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Pierre Loti, un écrivain-voyageur

Né dans une famille huguenote à Rochefort-sur-Mer (Charente-Maritime) en 1850, Julien Viaud s’engage à l’âge de 17 ans, en 1867, dans la marine française, année où il entre à l’École navale à Brest. Nommé officier en 1872, puis lieutenant de vaisseau en 1881, ses premiers voyages l’emmènent à Tahiti, en Amérique du Sud, sur l’île de Pâques, en Polynésie ou encore en Afrique. Les missions qu’il effectue autour du monde, et notamment en Asie, sont à l’origine d’une production littéraire abondante qui restera constante tout au long de sa vie. Car, parallèlement à sa carrière de marin, Julien Viaud, qui adopte dès ses premières publications le pseudonyme d’origine tahitienne de Pierre Loti, gagne sa notoriété en tant qu’homme de lettres. Cette carrière d’écrivain commence par hasard : en premier lieu, son attrait pour le dessin l’amène, pour des raisons principalement financières, à collaborer à diverses revues à partir de 1872. Dès le début de ses voyages, il avait produit de nombreuses œuvres réalisées à l’aquarelle, à la mine de plomb ou à l’encre de Chine, croquant les paysages et les peuples qu’il avait l’occasion de rencontrer. Par le biais de sa tante Nelly Lieutier (1829-1900), romancière proche du milieu journalistique parisien, il était parvenu à envoyer ses dessins, depuis l’étranger où il était en mission, afin de les proposer à la presse française. Reproduits en gravures, ils sont publiés de manière souvent anonyme dans des revues telles que L’Illustration, L’Univers et Le Monde illustré. Parallèlement à sa carrière de marin, Pierre Loti met ainsi un pied dans le monde de la presse française. Suite à cette féconde période de production qui dure jusqu’en 1885, il délaisse progressivement le dessin au profit de l’écriture. Dès 1873, il se passionne pour la rédaction d’articles et de nouvelles pour des journaux qui lui permettent d’évoquer avec des mots ses aventures extra-européennes. Différentes revues françaises telles que La Revue des deux Mondes et La Nouvelle Revue accueillent ses écrits. Progressivement, Pierre Loti se détache du milieu journalistique pour publier de façon indépendante des romans et des récits de voyage, grâce au soutien de la maison d’édition Calmann-Lévy, qui publiera de son vivant la totalité de ses ouvrages et qui, en 1879, fait paraître son premier roman inspiré d’un voyage en Turquie, Aziyadée. À partir de cette année-là, la production littéraire de Pierre Loti est abondante. En outre, l’auteur rédige des journaux intimes qui sont à la source même de sa création littéraire. En effet, Pierre Loti mène une activité assidue de diariste pendant plus de quarante ans, consignant jour après jour et sur le vif ses expériences vécues. Ainsi, presque chacun des voyages qu’il effectue donne naissance à un ouvrage. Comme le souligne l’historienne Magali Lacousse, « les expériences du marin nourrissent l’inspiration de l’écrivain » (Lacousse M., 1994, p. 189). Cette production, qui se compose d’écrits de natures diverses – certains évoquent son quotidien rochefortais, d’autres ses incursions et excursions à l’étranger sous la forme du récit de voyage –, qui lui permettent de vivre sa vie d’écrivain parallèlement à sa vie de marin. Membre de l’Académie Goncourt en 1883, entré à l’Académie française en 1891, Pierre Loti devient un auteur reconnu, dont l’œuvre le rattache au courant de la littérature exotique, et occupe une place importante dans la sphère intellectuelle de son temps.

