonaise dès sa création en 1900.

En 1904, Henri Vever est nommé vice-président du comité d’admission, groupe 31 (bijouterie et joaillerie lors de l’Exposition universelle de Saint-Louis (USA).

Il est élu l’année suivante membre du conseil d’administration de l’Union centrale des arts décoratifs, fonction qu’il occupe jusqu’en 1919.

Entre 1906 et 1908, il s’attelle à la publication des trois volumes de la Bijouterie française au XIXe siècle.

Il introduit pour la première fois en Occident l’art japonais comme une force artistique dans les créations de la maison Vever avec Eugène Grasset (1845-191) et René Lalique (1860-1945), ses principaux collaborateurs. Le Japon représente pour Henri Vever – comme pour d’autres japonisants tels Henri Bouilhet (1830-1910) ou Charles Christofle (1805-1863) – un renouvellement des formes et des motifs grâce à une nouvelle source d’inspiration. Il remarque que « ce n’est pas comme modèles que ces œuvres [japonaises] nous ont été le plus utiles ; elles ont eu surtout pour nous le très précieux avantage de nous inciter à reprendre le contact direct avec la Nature que depuis le Moyen Âge nous avons trop négligé de consulter » (Vever H., 1908, p. 759), il note encore « loin d’imiter plus ou moins servilement les Japonais [les artistes] se sont inspirés seulement de leurs procédés généraux de composition et de mise en page » en conservant « une part prépondérante d’invention et de mérite personnels » (Vever H., 1911, p. 111).

En1924, il fait don au musée des Arts décoratifs de sa collection de 350 bijoux dont une soixantaine provient de la maison Vever.

Il est nommé grand donateur du musée du Louvre l’année suivante, puis membre du Conseil artistique des musées nationaux en 1930.

Il est promu officier de la Légion d’honneur en octobre 1938 (AN. 19800035/260/34601). Il s’éteint dans son château de Noyers (Eure) le 1er janvier 1942.

Constitution de la collection

Collectionneur insatiable, Henri Vever a assouvi toute sa vie ses différentes passions, pour la peinture et la gravure occidentale ancienne, la numismatique, la bibliophilie, les miniatures persanes, les objets japonais et chinois et bien sûr les bijoux.

Henri Vever, un japonisant fanatique

« […] je suis si faible de caractère quand il s’agit d’objets d’art… j’en fais mon mea-culpa » écrit-il dans son Journal le 21 août 1898 (Silwerman W., 2018, p. 247).

Homme de la seconde génération des japonisants (Koechlin R., 1930, p. 2), son engouement a pu naître à la suite de l’Exposition universelle de 1878, à laquelle participe la maison Vever, tandis que le Japon est représenté dans la section rétrospective. Sa passion s’affirme dans les années 1880, lorsque – passée la mode des bibelots et des premières gravures bariolées à prix modique – Hayashi et Bing orientent le marché vers les xylographies anciennes et les estampes de brocart du XVIIIe siècle (nishiki-e) en important directement du Japon. Dans leur sillage, ils entraînent les amateurs curieux et fortunés. La mode des japonaiseries est déjà lancée en 1883 lorsque Louis Gonse (1846-1921) organise l’exposition « L’art japonais » à la galerie Georges Petit avec 3 000 numéros au catalogue provenant de collections privées et publie L’Art japonais.

Cette même année, Bing ouvre un nouveau magasin au 19, rue de la Paix, dans l’immeuble où la famille et la maison Vever sont installées.

Les relations qu’entretiennent les deux hommes peuvent être établies avec certitude à partir de 1888, car une facture du 15 décembre 1888 de Siegfried Bing à l’ordre de Vever porte sur l’achat de dix-neuf estampes, d’un exemplaire des Trente-six Vues du mont Fuji d’Hokusai et des Cinquante-trois Stations du Tokaido d’Hiroshige.

Koechlin évoque dans ses Souvenirs d’un vieil amateur d’Extrême-Orient les visites de ces amateurs dans les magasins de Bing et d’Hayashi : « Dans une atmosphère fébrile Henri Vever fait de longues séances en quittant sa boutique. Gonse et lui sont les seuls clients à être admis à assister aux déballages des caisses dans les sous-sols du magasin de la rue de Provence », tandis que de nombreux japonisants, dont Vever, sont invités aux dîners organisés par Bing dans son appartement, rue de Vézelay, où ils peuvent admirer sa collection personnelle (Koechlin R., p. 21 et 22).

