VIOLLET-LE-DUC Eugène (FR)
Constitution de la collection
Il est difficile de commenter plus précisément les objets possédés par Viollet-le-Duc, dont nous n’avons aucune reproduction. Je me bornerai à rappeler que c’est dans l’inventaire après décès du 17 rue Condorcet, du 13 octobre 1879 (Étude LVIII/930, maitre Cocteau), que j’ai découvert avec quelque surprise que Viollet-le-Duc possédait des porcelaines chinoises et japonaises.
L’inventaire après décès du mobilier de la rue Condorcet mentionne une soixantaine de pièces de porcelaine de Chine et du Japon à l’étage de l’appartement privé, salle à manger et chambre. À l’étage du bureau de l’architecte est décrit un grand vase chinois émaillé et cloisonné, avec couvercle en bois sculpté à bouton de jade, prisé 250 fr. et vingt curiosités de Chine (en ces termes). Curiosités est le mot employé pour les pièces rapportées à l’Empereur par l’armée, exposées au Pavillon de Marsan en février 1861 avant d’être placées au rez-de-chaussée du château de Fontainebleau (Verlet-Samoyault C. et J-P., 1994)). Lors de l’Exposition de 1867 à Paris, des récompenses avaient été accordées à Raingo et Vialatte pour des pièces d’ornement : l’inventaire après décès mentionne une pendule Raingo (estimée 150 f) et une pendule de marqueterie de cuivre et bronze accompagnée de deux cornets en porcelaine du Japon estimée 700 f. Il semble que la compétence de Viollet-le-Duc à l’égard des curiosités de Chine ait été reconnue. En effet, après la chute de l’Empire, lorsque l’impératrice revendiqua la propriété d’un certain nombre des pièces exposées à Fontainebleau, Viollet-le-Duc fut chargé de rédiger la réponse : il se prononça en faveur du maintien des différentes pièces demandées au musée des Armées et au Musée chinois, considérant qu’elles avaient été données à l’impératrice par les représentants de l’Armée et non à la personne privée. Il correspondit avec le député Claude-Anthime Corbon (1808-1891), membre de la commission de l’Assemblée constituée, à ce propos, et s’éleva contre l’argument avancé par l’archéologue Charles-Ernest Beulé (1826-1874) (antiquiste) qui prétendit que les œuvres chinoises et japonaises, n’étant que des curiosités, pouvaient être traitées en biens privés. Viollet-le-Duc rétorqua que, dans ce cas, il en serait de même pour les vases étrusques, les bronzes antiques, le musée Sauvageot tout entier. Observation intéressante sur le statut des œuvres qui n’appartenaient pas à une antiquité classique (dépassement qui se traduit dans son ouvrage, Histoire de l’habitation humaine, Hetzel, 1874)
Le catalogue de la bibliothèque de l’architecte s’avère également précieux sur ses curiosités « extrême-orientales ». Il a été rédigé par Labitte, rue de Lille, en 1880, et la vente s’est faite en 12 vacations (commissaire-priseur Charles Pillet, assisté de Me Barizel). Soixante ouvrages traitent des arts et des textes chinois et japonais. À noter en particulier l’ouvrage de Stanislas Julien, linguiste, avec exercices pratiques de syntaxe et de lexicographie chinoise. Stanislas Julien avait traduit en 1856 un ouvrage intitulé Histoire et fabrication de la porcelaine chinoise, notes d’Alphonse Salvétat (1820-1882) (Julien, S., 1856). Viollet-le-Duc écrivait à Francisque Sarcey (1827-1899) : « Je ne suis jamais allé en Chine mais je possède une assez jolie collection de livres chinois dont les plus anciens datent du commencement du XVIe siècle. Cependant dans le catalogue de vente les livres anciens datent du début du XVIIe siècle. On relève des ouvrages sur les minéraux, les montagnes, les plantes, le paysage, des dessins sur éventails et un album de reproductions de dessins de Hokusai ainsi que Le Miroir des antiquités conservées dans les salles du Musée impérial de Pékin, publié sur ordre de l’empereur Khien Loung avec une préface, en 1749. Stanislas Julien avait également traduit et résumé les principaux traités chinois sur la culture des mûriers et l’éducation des vers à soie, en 1837. Cet ouvrage fait partie de la bibliothèque de Viollet-le-Duc.
Le troisième volet de l’intérêt de Viollet-le-Duc pour la civilisation de la Chine et pour celle du Japon est la place qu’il fait au dessin dans l’Histoire d’une maison, dont il faut souligner les dessins pour papier végétal et l’Histoire d’un dessinateur dans laquelle Yoshio Abe relève quelques échantillons de la Manga d’Hokusai (Actes du colloque international Viollet-le-Duc, Paris, 1980, Nouvelles éditions latines 1982). L’architecte louait « l’amour vrai et réfléchi des dessinateurs japonais, semblant ne voir que l’ensemble et rendre en quelques touches de pinceau l’aspect d’un site » ; « Vois comme ces artistes sont arrivés à saisir le geste, la pantomime et comme tous ces personnages sont à leur affaire et ne posent pas pour la galerie ; quelle sincérité et quel esprit dans ces attitudes. Comme tout cela est vivant ! ».
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