La découverte de l’Extrême-Orient

L’écrivain-voyageur apprend à connaître l’Extrême-Orient au cours de plusieurs voyages effectués entre 1883 et 1902. Envoyé en mission en Indochine en 1883, à bord du navire de guerre l’Atalante, il découvre pour la première fois l’Asie. Après un bref retour en France, il part rejoindre l’Amiral Courbet en Asie le 20 mars 1885 à bord du cuirassé le Mytho, pour mener campagne dans les Îles Pescadores, dans l’archipel de Formose (actuelle Taïwan), lors de la guerre franco-chinoise (1881-1885). Après deux mois passés sur place, il se rend pour la première fois au Japon en mai 1886, à bord du navire La Triomphante, et y fait escale pendant cinq semaines. C’est dans une ambiance plus apaisée qu’il découvre ce pays, et surtout le port de Nagasaki qui va être son principal point d’ancrage japonais. Ce pays est pour lui une véritable révélation qui donne naissance au roman Madame Chrysanthème (1888) ainsi qu’à Japoneries d’Automne (1889) ; des œuvres qui résultent du remaniement des notes prises dans son journal et qui évoquent en détails ses aventures nippones. Pierre Loti, qui y livre ses impressions de voyage dans un pays qui lui était alors totalement inconnu, évoque notamment son mariage avec une jeune Japonaise, son quotidien au sein d’une famille nippone, mais également ses nombreuses expéditions. Effectuant le circuit touristique classique, par voie ferrée, adopté par les visiteurs étrangers, il donne un aperçu des nombreuses villes parcourues, telles que Kyoto, Yeddo (actuelle Tokyo), Kobe, Yokohama et également le site historique de Nikko. Il explore ensuite la Chine au cours des années 1900 et 1901. À l’âge de 50 ans, il est envoyé en mission officielle à Pékin auprès de l’Amiral Pottier à bord du Redoutable à la suite de la Révolte des Boxers (1899-1901). Il découvre ce pays dans un contexte particulièrement troublé, une Chine encore à feu et à sang après les nombreuses guerres civiles qu’elle a subies. Ce séjour est une nouvelle fois entrecoupé d’escales au Japon, qui se font principalement à Nagasaki, suivi d’un arrêt de quatre jours en Corée. Ce voyage, qui durera un an, sera son dernier sur le continent asiatique et lui inspirera le récit de voyage Les Derniers Jours de Pékin (1902), qui narre de manière journalière l’intégralité de son expédition militaire en vingt-neuf articles qui furent publiés dans Le Figaro au cours de l’année 1901. Il brosse le tableau d’une Chine meurtrie et anéantie après les nombreux traumatismes qu’elle a subis. L’écrivain y évoque sans filtre les répercussions qu’a la Guerre des Boxers sur le pays et les horreurs qu’il vit lors du périple qui l’amena jusqu’à Pékin, mais également les splendeurs de son séjour de dix jours passés au cœur de la Cité Interdite, alors désertée. Ce séjour dans la Cité pourpre marque énormément l’écrivain et lui inspire la création de son unique pièce de théâtre, La Fille du Ciel, un drame chinois sur fond d’histoire impériale écrit avec son amie poétesse Judith Gautier (1845-1917), fille de l’écrivain Théophile Gautier (1811-1872).

L’Asie occupe donc une place importante dans la carrière, aussi bien de marin que d’écrivain, de Pierre Loti. Au total, il passe environ quatre années à sillonner les mers et les terres extrême-orientales. C’est pour lui l’occasion de découvrir et d’appréhender des pays qui étaient, d’un point de vue culturel, extrêmement différents du sien. De plus, ces voyages lui offrent la possibilité de se confronter à la réalité de pays dont il avait déjà une connaissance fantasmée. Car comme le souligne Bruno Vercier, « l’Asie est un des lieux qui ont suscité [chez Pierre Loti] les rêves d’ailleurs de l’enfance » (Vercier B., 2006, p. 75) et qui l’a, entre autre, amené à devenir marin. Une grande part de son imaginaire y est donc présente. Dans son ouvrage Un Pèlerin d’Angkor, l’écrivain nous apprend notamment que c’est après avoir vu les objets et lu les notes des journaux rapportés d’Indochine par son frère aîné Gustave (1836-1865), médecin au sein de la marine française, qu’il eut envie « d’une vie de voyages et d’aventures » (Loti P., 1912, p. 2-4).

