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21/03/2022 Collectionneurs, collecteurs et marchands d'art asiatique en France 1700-1939

Commentaire biographique

Paul Gasnault naît le 19 octobre 1828 à Paris où son père Jacques-François (1790-1837) tient un office d’avoué près le tribunal de première instance : il est notamment le conseil du pamphlétaire Paul Louis Courier (1772-1825). Sa mère, Henriette Sophie née Mouquin (1802-1844), est la fille d’un joaillier d’origine suisse, membre du consistoire réformé de Paris : elle apporte au ménage une dot considérable de 300 000 francs. Mais la santé de l’avoué se dégrade ce qui l’amène, en 1831, à céder sa charge à son cousin Jacques-Dominique Belland. En 1835, un accident vasculaire cérébral le laisse paralysé et altère son comportement au point de laisser supposer qu’il souffre de maladie mentale, ce qui provoque, fin 1836, son internement à l’hospice d’aliénés de Charenton (Saint-Maurice) où il meurt en octobre 1837. Sept ans plus tard, Paul Gasnault perd successivement son frère aîné, à peine âgé de dix-neuf ans, puis sa mère. Deux amis de la famille, un avocat d’origine belge, Charles Henri Amédée Vervoort (1798-1846), puis Pierre Jacques Martin Crosse (1789-1862), avoué honoraire, sont successivement désignés tuteurs de l’orphelin. Le second héberge l’adolescent à son domicile de la rue de Berlin où réside également une femme que Paul Gasnault a toujours présentée comme sa « mère adoptive » : elle aussi prénommée Henriette, Mlle de Tonniges, née à Dantzig (actuel Gdansk) en 1798, fille et nièce de négociants hanséatiques, propriétaire et rentière, est l’amie de Cécile Furtado-Heine, la richissime philanthrope apparentée aux Fould.

Élève au collège Bonaparte (actuel lycée Condorcet) jusqu’au baccalauréat obtenu en 1849, Paul Gasnault entame des études de droit tout en poursuivant son éducation artistique (dessin et musique). En 1851, il est recruté comme surnuméraire au secrétariat général du ministère de l’Instruction publique ; trois ans de labeur non rémunéré et l’appui insistant d’Achille Fould, alors ministre d’État, sont nécessaires pour lui procurer un poste d’expéditionnaire dans cette administration. En mars 1857, lassé d’un travail routinier sans perspective d’avancement, il démissionne pour se consacrer à la critique d’art et à sa passion naissante pour les céramiques et les porcelaines anciennes, principalement françaises, chinoises et japonaises. Dépourvu de patrimoine foncier, il amorce une carrière de collectionneur en entamant un capital exclusivement constitué des créances et des valeurs mobilières dont il a hérité. Resté célibataire et vivant toujours en compagnie d’Henriette de Tonniges, le plus souvent au domicile de son ancien tuteur, l’été dans leur villégiature de Saint-Cloud, il se rend parfois en Suisse, mais le voyage en Extrême-Orient n’est pas à sa portée.

Ayant fait, dans des circonstances qui restent à élucider, la connaissance d’Albert Jacquemart (1808-1875), le premier historien d’art français spécialiste de la céramique, il se fait son disciple et structure, grâce à lui, ses connaissances dans cette branche des arts décoratifs. Le collectionnisme enclenche ainsi le processus qui métamorphose très graduellement le (modeste) rentier en exposant, puis en conservateur de musée, c’est-à-dire aussi en salarié, ce qui peut s’interpréter de deux façons qui du reste ne s’excluent pas. Le capital intellectuel accumulé dans les travaux d’érudition a sans doute offert à Paul Gasnault l’opportunité d’embrasser sur le tard une carrière en rapport avec ses compétences, mais sa professionnalisation a aussi bien pu s’imposer à lui par suite de l’épuisement de ses ressources, provoqué par d’incessants achats d’objets d’art, son recrutement lui sauvant alors la mise.

