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Estampe d'Utamaro représentant une sauterelle posée sur un tuteur au milieu de fleurs roses et violettes.

BOURGUIGNON de FABREGOULES Jean-Baptiste (FR)

Commentaire biographique

La famille Bourguignon de Fabregoules appartient à la noblesse provençale. Leurs armes « d’or, au sanglier de sable, passant sur une terrasse de sinople ; au chef d’azur chargé de trois étoiles d’argent. L’écu timbré d’une couronne de marquis » (Viton de Saint-Allais N., 1876, p. 308) furent enregistrées à l’Armorial général de 1696 (Chaix d’Est-Ange G., 1907, p. 195).

Une « stratégie de conquête de la notabilité » (Maral A., 2002, p. 1)

Jean Bourguignon se voit doté le 25 mai 1747 de l’office anoblissant de « secrétaire du Roi, maison et couronne de France audiencier près la Cour des comptes, aides et finances d’Aix », qu’il conserve jusqu’à sa mort. De son union avec Madeleine Béraud, qu’il épouse en 1723, naissent sept fils (Chaix d’Est-Ange, G., 1907, p. 195).

Jean-Baptiste Bourguignon de Fabregoules (? -1781), seigneur de Fabregoules, bénéficie de cette position, et se voit pourvu en 1771-1772 de l’office de conseiller secrétaire du Roi, près le Parlement de Provence. À sa mort, la charge est vendue par ses héritiers.

Son fils (1746-1836), portant le même nom, naît le 4 avril 1746. Secrétaire audiencier de la Chancellerie, près la cour du Parlement de Provence d’Aix, il se rend acquéreur de l’office de conseiller secrétaire du Roi près le Parlement de Provence en 1776 et reçoit le titre d’écuyer près de la cour royale d’Aix. Noblesse acquise lui vaut une certaine notoriété dans la ville. L’historien de l’art Alexandre Maral évoque en ce sens une véritable « stratégie de conquête de la notabilité » (2002). À la mort de son père, en 1781, Jean-Baptiste Bourguignon de Fabregoules se déleste du poids de l’office, conservant seule sa qualité d’écuyer. En 1782, il scelle une alliance matrimoniale avec une riche famille marseillaise, les Martin. Marie-Louise Marseille Martin est la fille de Jean-Baptiste Martin, écuyer, conseiller-secrétaire du roi et échevin de la ville de Marseille (Viton de Saint-Allais N., 1876, p. 308). L’année 1789 marque l’apogée de son parcours, date à laquelle il devient maire de Septèmes.

La déliquescence sociale et politique et le refuge dans le projet de collection

Cette notoriété va cependant se dégrader avec la répercussion des évènements qui ont secoué Paris en 1789 ; la vindicte populaire se portant spontanément contre les plus nantis. C’est effectivement au cours de cette période qu’il commence à cultiver son goût pour l’art (Maral A., 2002) et à constituer sa collection. Car, ces troubles présentent pour le moins quelques avantages. En effet, l’érudit, historien des collections provençales, Émile Perrier (1859-1932) évoque, nostalgique, cet « âge d’or de la « curiosité », [où] les bonnes occasions étaient plus fréquentes que de nos jours » (1897, p. 97). Bourguignon de Fabregoules profite de ce désordre administratif, politique et économique, pour acquérir des pièces, dont la provenance reste incertaine. En 1816, il en vient à abandonner sa fonction, alors accusé de bonapartisme. Cette période charnière le force à vivre reclus dans sa demeure, rue Longue Saint-Jean (actuelle rue Roux-Alphéran).

Un parlementaire aixois reconnu

Son fils, Jean-Baptiste Marie Bourguignon de Fabregoules, hérite de l’ensemble de sa collection en 1836. Il est détenteur d’une fortune considérable, reposant sur un patrimoine à la fois foncier et mobilier. Il est notamment le propriétaire d’une usine à huile près de la place de la Rotonde et de bancs de marché (Derobert-Ratel, 2003, p. 89). Il reconquiert sa notoriété et se voit élevé au rang de Chevalier de l’ordre royal de la Légion d’honneur le 29 avril 1846. S’inscrivant dans les pas de son père, il est nommé le 1er juin 1811, conseiller auditeur par décret impérial, puis conseiller à la cour d’Aix, le 29 février 1816. Un an après sa première nomination, il épouse Aline de Bures de Villiers, fille d’un ancien mousquetaire gris de la garde du roi (Viton de Saint-Allais N., 1876, p. 308). Il est admis à la retraite en 1852 et obtient le titre de conseiller honoraire (Gaut J.-B., 1864, p. 31). En 1862, on lui refuse le grade d’officier de la Légion d’honneur, son travail de magistrat étant jugé « médiocre » par le procureur général (AN, BB/6(II)/58). Les renseignements personnels et l’enquête menée auprès de ses collègues révèlent un homme peu investi dans son travail, et « souvent en congé » (AN, BB/6(II)/58).

