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Commentaire biographique

Enfance à Beauvais

Jean Georges Huyot dit George Auriol naît le 26 avril 1863 à Beauvais (AD 60, 2MI/ECA 057 R1, no 303) de l’union de Claire Marie Joséphine Maillard (1837-1927) et Jean Huyot (1840-1894), receveur des impôts et commis de poste. Jean Georges étudie dans sa ville natale jusqu’à la fin du lycée, montrant un goût prononcé pour la littérature et les arts.

En 1881, Jean Huyot est muté à Lyon, puis à Villers-Cotterêts l’année suivante. La famille déménage à deux reprises. Durant son année à Lyon, Jean Georges écrit une série d’articles humoristiques et satiriques pour des journaux locaux. C’est à cette époque qu’il choisit le pseudonyme de George Auriol, probablement inspiré du clown Auriol, gardant son deuxième prénom et supprimant le S. Il soumet à plusieurs reprises ses articles au Chat noir, nouvelle revue parisienne en vogue. Ses premiers envois restent sans réponse, mais Auriol persiste jusqu’à ce que l’un de ses essais soit accepté et publié, le 25 août 1883 (numéro 85). Encouragé par ce succès, il s’installe à Paris (Fields A., 1985, p. 19).

Montmartre et le Chat Noir

En l’espace de quatre mois, entre septembre et décembre 1883, Auriol parvient à décrocher un emploi dans la maison d’édition Marpon et Flammarion, et remplace Henri Rivière (1864-1951) au poste de rédacteur en chef du Chat Noir — poste qu’il occupera pendant dix ans. Il vit alors au 17 rue Racine (Fields A., 1985, p. 28).

Le premier cabaret « Le Chat Noir », situé au pied de la Butte Montmartre, avait été créé en novembre 1881 par Rodolphe Salis (1851-1897). Deux mois plus tard, le 15 janvier 1882, paraissait le premier numéro de son journal du même nom, qui comptera au total quelques quatre-vingt illustrateurs et chroniqueurs, parmi lesquels les artistes Eugène Grasset (1845-1917), Théophile Alexandre Steinlen (1859-1923), Adolphe Léon Willette (1857-1926), Alphonse Allais (1854-1905), André Gill (1840-1885), Caran d’Ache (1858-1909), Fernand Fau (1858-1915), Antonio de La Gandara (1861-1917), Henry Somm (1844-1907), mais aussi les écrivains et poètes Émile Goudeau (1849-1906), Narcisse Lebeau (1865-1931), Maurice Rollinat (1846-1903), Léon Bloy (1846-1917) Jules Jouy (1855-1897) (Donnay M., 1926).

En 1884, Auriol débute son service militaire obligatoire pour trois ans, intégrant le camp de Soissons au 67e régiment d’infanterie. Il continue néanmoins à écrire et envoyer des articles au Chat Noir. Grâce à l’intervention de Salis, Auriol est libéré au bout de dix mois de service, et retrouve son poste de rédacteur en chef en septembre 1885 (Fields A., 1985, p. 28).

La carrière d’Auriol au sein du Chat noir et surtout les rencontres qu’il y fait sont déterminantes dans son évolution artistique. Rivière lui transmet son goût pour la gravure sur bois en couleurs et les estampes japonaises. Grasset le familiarise avec la typographie, l’ornement et l’illustration.

Au début des années 1890, le paysage montmartrois a déjà fortement changé : de nombreux cabarets ont ouvert, et le Chat Noir doit faire face à une concurrence de plus en plus rude. Le journal est également ébranlé par le nombre croissant de nouvelles revues publiées, et ses ventes sont en baisse. En 1891, l’éditeur en chef Alphonse Allais renonce à ses fonctions pour monter son propre journal. Alors que le fondateur Rodolphe Salis songe à vendre le Chat Noir, Allais convainc Auriol et deux autres membres du périodique de le racheter. Au début de l’année 1893, ils font une offre à 5 000 francs pour le cabaret, mais s’y prennent trop tard : Salis a alors déjà cédé le Chat Noir à Charles Gallot (1838-1919). Allais et Auriol tentent de racheter le journal, en vain. Auriol conserve malgré tout son poste d’éditeur(Donnay M., 1926).

Le monogramme

Ayant presque entièrement disparu au cours du XIXe siècle, le cachet — tampon utilisé en guise de signature — redevient populaire au tournant du siècle suivant à la faveur de la seconde génération de graveurs japonisants, dont fait partie Auriol. Ce dernier est sans doute le premier à percevoir le monogramme comme une forme d’art à part entière, et lorsque Rivière conçoit et imprime ses premières éditions d’estampes, c’est naturellement vers lui qu’il se tourne pour lui concevoir un cachet personnalisé. Auriol en imagine sept, de style japonisant, reprenant la fleur favorite de son ami, l’iris. Rivière l’emploiera pour l’ensemble de ses travaux gravés à partir de 1888(Sueur-Hermel V., 2009).