L’intérêt de la collection constituée par Paul Gasnault était déjà assez notoire pour que l’Union centrale des arts décoratifs appliqués à l’industrie (UCAD), officiellement fondée en 1864, le sollicite l’année suivante pour sa première manifestation au Palais de l’industrie, le « Musée rétrospectif », où il expose en effet 52 pièces (UCAD, Catalogue du musée rétrospectif, 1867, passim). Comme il l’écrit lui-même dans la notice biographique jointe à son dossier de Légion d’honneur, il participe ensuite « à toutes les expositions de l’Union centrale » (AN, LH/1082/43), notamment à celle présentée en 1869 qui comporte un « musée oriental » où de nouvelles pièces de sa collection emplissent une armoire et deux vitrines (UCAD, « Exposition des beaux-arts appliqués à l’industrie. Guide du visiteur au Muséeoriental », 1869, p. 16-17). Son expertise commence à être si bien reconnue qu’en 1871 Adrien Dubouché l’associe « à l’organisation du musée céramique de Limoges » (AN, ibidem) ; Gasnault joue un rôle déterminant auprès d’Albert Jacquemart puis, après sa mort en 1875, auprès de sa veuve et de son fils Jules, dans la négociation qui aboutit à la vente de sa collection au musée ; il en accompagne le transfert (comme il le fera quelques années plus tard pour sa propre collection) et il en dresse minutieusement le catalogue que la Ville de Limoges publie en 1879. L’année précédente a été celle du basculement de son statut socioprofessionnel : il la commence en quasi-bénévole comme « secrétaire [de la 4section de la commission d’admission à] la partie rétrospective de l’Exposition universelle » (AN, ibidem) de 1878, mais elle s’achève par son embauche comme conservateur du tout nouveau musée des Arts décoratifs, ce qui signifie que l’UCAD, hier son emprunteur, est devenue son employeur.

Parfois aussi désigné comme secrétaire général du musée, Gasnault assure la direction de l’établissement durant près de vingt ans, soit jusqu’à son décès : il veille à l’accroissement de ses collections, auquel il contribue par des dons manuels réguliers (de céramiques, mais aussi de bijoux et de tissus), ainsi qu’à leur présentation provisoire au palais de l’industrie ; il fait sienne la cause du transfert au pavillon de Marsan, sans vivre assez longtemps pour la voir triompher. Par ailleurs, il cumule, à partir de 1882, son emploi parisien avec un second poste de conservateur en prenant la succession d’Adrien Dubouché, disparu en 1881, comme conservateur du musée de Limoges, devenu national, ce qui lui permet, lors de séjours sans doute assez courts et espacés, de renouer avec sa première collection et de la mettre en valeur.

La promotion de l’amateur éclairé en spécialiste d’envergure européenne monte encore d’un degré avec la publication en 1882 par son disciple Édouard Garnier de la première édition, chez Mame, d’une Histoire de la céramique… qu’il préface et qui a dès 1884 les honneurs d’une traduction anglaise sous le patronage du South Kensington Museum. Nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1885, Gasnault est désormais dans le domaine des porcelaines extrême-orientales une figure d’autorité qu’un Émile Guimet (1836-1918), par exemple, ne manque pas de consulter, ce dont témoigne une correspondance conservée au Musée national des Arts asiatiques – Guimet, où il est question de prêts, d’échanges et d’expertises.

Quoiqu’il faille être prudent dans ce registre, on peut supposer que la reconnaissance de ses pairs et la réputation acquise auprès des connaisseurs ont pu alléger un peu le poids des épreuves d’ordre privé qui ont régulièrement accablé Gasnault à partir de la fin du Second Empire. À la fin de l’été 1870, c’est à Berne que la nouvelle de la déroute des armées françaises à Sedan l’avait atteint. Henriette de Tonniges et lui s’y trouvent bloqués durant de longs mois, presque à bout de ressources et redoutant d’apprendre que leur maison de campagne a subi le même sort funeste que le château de Saint-Cloud, bombardé par les troupes françaises, ce qui ne se vérifie heureusement pas. Mais après leur retour à Paris, les soins à prodiguer à sa protectrice devenue presque aveugle requièrent de plus en plus le collectionneur et sa disparition, en 1878, l’ébranle profondément. Paul Gasnault s’éloigne des lieux où ils ont vécu et il s’installe pour quelques années près du cimetière du Père-Lachaise où, comme sa mère biologique, elle est enterrée. En 1888 toutefois il regagne le quartier de l’Europe, louant un appartement rue de Milan. Deux ans plus tard, il doit mettre en vente sa deuxième collection. Son décès survient en janvier 1898, durant la nuit des rois. Faute de descendance et hormis une ultime donation – finalement convertie en legs – au musée des Arts décoratifs, Gasnault avait fait de son ami le banquier René Loiselle son légataire universel. L’héritier s’empresse de passer en vente publique les livres, les céramiques et les autres biens mobiliers dont il a hérité, ce qui lui rapporte près de 64 000 F (AP, D48E3 82 et 83). Il faudra tenter de s’assurer qu’il ne se serait pas ainsi remboursé des prêts qu’il avait pu consentir à celui qui était aussi son client, pour l’aider à assouvir sa passion de collectionneur.