Quarante-neuf lettres de Vever adressées Hayashi Tadamasa ou à son frère, Hagiwara, et rédigées entre 1893 et 1906, font mention des échanges, achats, règlements – parfois avec arrangements– d’objets d’art effectués par le collectionneur. Cette correspondance révèle les relations privilégiées entre les deux hommes et Vever, qui détient un compte chez Hayashi, lui demande la primeur de ses découvertes comme l’évoque Edmond de Goncourt : « […] Vever le bijoutier, le plus passionné de tous et qui nous montre le billet de sa place sur le paquebot pour l’Exposition qu’il va voir [1893, Chicago, World’s Columbian Exposition]. Il va surprendre Hayashi et lui enlever tout le “dessus du panier” des impressions japonaises qu’il doit rapporter en France après l’Exposition » (Goncourt E., 1956, p. 366).

Il sollicite Tadamasa ou son frère Hagiwara pour monter ses estampes, aménager son atelier, rédiger les catalogues de ses collections, les notes sur les bijoux chinois et japonais ou encore réaliser en 1898 un cachet japonais à son nom (Correspondance adressée à Hayashi Tadamasa, 2001, p. 258). En contrepartie, Vever est l’exécuteur testamentaire d’Hagiwara, preuve ultime de la confiance et de l’estime réciproque qui le lie à la famille d’Hayashi ; sans oublier les liens commerciaux qui les unissent, partageant parfois la même clientèle.

L’importance de ses moyens financiers et ses relations avec Bing et Hayashi lui ont permis de voir et de sélectionner – avant les autres japonisants – parmi les meilleurs « arrivages » en provenance du Japon.

En dix ans, entre 1882 et 1892, Henri Vever a réussi à rassembler, en quantité comme en qualité, une des plus importantes collections d’estampes japonaises à Paris : « Sa collection des livres illustrés et d’estampes en couleurs est certainement la plus belle et la plus importante qui ait jamais été réunie », note Henri Rivière (1864-1951) [Rivière, H., 2004, p. 105).

Il fréquente parmi les plus importants japonisants, Raymond Koechlin, journaliste de politique étrangère au Journal des débats (1887-1902), membre du conseil de l’Union centrale des arts décoratifs (1899), Gaston Migeon, bibliothécaire adjoint au musée du Louvre (1889-1893) puis attaché au département des Objets d’art (1893-1899) et Charles Gillotqu’ilcôtoie régulièrement. Il apprécie la simplicité du personnage et la pertinence de ses choix. Imprimeur et graveur-lithographe, Bing lui confie la direction artistique du Japon artistique. Ce dernier appartient, comme Vever, à une classe d’entrepreneurs issus de la bourgeoisie et au tempérament artiste rassemblant une communauté d’artisans passionnés par le japonisme, à laquelle s’ajoutent l’éditeur d’art Michel Manzi (1849-1915), les peintres-graveurs Henri Rivière ou George Auriol (1863-1938).

Par la diversité de ses goûts en « japonaiserie » selon l’expression de Champfleury, Gillot a probablement orienté Vever vers d’autres domaines de création avec les gardes de sabre (tsuba), les vases, les écritoires (suzuki bako), les bronzes, les laques, les éventails ou les textiles.

De l’atelier de la rue La Boétie à celui installé dans le quartier de la Chaussée d’Antin à partir de 1895, le décor est conçu comme un écrin pour présenter les collections japonaises et islamiques. Véritable lieu de sociabilité, Vever y reçoit ses amis au milieu des netsukes, poteries, bronzes, paravents et estampes japonaises. Une lettre qu’il adresse à Hayashi Tadamasa rend compte du soin qu’il apporte aux détails de présentation, lui demandant de lui procurer : « Des morceaux d’étoffes anciennes pour les panneaux de la bibliothèque dans les tons éteints et harmonieux » (Correspondance adressée à Hayashi Tadamasa, 2001, p. 258). 

La dédicace de Robert de Montesquiou dans Les Paroles diaprées rend hommage à l’homme et à ses collections :

« Vous avez les bronzes, les laques,

Les émaux, les kakémonos,

Les foukousas pleins de macaques,

Et les albums pleins de moineaux.

Vous avez les bois, les ivoires,

Les inrôs et les tchaïrés ;

Et vos vitrines, vos armoires

Regorgent de joujoux sacrés.

