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Biographie

Charles d’Ochoa est né à Bayonne le 26 février 1816. Il est le fils illégitime de Julie Belles, née en 1792 ou 1793 à Billodas, un village du Pays basque espagnol, elle-même fille de François Belles et Christine Ouralde, marchands (AD 64, Bayonne, état civil, naissances, 1814-1825, f. 192). Il reçoit les prénoms de Pierre Charles Olloba, utilisant parfois ce dernier pour signer ces premiers articles. Son milieu est celui des négociants basques, comme l’attestent les témoins enregistrés sur son acte de naissance, Pierre Mitche, dit Charlesteguy, et Étienne Bardy, deux jeunes commis-négociants de Bayonne (AD 64, id.). Il fait ses études à Bordeaux et a pour tuteur Henri Galos (1804-1873), administrateur au service des colonies et député de la Gironde. Celui-ci a épousé Isabelle Foy (1818- ?), fille du général Foy (1775-1825). Engagé comme commis-négociant pour une maison d’armement, il s’embarque pour un premier voyage en Inde du Sud via Ceylan. Son journal de voyage (bibliothèque Mazarine, Ms. 547) décrit l’attente d’un vent favorable à Pauillac en février-mars 1835 puis le départ le 22 mars vers Ceylan où il arrive le 24 juillet. Après un séjour de six mois à Madras et Pondichéry, il reprend la mer le 28 février 1836 pour arriver à Bordeaux fin avril. Fort de cette expérience, Charles d’Ochoa s’intéresse à la littérature et aux langues de l’Inde. En 1839, il suit des cours d’arabe, de persan et d’hindoustani avec Joseph Héliodore Garcin de Tassy (1794-1878) à l’École des langues orientales (AN F/17/2995/2). Il entre à la Société asiatique en 1840 et collabore aux Nouvelles Annales de voyages en publiant une traduction du récit de la mission menée par le capitaine Robert Boileau Pemberton (18?-18?) au Bhoutan, rédigé par le botaniste William Griffith (1810-1845) en anglais (Olloba d’Ochoa, 1840), langue qu’il maîtrise parfaitement, de même que l’espagnol.

Mission scientifique en Inde

En 1840, Charles d’Ochoa sollicite François Guizot (1787-1874), alors ministre des Affaires étrangères, pour un poste consulaire à Bombay, mais celui-ci le lui refuse. En 1842, appuyé par Henri Galos et Garcin de Tassy, il demande une mission scientifique en Inde afin d’acquérir des manuscrits, d’écrire une histoire de la littérature indienne et de collecter toutes les informations nécessaires à l’établissement de nouvelles relations commerciales entre la France et les territoires indiens que ne sont pas encore administrés par les Anglais (AN F/17/2995/2). Abel-François Villemain (1791-1870), ministre de l’Instruction publique, lui accorde des crédits pour une « mission scientifique dans les États situés au nord-ouest de l’Indoustan à l’effet d’y recueillir des documents géographiques, ethnographiques et littéraires » (décret du 10 octobre 1842, AN F/17/2995/2). La mission est prévue pour trois ans à partir du 1er janvier 1843, à raison de 1 000 francs par mois la première année et 800 francs par mois les deux années suivantes. Elle devait être jointe à la mission scientifique demandée par le DGodefroy Robert (1809-1888), également voyageur et élève de Garcin de Tassy (AN F/17/3003/2). L’itinéraire proposé par Charles d’Ochoa passe par le Rajasthan, le Pendjab, le Cachemire, le Tibet, le Népal et le Bengale, où il devait rejoindre la France depuis Calcutta. Débarqué à Bombay le 30 mars 1843, Charles d’Ochoa se lie d’amitié avec Robert Xavier Murphy (1803-1857), très bon connaisseur des langues indiennes, traducteur du marathi à la Bombay Supreme Court, éditeur de la Bombay Gazette et du BombayTimes, avec qui il projette de rédiger une histoire de la poésie marathi (BnF NAF 8989, f. 51-54). Il se rend ensuite à Pune où il fait la connaissance des paṇḍit Viṣṇuśāstrī Bāpāṭa et Nīlakaṇṭha Thatte qui l’aident dans sa collecte de manuscrits en sanskrit et en marathi, de même que le lettré musulman Gosha Mahammad dans sa collecte de manuscrits en arabe, persan et hindoustani (ourdou) [AN F/17/2995/2 et Kulkarni A. R., 1988]. En décembre 1843, Rājārāma Śāstrī Jānavekara, inspecteur des écoles de Pune, lui recommande Vaidya Vināyaka Jośi pour parfaire ses connaissances en marathi (Kulkarni A. R., 1988, p. 179). Le colonel Vans Kennedy (1783-1846) atteste par ailleurs de sa très bonne connaissance de l’hindoustani (BnF NAF 8989, f. 47, lettre du 13 août 1844). En début d’année 1844, Charles d’Ochoa obtient des lettres de recommandation et entreprend un voyage dans le Dekkan qui le mène de Satara à Akalkot, en passant par Mahabaleshwar, Khanapur et Pandharpur. Il atteint Bijapur le 15 mars, où sa santé se dégrade. Il est contraint de rejoindre Bombay le 26 avril 1844. Il retourne brièvement à Pune où il est soigné par un médecin britannique, le Dr James Don (18?-18?) (BnF NAF 8989, f. 42). Il reste ensuite à Bombay jusqu’à la fin de l’été, avant d’être rapatrié en France. Il débarque à Bordeaux en novembre 1844 (AN F/17/2995/2, lettre d’Ochoa à Villemain, Barsac, 16 novembre 1844). Il rejoint ensuite Paris dans l’idée de poursuivre ses travaux indianistes et de publier ses rapports (AN F/17/2995/2). Il meurt le 2 juin 1846 (AP, état civil reconstitué, acte de décès, 10arrondissement, 1846) sans avoir pu réaliser ses projets de publication, laissant une riche collection de documents sur la littérature moderne de l’Inde du Nord.