« L’apôtre convaincu de la céramique »

Paul Gasnault constitua au moins deux fois une collection. La première commencée à une date inconnue est vendue en 1880 à Adrien Dubouché pour le Musée céramique de Limoges, la seconde est partiellement dispersée aux enchères en 1890, avant d’être vendue après sa disparition par son légataire universel. Il est difficile de savoir dans quelle mesure les deux premières ventes constituaient ou non une liquidation totale des objets amassés par Paul Gasnault. Quoi qu’il en soit, ces collections ont toutes en commun la place prépondérante accordée à la céramique, occidentale comme asiatique, qui, à en croire ses contemporains, emplissait entièrement son appartement : « Sa maison était un musée : pas un coin sans une petite merveille dans ce logis de la rue de Milan » (Berger G., dans Anonyme, 1898, p. 32). Cette passion est sans doute en partie liée à son amitié avec Albert Jacquemart, de vingt ans son aîné, qui l’initia très vraisemblablement à l’étude de la céramique, étude qu’il avait réussi à ériger comme une science. Dès 1863, Albert Jacquemart parle dans ses articles de la collection de son « ami » Paul Gasnault (Jacquemart A., 1863, p. 375). La bibliothèque de l’Inha conserve de rares lettres écrites par Gasnault peu avant la mort d’Albert, qui témoignent de leur grande proximité et de leurs échanges au sujet de céramiques vues chez des marchands parisiens (BINHA, Autographe 094, d. 3-18, 83524-83525). Avec Albert Jacquemart et Adrien Dubouché, il se fait l’« apôtre convaincu de la céramique » – pour reprendre les mots de Georges Berger, président de l’Union centrale des arts décoratifs à son inhumation (Anonyme, 1898, p. 32). Son expertise dans le domaine de la céramique l’amène à rédiger les catalogues d’autres collectionneurs : celui du conservateur de musée Henry Barbet de Jouy (1879), du chocolatier François Philibert Marquis (1883), ainsi que d’un marchand d’art spécialisé dans la céramique familièrement désigné par sa clientèle « père Fournier », installé boulevard Beaumarchais, puis rue du Faubourg-Montmartre (1885). Dans ces catalogues, Paul Gasnault reste relativement fidèle au classement élaboré par Albert Jacquemart et Edmond Le Blant dans leur Histoire de la porcelaine publiée en 1862 : on retrouve, dans les catalogues susmentionnés, les catégories de « fabrications exceptionnelles », « famille verte », « famille rose », etc., élaborées dans cet ouvrage (D’Abrigeon P., 2018). Il prend cependant une distance avec l’expertise de son prédécesseur, notamment en ce qui concerne un ensemble de porcelaines « coréennes », qu’il réattribue justement au Japon (Gasnault P., 1878, p. 904), ainsi que des « porcelaines perses » ou « hindoues » réattribuées plus tard à la Chine (Chabanne L. 2004, p. 12).

Exposer sa collection

Dès 1865, la collection de faïence italienne de Paul Gasnault est présentée à l’exposition du « Musée rétrospectif » qu’organise l’Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie au palais de l’Industrie, avenue des Champs Élysées (Jacquemart, 1865, p. 402). En 1869, lors de l’exposition du « Musée oriental », Gasnault expose 188 numéros de porcelaine chinoise et japonaise : des céladons, des craquelés, des rouges de cuivre, des bleu et blanc, des porcelaines de commande et des porcelaines émaillées de type famille rose ou famille verte ; 34 bronzes de Chine et du Japon, quelques objets en verre, en pierre dure et en faïence, le tout décrit dans un catalogue qu’il co-rédige avec Albert Jacquemart. Sa collection est également présentée lors des deux Expositions universelles de 1878 et de 1889. Paul Gasnault s’est particulièrement investi dans la valorisation ou l’organisation de ces événements : en 1878, il est secrétaire de la IVe section de l’Exposition historique, dédiée aux céramiques du Moyen Âge et de la Renaissance, et il rédige un article dans la Gazette des Beaux-arts qui traite des collections de porcelaine extrême-orientales présentées dans l’exposition.