Jusqu’en 1888, Auriol signe ses œuvres de son simple nom ; à partir de 1889, il utilise le monogramme du scarabée dont les antennes forment ses initiales G et A. Cette nouvelle signature attire l’attention de ses amis et collègues, qui lui commandent à leur tour un cachet personnalisé (les membres du Chat noir Allais, Jouy, Fau, Somm, Steinlen, et le cabaret lui-même). Ainsi, Auriol devint bientôt célèbre grâce à cette activité, qu’il poursuit tout au long des années 1890. En 1898, il imagine pour lui un nouveau modèle de monogramme, plus en phase avec ses aspirations du moment ; le scarabée est ainsi abandonné au profit de ses initiales stylisées, cachet qu’il utilisera jusqu’à la fin de sa vie (Alexandre A., 1899, p. 170).

En 1900, Auriol décide de préparer un ouvrage recensant tous les monogrammes qu’il a produits jusqu’alors. Aidé de l’éditeur Henri Floury (1862-1961), il publie trois volumes : Le premier livre des cachets, marques et monogrammes en 1901 préfacé par Roger Marx, le suivant en 1908 préfacé par Anatole France, le troisième et dernier en 1924.

La période de maturité

À la fin de l’année 1892, Auriol s’est imposé comme un écrivain, graphiste et illustrateur établi, reconnu tant par les familiers du Chat Noir que par les éditeurs parisiens. L’année qui suit est très importante pour sa carrière, qui voit les projets et commandes se multiplier.

Son premier livre, Histoire de Rire (1893), composé de plusieurs histoires courtes et humoristiques, est publié par Flammarion. Sept autres livres suivront, un chaque année, tous édités chez Flammarion : En revenant de Pontoise (1894), Contez-nous ça (1895), Hanneton vole (1896), Le Chapeau sur l’Oreille (1897), Ma Chemise Brûle (1898), À la façon de Barbari (1899), La Charrue avant les bœufs (1900).

En 1893, Auriol participe à sa première exposition avec la Société des peintres-graveurs français, à la galerie Durand-Ruel. Aux côtés de Félix Buhot (1847-1898), Jules Chéret (1836-1932), Henri Guérard (1846-1897), Pierre Georges Jeanniot (1848-1934), Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901), Henri Rivière, James Abbott McNeill Whistler (1834-1903) ou encore Anders Zorn (1860-1920), il présente un ensemble de sept gravures sur bois en couleurs à la manière japonaise (Au Bois, Promenade, Enfant et jeune fille et quatre épreuves de Voici l’iris en fleurs), deux aquarelles, un projet d’éventail et plusieurs planches de monogrammes. Ces œuvres témoignent de l’influence du japonisme — il sera bientôt surnommé le « Japonais de Paris » (Alexandre A., 1899, p. 168) — de la leçon de Rivière, tout en annonçant l’émergence de l’Art nouveau (Société des peintres-graveurs français, cinquième exposition, 1893).

Cette expérience lui assure non seulement un supplément de notoriété, mais l’encourage également à poursuivre ses expérimentations artistiques, en particulier dans le domaine de l’estampe. Dans les mois qui suivent, fréquente assidûment l’imprimerie d’Eugène Verneau. De cette période naît sa première édition de lithographies en couleurs, Bois frissonnants (1893), publiée par la prestigieuse maison L’Estampe Originale. L’accueil enthousiaste de ces lithographies convainc Auriol d’explorer encore davantage ce médium, en particulier pour les couvertures de livres.

Durant cette époque, le style d’Auriol gagne encore en maturité et en assurance, sa ligne se fait de plus en plus simple, ferme et vigoureuse. Ses sources d’inspiration demeurent le monde végétal et le corps féminin. Toujours en 1893, Auriol reçoit une commande de Larousse pour concevoir la couverture, la page de garde et les illustrations de la Revue Encyclopédique. C’est le début d’une longue collaboration avec cette maison d’édition (Fields A., 1985, p. 62).

Les années productives

En 1895, Auriol expose une série de lithographies au Centenaire de la Lithographie (Centenaire de la lithographie, 1895) ainsi qu’à l’exposition de la Société Nationale des Beaux-Arts (Catalogue des ouvrages de peinture, sculpture, dessin, gravure, architecture et objets d’art exposés au Champ-de-Mars, 1895). La même année — et bien qu’il ait toujours refusé d’être affilié à ce courant — il figure au Salon de l’art nouveau de la Galerie Bing (Salon de l’art nouveau, premier catalogue, 1896), dans les sections « Peintures, Pastels, Aquarelles, Dessins » (il y expose une peinture et une aquarelle) et « Estampes » (deux projets d’éventails gravés sur bois).