Le fonds Ochoa

La collection de Charles d’Ochoa, conservée à la Bibliothèque nationale de France, compte quelque 180 manuscrits et 80 ouvrages lithographiés. Les manuscrits sont conservés au département des Manuscrits dans les fonds par langues, sous les cotes « Indien », « Sanscrit », « Persan » et « Arabe ». Les textes lithographiés sont conservés en grande partie au département Littérature et Arts sous la cote « XO-4 » (littérature indo-aryenne). Certains, imitant à ce point l’écriture manuscrite, qu’ils ont parfois été versés dans le fonds des Manuscrits. La collection reçut le nom de « fonds Ochoa » et fut transmise par le ministre de l’Instruction publique Narcisse-Achille de Salvandy (1795-1856), successeur de Villemain, à la Bibliothèque nationale le 12 janvier 1847 (AN F/17/2995/2 ; BnF, Manuscrits, registre des dons no 4242 à 4486). Quelques livres et manuscrits refusés par la Bibliothèque nationale ont été transmis à la bibliothèque de l’Institut de France et à la bibliothèque de l’Arsenal (AN F/17/2995/2). Une liste a été publiée dans le Journal asiatique en 1848 par les soins d’Eugène Burnouf (1801-1852) pour les textes en langues indiennes (sanskrit, prakrit, marathi, hindi) et Joseph Toussaint Reinaud (1795-1867) pour les langues en écriture arabo-persane (arabe, persan, ourdou) [Burnouf E., Reinaud J. T., 1848].

La collection de manuscrits contient en grande majorité des copies réalisées à la demande de Charles d’Ochoa. À Pune, Viṣṇuśāstrī Bāpāṭa lui avait recommandé de travailler avec le scribe Govindarāva Bhāva Gaṇapule. À Pandharpur, il s’était lié avec le paṇḍit Rāmacandra Ballāla Paṭavardhana qu’il engagea pour réaliser de nouvelles copies de manuscrits. Celles-ci devaient servir l’histoire de la littérature envisagée par Charles d’Ochoa (AN F/17/2995/2). Elles portent essentiellement sur les grands auteurs de la littérature marathi comme Nāmadeva (1270-1350), Jñānadeva (1271 ?-1296) ou Tukārāma (1608?-1648?). Pour les aspects historiques, Charles d’Ochoa avait aussi collecté des chroniques des dynasties marathes comme le Bīṃbākhyāna(BnF Indien 644) relatant l’histoire des gouverneurs du Konkan, ou une copie ancienne en écriture modi du Śivajicarītra (BnF Indien 661), relatant l’histoire des Marathes de Śivaji (1630-1680) jusqu’à la fin du c siècle. Des chroniques persanes sont aussi présentes, notamment dans un recueil copié en 1742 en écriture indienne Nasta‛līq (BnF Supplément Persan 959), tout comme les grands textes de la littérature persane, Gulistān de Saʿdī (1596-1656 ?), Dīvān de Ḥāfiż (1325-1390) ou les poèmes de Niẓāmi (1141-1209). On note aussi la présence de textes jaina, alors que cette religion était encore mal connue en Europe. À côté de copies de textes emblématiques du canon jaina, on trouve des copies plus anciennes, assorties de commentaires, de littérature narrative jaina en prakrit comme le Jñātādhammakathāsūtra (BnF Indien 706) ou la Susaṭhakathā (BnF Indien 883). La littérature en sanskrit est aussi bien représentée avec des copies de textes touchant à différents domaines, l’architecture, la philosophie, la grammaire ou les belles-lettres. Là encore, les copies commanditées par Charles d’Ochoa jouxtent des copies plus anciennes pour des poèmes célèbres, comme le Naiṣadhacarita de Śrīharṣa (xiie siècle) accompagné d’un commentaire (BnF Sanscrit 692-693, 697-698). La collecte menée par Charles d’Ochoa, interrompue par sa maladie et son retour prématuré en France, donne toutefois une bonne idée de la variété et de la richesse des langues et des littératures indiennes, comme des différentes techniques de production de l’écrit, manuscrits anciens, copies contemporaines, lithographies ou impressions à caractères mobiles.