Non content d’exposer sa collection, Paul Gasnault la met à contribution pour illustrer des publications : articles de la Gazette des beaux-arts, troisième volume des Merveilles de la céramique d’Albert Jacquemart (1869) ou encore Histoire de la céramique d’Édouard Garnier (1882).

Achat de la première collection par Adrien Dubouché

En 1880, Adrien Dubouché (1818-1881), directeur du Musée céramique de Limoges, acquiert les quelque 1 800 numéros qui composent la collection de céramique de Paul Gasnault. Cette acquisition, faite à titre personnel par Adrien Dubouché puis donnée à la ville de Limoges pour son musée céramique, a un impact décisif pour le musée. Ainsi que le souligne Édouard Garnier, « la collection Gasnault viendra compléter dignement et couronner cet ensemble remarquable, et fera du musée de Limoges le rival du musée de Sèvres, auquel sous certains rapports il sera supérieur […] La porcelaine orientale y figure avec une richesse et dans un ordre de classement savant et méthodique qui n’ont pas de rival, la porcelaine tendre et la faïence y sont représentées par des spécimens presque uniques, et l’industrie moderne de tous les pays y a apporté ses plus beaux produits » (Garnier É., 1880-1881, p. 44-45, cité dans Chabanne L., 2003, p. 9). Avant son départ de Paris pour Limoges, la collection est exposée pendant six mois au musée des Arts décoratifs, alors installé au palais de l’Industrie, sur l’avenue des Champs-Élysées à Paris : elle y occupe deux salles entières, en marge de l’exposition sur les textiles organisée par l’Union centrale des arts décoratifs (Chennevières P., 1881-1882, p. 4).

L’ampleur de la collection Gasnault permet d’envisager la construction d’un nouveau bâtiment à la place de l’ancien asile où se trouvait jusqu’alors le musée céramique de Limoges. Ce dernier est finalement nationalisé pour que la Ville puisse, avec l’aide de l’État, bâtir un nouveau complexe de deux édifices rassemblant le musée et l’école nationale d’art décoratif. Peu de temps après la mort subite d’Adrien Dubouché, Paul Gasnault est nommé conservateur du musée le 8 novembre 1881. Comme il est indiqué ci-dessus (cf. Commentaire biographique), Paul Gasnault entretenait déjà depuis longtemps des liens très étroits avec le musée : outre son intervention comme intermédiaire lors de la négociation de la vente Jacquemart et son rôle dans l’installation de celle-ci dans le musée en 1875, il avait contribué depuis ses premiers dons en 1869 à l’enrichissement de ses collections et il avait aussi dressé son inventaire avec Albert Jacquemart (Chabanne L., 2004, p. 11 ; D’Abrigeon P., 2013 p. 61, 80). À partir de la même période, il achète régulièrement des œuvres à Paris pour Adrien Dubouché qui en fait ensuite don au musée. Il permet ainsi l’acquisition d’une des pièces les plus importantes du musée dans le domaine de la céramique chinoise : un grand plat bleu et blanc d’époque Yuan dit le plat au baizi entré en 1872 (ADL 7238, Chabanne L., 2004, p. 11).

Dans le domaine de la céramique extrême-orientale (plus de 700 œuvres), la collection Gasnault représente un enrichissement considérable pour le musée Adrien Dubouché. Elle comprend un remarquable ensemble de porcelaines d’exportation de type famille rose dont de nombreuses assiettes armoriées faites en Chine sur commande des compagnies des Indes orientales, un ensemble de porcelaines blanc de Chine des fours de Dehua, des porcelaines famille verte d’époque Kangxi, plusieurs paires d’aspersoirs en porcelaine bleu et blanc et à couverte zijin destinées au marché proche et moyen-oriental, et encore des porcelaines japonaises bleu et blanc et de type kakiémon, etc. Tout comme Albert Jacquemart, Paul Gasnault a voulu constituer une collection utile à l’enseignement qui « montrer[ait] tous les genres de fabrication et tous les procédés de décoration […] tout en rassemblant des spécimens de toutes les époques et des pièces servant aux différents usages, religieux ou profanes » permettant d’écrire, à travers les objets « l’histoire d’une industrie » (Garnier É., 1881, p. VI-VII).