Le voyage, lieu de la collecte matérielle du souvenir

Pour Pierre Loti, le voyage, qui est à l’origine des créations littéraires, s’accompagne presque systématiquement de la collecte in situ de souvenirs matériels, objets ou œuvres artistiques. Bien que cette activité ne soit pas le but premier de ses visites lorsqu’il se rend en mission pour le compte de l’État français, il va néanmoins, et ce dès ses premiers voyages, prendre le temps de collecter sur place des centaines d’œuvres de natures extrêmement variées. Ce besoin de collecte se développa chez l’écrivain-voyageur de manière précoce. Dès 1876 et le début de ses voyages, c’est en suivant la même démarche que le marin rapporte systématiquement plusieurs caisses d’objets divers et œuvres d’art exotiques. Ceux-ci répondent à son désir d’amasser des souvenirs matériels qui lui permettent de recréer dans sa maison natale de Rochefort-sur-Mer une part de ses ailleurs visités. Ainsi, en modifiant complètement l’aménagement d’origine de la maison, il va réussir à créer un espace exceptionnel, où se mêlent architectures d’inspiration historique, comme la Salle Renaissance ou la Salle gothique, et ambiances exotiques conçues en souvenir de ses voyages telles que la Mosquée, la Chambre arabe et le Salon turc. La majorité des salles que confectionna Loti répondent à son besoin de constituer en France un lieu porteur de ses souvenirs, évoquant ses aventures passées ou des ambiances rêvées. La Pagode japonaise, construite en 1886, et la Salle chinoise, édifiée en 1903, lui permettent de mettre en scène la quantité d’objets et d’œuvres d’art, principalement chinois et japonais, qu’il rapporta de ses voyages extrême-orientaux à la manière de décors de théâtre. Cette maison exceptionnelle, devenue musée municipal en 1973, abrite jusqu’à la mort de l’écrivain-voyageur en 1923 la quantité d’objets et œuvres d’art qu’il accumula au fil de ses périples dans un décor fantasmagorique et exotique, reflet de sa personnalité atypique.

La constitution de la collection d’art asiatique

L’art de l’Extrême-Orient, Pierre Loti le connaît déjà partiellement avant même de se rendre en Asie. En effet, vivant en France à la fin du XIXe siècle, il ne peut passer à côté de la mode des « chinoiseries » et, plus tardivement, du mouvement du « japonisme » ainsi que des nombreux objets asiatiques qui inondent le monde de l’art suite à l’ouverture du Japon et de la Chine aux étrangers et peuplent les salons de ses amis intellectuels tels les frères Jules (1830-1870) et Edmond (1822-1896) de Goncourt ou l’actrice Sarah Bernhardt (1844-1923). Mais les cultures et arts de ces pays asiatiques lui sont véritablement révélés une fois sur place. Ainsi, dès ses premiers voyages, et principalement en Chine et au Japon, Pierre Loti se livre activement à la collecte d’œuvres et d’objets. Néanmoins, bien qu’il ne soit pas hermétique aux goûts de son temps, il constitue sa collection en se laissant guider par ses goûts personnels. Les objets sont choisis avant tout par Pierre Loti pour leur charge évocatrice, plus que pour leur esthétique, le collectionneur n’accordant que peu d’importance à leur authenticité et à leur valeur artistique. Bien au-delà de simples souvenirs, ils constituent, à la manière de fétiches ou d’amulettes, des supports à la remémoration de ses aventures passées et traduisent des émotions ressenties en Asie. De plus, cette collection asiatique correspond au désir de Pierre Loti de constituer en France les deux salles asiatiques de sa demeure, la Pagode japonaise et la Salle chinoise, qui accueillent et mettent en scène ses trouvailles et sont les écrins fantasmagoriques de ses nouvelles acquisitions. Ses écrits, aussi bien les romans que les journaux intimes, nous permettent de documenter le mode d’acquisition de ces objets, ainsi que de mesurer leur valeur aux yeux de l’écrivain. Cette collection, aujourd’hui partiellement dispersée – trois ventes aux enchères eurent lieu après la mort de Pierre Loti, en 1929, 1953 et 1980 –, est en partie donnée à voir aujourd’hui au musée d’Art et d’Histoire de Rochefort-sur-Mer.

