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Commentaire biographique

Alphonse Albert Joseph Moillet naît à Lille le 25 juin 1812 (AD 59, N [1812] 5 Mi 044 R 134, n.1199). Fils du négociant Claude Joseph Moillet (1788-1859) et d’Henriette Elisabeth Josèphe Cuvelier (1788-1833), il est l’aîné d’une fratrie de cinq enfants, issue de la bourgeoisie aisée du Nord de la France (Demarcheliers H., 1891, p. 13). Il fait ses études au collège Haffringues, institution boulonnaise réputée pour la qualité de son enseignement et qui assure la formation de la jeunesse notable et scientifique du Pas-de-Calais, à l’instar d’Ernest Théodore Hamy (1842-1908), figure majeure de l’ethnographie française (Hoffmann M., 2019, annexes, p. 121), ou encore du paléontologue Émile Sauvage (1842-1917), quelques décennies après Moillet (Hoffmann M., 2019, annexes, p. 225).

Selon son biographe (Demarchelier H., 1891 : 14), Alphonse Moillet effectue plusieurs séries de séjours en Europe, en particulier en Allemagne, en Italie, en Hollande et en Angleterre. Ces voyages lui ont peut-être permis de développer son réseau et de se procurer quelques artefacts afin d’enrichir sa collection. S’il se rend en Algérie, territoire officiellement colonisé en 1834, il ne semble pas s’aventurer dans les terres (Notter A., 1997, p. 61). Cependant si Desmarchelier insiste sur ces séjours hors de France, la collection Moillet provient de nombreux pays et continents (à l’instar de l’Asie) que collectionneur n’a jamais visité. Ainsi comme d’autres collecteurs de son temps, à l’image de Samuel Henri Berthoud qui donne sa collection au Musée de Douai (Hoffmann M., 2021), Alphonse Moillet a vraisemblablement constitué la majorité de sa collection grâce à ses contacts, en particulier au sein de l’armée française ainsi que des nombreux marchands de curiosités qui visitent la région comme la Maison Verreaux (Daszkiewicz P., 1997).

Mais l’entreprise collectrice de Moillet ne témoigne pas seulement d’un intérêt pour l’objet « exotique » en lui-même, mais aussi pour les régions et les peuples qui l’ont produit. Victor Derode (1797-1867), l’un de ses proches et parents, dans son ouvrage sur la linguistique, cite le rapprochement qu’Alphonse Moillet fait entre la physionomie des pirogues océaniennes et les divisions linguistiques (Derode V., 1840, p. 25). Moillet contribue également à la Revue du Nord. Archives de l'ancienne Flandre, fondée en 1834 par le romancier et archiviste Elie Brun-Lavainne (1791-1875). Il y publie ainsi plusieurs articles, inspirés par ses voyages, et enrichis de gravures au sein de Mélanges de la revue décrivant des monuments et lieux visités comme la Mosquée Jamaa al-Jdid d’Alger (Moillet A., 1835, p. 132-135).

Moillet amasse ses collections à son domicile, 12, rue de Gand à Lille. Mais sa santé, décrite comme fragile, l’empêche de poursuivre ses voyages. Quelques années avant sa mort, il perd l’ouïe. Sa sœur cadette, Henriette Elisabeth Marie Moillet (1817-1862) reste à son chevet et devient sa lectrice (Demarchelier H., 1891, p. 16). Il émet de son vivant, la volonté d’établir un musée, en faisant don de ses collections à sa ville natale (Desmarchelier H., 1891, p. 17). Il exprime deux conditions à cette donation : que l’administration du musée soit confiée à la Société des sciences, de l’agriculture et des arts de Lille, mais aussi qu’il puisse conserver la jouissance de ses collections de son vivant (AM Lille, 1D/2/36, p. 450-453). Cependant, il décède le 2 janvier 1850, avant d’avoir pu mettre en place ce projet. Son père Claude Joseph Moillet se trouvant l’héritier de cette collection, décide d’honorer cette volonté et fait don des artefacts à la municipalité en janvier 1851 (AM Lille, 1D/2/36, Délibérations du conseil municipal, 6 février 1850). L’inauguration du musée Moillet eut lieu le 1er mai 1851 (Demarchelier H., 1891, p. 22).

Constitution de la collection

Henri Desmarchelier (1855-1927) indique dans sa notice biographique (Desmarchelier H., 1891, p. 22) que le don Moillet comprenait un total de 1 500 artefacts lors de la création du Musée. Cependant, un inventaire réalisé en 1851, par le notaire de Moillet à l’occasion du don, estime l’ensemble à 10 040 francs et dénombre seulement 842 pièces. La collection d’Alphonse Moillet est ainsi composée d’artefacts ethnographiques, en majorité des armes, ornements corporels et outils pour la chasse et la pêche, provenant de Perse, d’Amérique du Nord et du Sud, du Japon, d’Océanie, d’Afrique, de Malaisie, de Chine, d’Inde, du Groenland, mais aussi d’Allemagne et de Russie. Il ne subsiste de cette collection que 189 portant une étiquette les identifiant les identifiant comme issus de la collection Moillet dont une centaine en provenance d’Asie (principalement de Chine, du Japon et d’Inde).

Moillet se lie avec les membres de la marine marchande et militaire, des généraux et des diplomates : tel François de Négrier (1788-1848), gouverneur général de la province d’Algérie, rencontré à Lille, auquel Moillet fait appel lorsqu’il se rend en Algérie (Desmarchelier H., 1891, p. 17). Bien que l’essentiel des objets de sa collection soit issu de contrées extraeuropéennes, il semble que Moillet n’est effectué qu’un seul séjour en dehors de l’Europe. Ne perdurent aujourd’hui que deux inventaires pour toute la période allant de 1850 à 1950 : l’inventaire réalisé entre 1863 et 1876 par Charles Joseph Bachy (1800-1888), membre de la Société Impériale des Sciences de l’Agriculture et des Arts de Lille, qui comprend 1 589 fiches, puis un second récolement effectué entre 1911 et 1912 sous la pression du Ministère des finances, qui compte 3 450 fiches. L’histoire chaotique des collections, qui vont être plusieurs fois transférées, contribue à expliquer les lacunes des archives.

Le musée ouvre ses portes en 1851, au sein du deuxième étage de l’Hôtel de Ville de Lille, le Palais Rihour, aux côtés des Musées de peintures et Wicar et de la bibliothèque communale (Bruneel, 1850, p. 375). En 1889, le déménagement du Musée Moillet dans l’enceinte du Palais des Beaux-Arts, inauguré en 1892, est planifié. Mais les travaux et les conflits militaires ne vont laisser que peu de temps les collections accessibles au public, entre 1892 et 1912, puis de 1935 à 1940 (Cadet X., 1999, p. 313). Les artefacts sont ensuite entreposés au sous-sol du Palais des Beaux-Arts jusqu’à leur transfert dans les réserves du Muséum d’Histoire Naturelle de Lille en 1990 (Cadet X., 1999, p. 314).