Ventes de la collection

En 1890, Paul Gasnault se sépare de près de 250 lots de sa collection (Lugt 49132). La vente a lieu en mai à l’hôtel Drouot sous le marteau de Paul Chevallier : richement pourvue en céramiques extrême-orientales (156 lots) et européennes (78 lots), elle comporte également des verreries (7 lots) et des textiles (5 lots). L’événement fédère les habitués du monde de la curiosité : les marchands et experts Nicolas Joseph Malinet, Laurent Héliot, Charles Mannheim, mais aussi les collectionneurs Edmond Taigny ou Ernest Grandidier, ainsi que le Musée céramique de Sèvres (AP, D48E3 76, AN 20144787/13). Pourtant les adjudications restent relativement basses : peu de lots dépassent les 200 francs et Paul Gasnault se ressaisit même lors de la vente d’une pièce dont l’estimation était l’une des plus hautes, « six panneaux brodés » (hors catalogue) d’une valeur de 730 francs (AP, D48E3 76).

Par disposition testamentaire, Paul Gasnault avait demandé à ce qu’une partie des œuvres de sa collection soit préservée pour le musée des Arts décoratifs. Son légataire universel, René Loiselle, et ses amis Edmond Taigny (1828-1906) et Jules Maciet (1846-1911) sélectionnent quelque 740 objets, principalement des céramiques, auxquelles s’ajoute un portrait du collectionneur par le peintre Paul Mathey (1844-1929) [AMAD, C1 21 ; Anonyme, 1898, p. 255-256]. Le reste des objets composant sa collection avant sa mort est vendu aux enchères : ce sont en tout 860 lots écoulés lors de 6 vacations, du 25 au 30 avril 1898, pour plus de 67 000 francs. Dans le domaine de la céramique, la collection Gasnault avait sans doute été l’une plus exposées et des plus représentées au XIXe siècle, ce qui fit de sa vente après décès un véritable événement. On retrouve, dans des proportions différentes, une typologie proche de la première vente : faïences, grès et porcelaines européens (268 lots), porcelaines chinoises (149 lots) et du Japon (13 lots), objets en verre (plus de 100 pièces), textiles : guipures, étoffes, passementeries, auxquels s’ajoutent des émaux cloisonnés (11 lots), des laques (71 lots), plus d’une centaine de netsuke et un ensemble de pierres précieuses sculptées.

En juin 1898 a lieu la vente aux enchères de plus de 2 500 ouvrages qui figuraient dans la bibliothèque de Paul Gasnault. Une affiche conservée à la Bibliothèque nationale de France (BnF, 1898, DELTA-30279, voir également AP, D48E3 83) donne une brève énumération des livres les plus remarquables : on y trouve sans surprise les ouvrages d’Albert Jacquemart et d’Édouard Garnier sur la céramique, ainsi que des livres sur la reliure, l’ornement et l’ameublement, mais aussi des ouvrages littéraires (Chateaubriand, Shakespeare, Beaumarchais, George Sand, etc.). Là encore, une partie du fonds – plusieurs centaines d’ouvrages – avait été préalablement donnée par René Loiselle à la bibliothèque du musée des Arts décoratifs (AMAD, C1/21).

En l’absence de carnet d’achat daté, il est difficile d’estimer précisément la collection de Paul Gasnault sur le plan quantitatif ; il l’est tout autant d’établir la chronologie de sa constitution. Pourtant, si l’on compare ce qui a été acheté par Adrien Dubouché en 1880 avec ce qui a été vendu en 1898, on constate que le pourcentage des céramiques européennes est resté sensiblement égal à celui des céramiques extrême-orientales. La vente de 1890 en revanche se compose majoritairement de pièces chinoises et japonaises. Il est donc probable que cette mise en vente de son vivant ne concernait que la partie de sa collection dont Paul Gasnault souhaitait se séparer, de manière à l’épurer. Cela expliquerait également la relative modestie des prisées.