Au sein de cette collection extrême-orientale, il est important d’établir une séparation entre la collection chinoise et la collection japonaise. En fonction de leur lieu de prélèvement, les objets ne sont pas récupérés de façon similaire. Au Japon, grâce au temps libre que lui permettent ses escales, Pierre Loti fréquente assidûment les bazars, marchands d’art et antiquaires dans les villes qu’il visite, sélectionnant les objets selon ses goûts personnels. Dès sa première rencontre avec le Japon en juillet 1885, Pierre Loti commence à constituer sa future collection asiatique en effectuant ses premières acquisitions nippones à Nagasaki, lieu particulièrement important pour le commerce d’œuvres d’art. Il va avoir à sa disposition un grand choix d’objets destinés principalement à une clientèle étrangère depuis l’ouverture du pays sous la restauration Meiji de 1868. Il indique dans son journal que, au Japon, l’« une des grandes distractions de ce pays-ci est la recherche des bibelots » puis précise qu’il se rend principalement « dans les vieilles petites boutiques japonaises, où l’on s’assied sur des nattes à prendre le thé avec les marchands » (Loti P., 1997, p. 167). Un des plaisirs de Pierre Loti pendant ce séjour nippon est donc de faire des emplettes à bord d’un pousse-pousse au cœur de Nagasaki. Un hobby distrayant dont il apprécie également la dimension sociale, prenant le temps de discuter avec les commerçants. Dans chaque ville qu’il traverse, il enrichit sa collection. À Osaka, il repère les nombreux bazars de bronzes et de porcelaines. Visitant Kyoto, il se rend dans les boutiques qui bordent les temples et où l’on trouve « au milieu des étalages miroitants, des étoffes et des porcelaines », ainsi que des boutiques d’idoles, celles-ci « pleines d’inimaginables figures » (Loti P., 1991, p. 245). Loti s’étonne constamment de l’originalité des objets japonais et utilise régulièrement les termes « bibelots », « mièvreries » et « jouets » pour qualifier ces articles qu’il trouve dans les bazars. Les œuvres qu’il collecte au cours de ses deux voyages sont représentatives à la fois du Japon de la période Edo (1603-1868) et du Japon contemporain, de l’ère Meiji (1868-1912). Ainsi, de nombreux bronzes, porcelaines, masques de théâtre, laques, ivoires ou textiles, mais également des objets qu’il prélève directement de son quotidien viennent enrichir sa collection. Chez les antiquaires, il acquit deux imposantes armures de guerriers samouraïs datant de la période Edo ainsi que plusieurs éléments d’armements de la même période, sabres, lances et ornements de parades militaires. Des pièces qui constituent à ses yeux des éléments matériels d’une culture japonaise millénaire dont, dans ses écrits, il ne va cesser de déplorer la modernisation. Pierre Loti collecte également de nombreux objets religieux, aussi bien des sculptures bouddhiques que des éléments d’autels cultuels. L’ère Meiji ayant entraîné la dévalorisation du bouddhisme au profit de la religion shintô, plusieurs temples et monastères bouddhiques sont fermés et un marché local d’antiquités bouddhiques se développe dès 1868, permettant aux acquéreurs étrangers de se procurer ces biens patrimoniaux. De plus, souhaitant aménager sa Pagode japonaise à la manière d’une salle de culte japonaise, il est motivé, dans ses achats, par l’envie de donner de l’authenticité à son décor. L’une des pièces majeures de cette collection est la sculpture en bois laqué de taille humaine du démon Aizen-Myôô, une divinité représentée sous les traits d’un être terrible à la peau rouge, issue du panthéon bouddhique, dont Pierre Loti documente avec précision l’achat dans Japoneries d’Automne : « J’ai été absolument captivé : une fascination, un coup de foudre, tout de suite j’ai senti que nos destinées étaient unies pour jamais » (Loti P., 1991 p. 109).