Au tournant du XXe siècle, le lien entre Auriol et Rivière est ravivé à plusieurs occasions. En 1895, les deux artistes collaborent de nouveau pour le recueil de poèmes et musique de Fragerolle, L’enfant prodigue (1895), que Rivière illustre, et dont Auriol conçoit les titres et la mise en page. C’est à cette occasion qu’Auriol rencontre l’éditeur musical Wilhelm Enoch (1840-1913), marquant le début d’une relation professionnelle longue de trente ans. Enoch confiera à Auriol les illustrations, frontispices et la mise en page de nombreuses partitions jusqu’en 1929.

En 1897, Auriol reçoit sa première commande étrangère pour la couverture du mensuel bruxellois Le Thyrse. Durant l’année 1898, il conçoit des lithographies en couleur pour les couvertures de plusieurs ouvrages : Bucoliques de Jules Renard (1864-1910), Les Modes de Paris et L’Art dans la Décorations Extérieure des Livres d’Octave Uzanne (1851-1931).

Toujours en 1898, Auriol participe à un projet de longue haleine : un calendrier réunissant les lithographies bretonnes de Rivière, pour lequel il est encore une fois chargé de la mise en page et des ornements, Verneau s’occupant de l’impression et de la distribution. L’édition du Beau Pays de Bretagne se poursuit chaque année jusqu’en 1917.

C’est à cette époque qu’il rencontre sa future épouse, Jeanne Docquois (1875— ), sœur cadette de son collègue Georges Docquois (1863-1927) au Chat Noir. Elle a alors 22 ans, Auriol en a 34. Ils se marient le 26 octobre 1898 dans la maison familiale de Jeanne, à Boulogne-sur-Mer (Fields A., 1985, p. 77).

À la fin de l’année 1901, Auriol est approché par les frères Peignot, directeurs d’une vaste fonderie à Paris. Les Peignot avaient déjà collaboré avec l’illustrateur et affichiste Eugène Grasset en 1899, et lorsqu’ils contactent Auriol pour une commande similaire, ce dernier prend son rôle très à cœur. En l’espace de deux ans, il produit de nouveaux caractères et une centaine d’ornements, notamment les polices « Française légère » (1902), « Auriol » (1903), « Clair de Lune » (1904), « Robur » (1907) et « Cochin » (1914). Ce travail lui permet de s’imposer comme une référence en matière de typographie (Caradec F., 1981).

En 1902, Auriol est chargé de concevoir la maquette (boîte, couverture et relief et lettrage) du nouvel ouvrage de Rivière, Les Trente-six Vues de la tour Eiffel, paru en édition limitée.

Entre 1905 et 1920, Auriol publie huit livres, les cinq premiers chez Flammarion : L’Hôtellerie du Temps perdu (1905), Soixante à l’heure (1908), Les pieds dans les poches (1910), Sur le pouce (1911), Le tour du cadran (1913), La lucarne (1914) et La Geste héroïque des petits soldats de bois et de plomb (1915), Les aventures du Capitaine Longoreille, lapin breton (1920).

Les dernières années

Le 8 janvier 1907 naît le premier et unique enfant de George Auriol et Jeanne Huyot, Jean Georges Huyot (1907-1950). Jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale, l’activité d’Auriol est fortement réduite, se limitant à l’écriture d’histoires courtes et à la production de quelques monogrammes.

Membre de la société des Amis de l’art japonais, Auriol conçoit également plusieurs cartons d’invitation pour les dîners mensuels entre 1906 et 1930, des estampes « à la manière japonaise » signées tour à tour par Prosper-Alphonse Isaac (1858-1924), Jules Chadel (1870-1941) et d’autres graveurs contemporains (Vabre E., 2009, p. 3-6).

Le boom artistique que connaît Paris à la fin de la guerre va profiter à Auriol : il collabore de nouveau avec Enoch pour des livres de musique (plus de trente-cinq couvertures réalisées entre 1919 et 1922), puis avec Larousse pour une série d’encyclopédies historiques et scientifiques, ainsi qu’une dizaine d’ouvrages pédagogiques publiés en 1922. En 1921, il collabore à La Lettre d’Imprimerie, ouvrage encyclopédique en deux volumes que l’auteur, Francis Thibaudeau (1860-1925), dédie à Auriol.