Pour cela, vous lirez ce livre

Qui, au moins, a ceci de bon

Que, par places, on y voit vivre,

Un peu de l’âme du Japon »

(Wilfried Zeisler, « Notice Vever », Dictionnaire critique des historiens de l’art actifs en France de la Révolution à la Première Guerre mondiale, INHA [en ligne]).

Henri Vever, un préteur généreux

En 1890, il participe à la première exposition en France consacrée essentiellement à la gravure japonaise, organisée par Bing à l’École des beaux-arts. Vever fait partie du comité d’organisation en compagnie de Philippe Burty (1830-1890), Edmond de Goncourt, le peintre Charles Tillot (1825 – vers 1886), ami de Degas, E. L. Montefiore, Charles Gillot (1853-1903), Georges Clemenceau (1841-1929), Antonin Proust (1832-1905) et Edmond Taigny (1828-1905). Sept cents estampes et livres illustrés sont inscrits au catalogue – la moitié des prêts émane de Bing – et Vever prête 70 estampes signées par des dessinateurs connus dès cette époque, tels que Kiyonaga 鳥居清長 (1752-1815), Utamaro 喜多川 歌麿 (vers 1753-1806), Hokusai 葛飾 北斎 (1760-1849) ou Kuniyoshi 歌川 国芳 (1798-1861).

Ouverte entre avril et mai 1890, l’exposition est saluée comme une réussite complète, même par les critiques les plus sceptiques, comme Arsène Alexandre (1859-1937) ou Raymond Koechlin, tandis qu’elle confirme les peintres impressionnistes dans leur orientation artistique, ce qui est confirmé par Pissarro dans une lettre à son fils Georges : « J’ai vu à l’exposition japonaise des merveilles » et de décrire un kakemono de Korin, « des singes groupés sur une branche, c’est admirable, rien qu’une branche d’arbre avec des feuilles et des singes perchés » (Correspondance de Camille Pissarro, 1988, lettre 589).

En 1892, pour la cinquième « Exposition internationale de blanc et noir » suivie en 1902 de l’« Exposition de la gravure sur bois » à l’École des beaux-arts, présentant un panorama des productions occidentale et orientale, Vever, sans doute à la demande de Siegfried Bing, prête pour la première exposition 227 xylographies japonaises (Bing 149 feuilles) et, pour la seconde, une collection de livres japonais dits « primitifs » (début XVIIIe siècle).

Sans prétendre à l’exhaustivité, citons parmi les plus importantes manifestations d’art japonais, celles que l’Union centrale des arts décoratifs – sous la direction de Raymond Koechlin – consacre entre 1909 et 1914 à l’estampe japonaise. Soixante-six japonisants répondent à l’appel, dont Vever en fidèle contributeur. Ces expositions annuelles, dont la durée n’excède pas un mois, présentent au public un siècle de l’estampe japonaise, du milieu du XVIIe siècle jusqu’à 1850. Deux mille trois cent dix-huit feuilles sont ainsi révélées aux visiteurs, dont 523 proviennent du fonds Vever. De luxueux catalogues reproduisent une centaine de planches en noir et blanc et une dizaine en couleurs.

Henri Vever ouvre ses cartons pour les expositions et autorise la reproduction de sa collection dans les revues et ouvrages de ses contemporains rédigeant même les préfaces à leurs ouvrages.

La création du musée des Arts décoratifs en 1905 est prétexte à célébrer à nouveau le Japon et Henri Vever participe assidûment aux expositions : les textiles japonais en 1906, les gardes de sabre japonaises en 1910 les garnitures de sable et d’inrô en 1911, les laques japonais l’année suivante et, en 1913, les masques japonais, netsuke et petites sculptures.

Henri Vever, un donateur zélé

À l’initiative de Gaston Migeon qui souhaite créer en 1893 une section japonaise au musée du Louvre – mais sans moyens financiers –, il fait appel à la générosité des fidèles japonisants Koechlin, Rouart, Manzi, Gillot ou encore Vever. Ces derniers offrent pour son projet une cinquantaine d’estampes. Pour ces derniers c’est une consécration, une reconnaissance de l’amateur vis-à-vis des institutions et la consécration de l’estampe japonaise ainsi patrimonialisée. Du cabinet de l’amateur, l’estampe se hisse au niveau de l’œuvre d’art. Vever sélectionne avec rationalité une trentaine d’estampes parcourant l’évolution de la xylographie, du noir et blanc, peu connue (milieu du xviie siècle) à l’estampe nishiki-e illustrée par Harunobu, Shunshô, Kiyonaga, Utamaro, Shunman, Eishi, Chôki, Shunkô, Shunei, Hokusai, Sharaku, Hiroshige et jusqu’au milieu du xixe siècle avec Kuniyoshi. Les thèmes variés, la femme à l’enfant et les courtisanes chez Utamaro, les vues du Fuji et les oiseaux chez Hokusai, soulignent le soin avec lequel Vever familiarise le public à cet art délicat.