Tandis que l’étude de la constitution de la collection nippone démontre que celle-ci fut créée exclusivement à partir d’achats, la collection chinoise résulte d’un mode d’acquisition bien différent, relatif au contexte militaire dans lequel Pierre Loti se rendit en Chine et en Indochine dès 1885. Du fait de la guerre, il récupère illégalement des objets laissés aux mains des étrangers et participe aux pillages, notamment à Pékin lors de son séjour de dix jours dans la Cité Interdite, mise à sac par les forces étrangères, en 1900. Il prend principalement des œuvres qui se retrouvent par hasard à sa disposition, sans forcément les choisir. Conscient du caractère immoral de son geste, il ne documente que très brièvement cette pratique dans ses ouvrages. Bien qu’aujourd’hui très réduite à la suite des ventes aux enchères qui ont eu lieu après sa mort, on trouve dans la collection quelques œuvres de très bonne facture datables de la seconde moitié du règne de la dynastie des Qing (1644-1912), une période où l’art atteignit un haut niveau de technicité, et provenant pour certaines des collections impériales. À Pékin, Pierre Loti dit s’être rendu à plusieurs reprises dans ce que les étrangers appelaient « les réserves de l’Impératrice », garde-meubles installés dans une église par l’impératrice Cixi avant sa fuite, où étaient entreposés quantité d’objets et pièces de mobilier impériaux. Nous retrouvons dans la collection plusieurs éléments de mobilier en bois, dont un important trône impérial en bois sculpté, ainsi que des objets d’art décoratif précieux tels des sceptres ruyi, des fibules, des bagues d’archer, etc. Pierre Loti rapporte également une trentaine de céramiques chinoises, certaines datées de la période Qianlong (1736-1795), ainsi que plusieurs pièces de vaisselle en bronze de style archaïsant, quelques-unes datant de l’époque Ming (1368-1644). Pierre Loti rapporte par ailleurs de nombreux textiles et accessoires afin de compléter sa collection de costumes. Connu pour son goût du déguisement, l’écrivain rassemble probablement ce type d’objets en prévision de sa Fête Chinoise, qu’il organise à Rochefort-sur-Mer le 11 mai 1902. Ainsi, tuniques mandchoues, robes dragons et tuniques impériales en soie, chapeaux de fonctionnaires, costumes d’acteurs de théâtre viennent élargir sa collection.

De retour à Rochefort-sur-Mer, les nombreuses caisses d’objets et de meubles qu’il rapporte lui permettront d’aménager les deux salles asiatiques, la Pagode japonaise, réplique d’une salle de culte bouddhiste, et la Salle chinoise aménagée à la manière d’une salle de trône comme il a pu en voir lors de son séjour à la Cité Interdite. Une manière pour l’écrivain de se replonger dans l’ambiance des pays visités.

Dès la mort de son propriétaire en 1923, la collection asiatique connaît un démantèlement progressif. À la lecture de son testament intitulé « Recommandations suprêmes », qui précise, en fonction de chaque salle de sa maison, quelles œuvres il désire, ou non, conserver, il est indiqué concernant la Pagode japonaise et la Salle Chinoise, que Loti ne tient absolument à rien. Cette remarque nous interroge sur l’attachement que porte l’écrivain à cette collection, qu’il prend pourtant soin d’aménager à grands frais dans sa demeure. Peut-être que la psychologie particulière du personnage le poussa à désirer une destruction plutôt qu’une transmission. Incapable de s’en séparer de son vivant et de réduire même partiellement sa collection, c’est à son fils qu’il en confie la responsabilité, après sa mort. Samuel Pierre Loti-Viaud (1889-1969), seul héritier et ayant-droit de Pierre Loti, s’occupe de la revente des objets de son père au cours de ventes aux enchères et les salles asiatiques sont progressivement vidées et démantelées. Les objets qui ne sont pas vendus sont, pour une grande partie, légués à la ville de Rochefort-sur-Mer. Cette collection fut présentée au public au cours de plusieurs expositions organisées par les musées de la ville, qui s’attachaient à souligner le lien que le marin entretint avec le continent asiatique. Elles ne purent toutefois rendre compte avec la même intensité de ce lien que Loti s’appliquait de son vivant à mettre en scène avec faste.