En 1924, Georges Lecomte (1867-1958), alors directeur de l’École Supérieure Estienne, propose à Auriol un poste professeur en histoire de la typographie. À partir de 1926, il rejoint le mensuel ABC magazine en tant que critique littéraire (Fields A., 1985, p. 114-115).

Le 22 mai 1926, Auriol est nommé Chevalier de la légion d’honneur à l’occasion de l’Exposition Internationale des Arts Décoratifs et Industriels Modernes (AN, 19800035/551/62987).

En 1930, il publie son dernier livre, consacré à son ancien ami et collègue au Chat noir, Théophile Alexandre Steinlen.

Auriol meurt le 6 février 1938 à l’âge de 76 ans. Son épouse Jeanne Auriol hérite de tous ses biens, œuvres graphiques et écrits. À la fin de l’année 1938, elle vend à la Bibliothèque nationale deux cent cinquante-huit œuvres issues de cette succession (Fields A., 1985, p. 118).

Nature de la collection et témoignages

Henri Rivière raconte dans ses mémoires comment Auriol et lui découvrent l’art japonais, dans la galerie-boutique de Siegfried Bing (1838-1905). À cette époque, ils ne collectionnent pas encore, faute de moyens financiers, mais sont éblouis par les estampes ukiyo-e, qu’ils retournent régulièrement contempler et étudier : « George Auriol et moi nous avions beaucoup d’admiration pour l’art japonais, bien mal connu jusque-là en France. Gueneau de Mussy de même. Ce fut lui qui nous introduisit chez Siegfried Bing, dans un hôtel de la rue de Provence qu’il fréquentait déjà depuis quelque temps. On nous laissait feuilleter pendant de longues après-midi, albums et estampes pour notre seule initiation, - on savait bien que nous n’étions pas des acheteurs – mais c’étaient de nouveaux adeptes qu’on formait. Nous jetions aussi des regards curieux sur les vitrines de laques, de poteries, de bronzes anciens, de gardes de sabre, de riches étoffes brodées : nous ne les contemplions que du regard, les vitrines ne s’ouvrant pas pour nous. Il est vrai que nos préférences, à ce moment allaient surtout aux estampes, d’un aspect si nouveau pour des Européens.[…] Et c’était un grand plaisir que de découvrir les uns après les autres d’abord des primitifs comme Moronobou, avec leurs estampes en noir puis en 2 tons : noir et rose, puis en trois, noir, rose et vert (Kiyonobou), Massanonbou ; et c’étaient les tirages polychromes (quatre, six ou huit couleurs) les simplifications audacieuses de Korin, le précieux Harounobou, le séduisant Koriousaï, l’élégant Kiyonaga, le gracieux Outamaro, Sharakou, Sunsho, Toyokouni et tant d’autres… Et nous arrivions à ce dessinateur d’une invention inlassable, à ce « Vieillard fou de dessin » comme il s’appelait lui-même : Hokousaï… […] Enfin c’était le paysagiste Hiroshigé avec les vues du Tokaïdo, des environs de Yoddo, du Fukiyama […] et tous ces paysages nous donnaient grande envie d’aller faire un petit tour au Japon ! Gueneau nous conduisit aussi chez Tadamassa Hayashi » (Rivière H., 2004, p. 89-92).

À la fin de l’année 1892, Auriol qui vivait jusqu’ici dans le Quartier latin au 17 rue Racine, déménage pour un appartement montmartrois plus grand, décrit par Louis Morin (1855-1936) dans les termes suivants : ̏The amiable secretary of the editorial staff of the Chat Noir journal lives in the Rue des Abbesses, on the fourth floor, with a balcony which overlooks all Paris, and above which floats a bue Japanese flag. His studio is a large room, very soberly decorated, with choice and fragile Japanese objects, and reproductions from old Flemish masters and Botticelli, for whom M. George Auriol has a special cult. In long necked vases here and there were blooming violet irises and rare orchids – the chief luxuries of a painter who is, of all men, a lover of flowers and who derives from them such powerful decorative effects.̋ « L’aimable secrétaire du Chat Noir vit rue des abbesses, au quatrième étage, avec un balcon surplombant Paris, et au-dessus duquel flotte un drapeau bleu japonais. Son appartement est une grande chambre, très sobrement décorée, avec des objets japonais choisis et délicats, ainsi que des reproductions des maîtres flamands et de Botticelli, auquel Auriol voue un culte particulier. Ces vases allongés ici et là arborent des iris violets et des orchidées rares – c’est le principal luxe de ce peintre amoureux des fleurs, qui en tire des ornements si saisissants. » (Morin L., 1893, n.p.)