Il offre également en 1905 au musée des Arts décoratifs, installé au pavillon de Marsan, treize xylographies japonaises complétant le don de 1894 au musée du Louvre avec des feuilles d’Harunobu (inv. 12121, inv. 12117), de Kiyonaga, de Shunman (inv. 12120) et d’Hokusai (inv. 12124) ainsi que huit Hiroshige, dessinateur quasiment absent en 1894 avec des paysages, oiseaux et poissons. Il offrira en 1912 au musée Guimet un triptyque de Shunshô (inv. EO 1457) et le célèbre Autoportrait sous l’aspect d’un vieillard d’Hokusai dessiné à l’encre, cadeau de Siegfried Bing certifié précédemment par Hayashi (inv. EO 1456). Enfin, la feuille droite du triptyque Sur le pont d’Utamaro (inv. EO 2591) et le paravent à huit feuilles sur papier d’Hokusai enrichissent le fonds de cette institution.

En 1920, Henri Vever se dessaisit d’une partie de sa collection d’estampes japonaises au profit de l’homme d’affaires Matsukata Kôjirô (1865-1950). Fils de Matsukata Masayoshi (1835-1924), ministre à deux reprises entre 1891 et 1896, Kôjirô est à la tête de la puissante entreprise spécialisée en équipements industriels et transports maritimes (connue aujourd’hui sous le nom de Kawasaki Heavy Industries). Cette collection élaborée par Henri Vever comprend environ 2 000 feuilles représentatives de l’estampe japonaise par périodes, par les plus célèbres dessinateurs aux sujets variés. Elle constitue le fonds du musée d’art occidental de Tokyo qui publie en 1925 un catalogue en japonais en sélectionnant d’après la coutume 100 chefs-d’œuvre ; les cachets Hayashi et Wakai figurent sur certaines pièces.

Après la mort d’Henri Vever, sa collection d’objets japonais et chinois (inrô, suzuki bako, boîtes diverses, peignes, laques diverses, armes, netsuke, masques, céramique, bronzes, émaux cloisonnés, bois sculptés, casques et masques, sculptures, paravents et peintures, vitrines, étoffes, livres sur les arts, gardes de sabre, kozuka et garnitures de sabres) est dispersée en 1948 à l’hôtel Drouot en trois vacations.

On a longtemps cru que Henri Vever avait vendu la totalité de ses estampes japonaises à Matsukata. Or, trois ventes publiques à Londres, organisées par ses héritiers en 1974 (382 lots), en 1975 (284 lots), en 1976 (299 lots) et une dernière vente de moindre importance en 1997, révèlent la richesse et l’étendue de cet ensemble exceptionnel.

Bénéficiant des découvertes des premiers japonisants et formé par les principaux acteurs du marché japonais, Vever a, au cours de ces décennies, acquis, échangé, donné, substitué des estampes en vue d’atteindre une exceptionnelle qualité d’épreuves. D’ailleurs, il a participé à la redistribution des grandes collections en vente publique autour de 1890-1900, celles de Burty en 1891, Goncourt (1896) en 1902 Hayashi, 1904 Gillot…), puis dans les années vingt (1920 et 1921, celle de Manzi, 1922, 1923, 1924, 1925 et 1927, celle de Haviland, et celle de Gonse en 1924), enrichissant encore ses cartons. Dans le catalogue de vente (Vever II, 1975) consacré à Utamaro sont répertoriées treize estampes de belle facture et en excellent état ayant figuré à l’exposition de 1912 au musée des Arts décoratifs.

Sur ses estampes, Vever a apposé son cachet dès 1894 mentionnant H. VEVER dans un cartouche rectangulaire aux extrémités arrondies (Lugt 2491bis). À sa demande, Hayashi lui fournit en 1898 un cachet japonais avec son patronyme, rarement rencontré. Le monogramme « HV » est estampillé sur la totalité des feuilles des ventes londoniennes désormais dispersées à travers le monde (Lugt 1781a et b). Ces cachets sont pour les collecteurs avertis la garantie d’une étonnante qualité, au tirage le plus soigné, jointe à un exceptionnel état de conservation.