Des cercles de sociabilité favorisant les échanges artistiques

Jean-Baptiste Marie Bourguignon de Fabregoules dispose d’un réseau étendu de connaissances. Il entre dans la franc-maçonnerie et adhère à la loge de l’Amitié, puis à la loge des Amis de la Bienfaisance, affiliée au Grand Orient (Maral A., 2002, p. 7). La confrérie stimule ses échanges et ses discussions sur l’art. Bourguignon de Fabregoules adhère également au cercle des Agathophiles, « une société d’encouragement pour le commerce des objets d’art, qui au début du XIXe siècle vendait, achetait, échangeait des statues, des bustes, des fragments, des médailles antiques, des curiosités du Moyen Âge et même des objets rares et curieux d’histoire naturelle » (Maral A., 2002, p. 7). Malgré tout, la collection ne semble pas subir de grands mouvements après 1836 (Maral A., 2002, p. 6).

Le collectionneur fait preuve d’évergétisme et signe le 2 octobre 1860 l’acte de donation en faveur de la Ville d’Aix-en-Provence. Christiane Derobert-Ratel s’interroge sur la possibilité d’une rencontre entre Honoré Gibert (dates inconnues) et Bourguignon de Fabregoules, au cours d’une séance aux Amis de la Bienfaisance (1987, p. 206). Alexandre Maral évoque un rapprochement dès 1822 (2002, p. 13). À sa mort, le 20 janvier 1863, le musée d’Aix est confronté à l’ampleur notable de la collection, recevant près de 636 tableaux, 269 morceaux de sculptures, et d’autres objets divers ; cette dernière catégorie englobant les œuvres d’art asiatique. Des travaux d’aménagement sont rendus nécessaires et le musée investit provisoirement l’ancienne chapelle des Pénitents blancs pour accueillir la nouvelle collection. Le 16 décembre 1866, à l’occasion de la session tenue à Aix par le Congrès scientifique de France, le public peut enfin découvrir la collection de Bourguignon de Fabregoules (Gibert H., 1882, p. XXVII). De nouveaux travaux d’agrandissement sont entrepris en 1875 et achevés en 1878. Son installation est ainsi rendue pérenne (Gibert H., 1882, p. XXX).

Constitution de la collection

L’inventaire de la collection Bourguignon de Fabregoules, conservée au musée Granet, compte 952 éléments. Il s’agit d’une « collection aux multiples facettes », pour citer Alexandre Maral (2002, p. 1). L’art asiatique, s’il ne constitue qu’une infime portion de la collection, n’en reste pas moins représentatif du goût pour la curiosité, répandu au XVIIIe siècle.

La collection pour elle-même

Honoré Gibert, auteur du catalogue de la collection, évoque le caractère exemplaire de cette collection. Jean-Baptiste Bourguignon de Fabregoules père « était ce que l’on appelait autrefois un curieux et ce que nous sommes convenus de nommer aujourd’hui un amateur » (1867, p. X). Le conservateur du musée d’Aix fait le portrait de ce « zélé de la collection, dans le genre du collectionneur aimant celle-ci surtout pour elle-même », ne manquant pas de « fantaisie humaine » (1867, p. X). La collection constituerait ainsi « le but de toute sa vie », ce qui lui a permis d’acquérir un « juste renom » dans le milieu des arts et de figurer « parmi nos célébrités nationales » (Gibert H., 1867, p. XI). Bourguignon de Fabregoules atteste d’un « goût de grand seigneur », selon Honoré Gibert, qui note le caractère luxueux de cette collection, constituée de pièces de choix. L’ensemble constitué s’oppose « aux misérables ambitions du maniaque » et de l’érudit, « pour qui l’objet d’art n’est souvent qu’une trouvaille dédaignée après qu’elle a fourni un élément exclusif » (Gibert H., 1867, p. X-XI).

Une collection de chefs-d’œuvre picturaux

Le correspondant en Provence de la Commission des travaux de l’histoire de France, J. B. F. Porte (1790-18 ?), s’enthousiasme pour cette « collection très-considérable de tableaux, parmi lesquels il s’en trouve beaucoup d’estimés et plusieurs de capitaux » (1833, p. 190). L’auteur procède par énumération, dressant la longue liste des chefs-d’œuvre d’artistes flamands, italiens et français, à l’instar d’Antoine van Dyck (1599-1641), Esaias Van de Velde (vers 1590-1630), Francisco de Zurbarán (1598-1664), Cranach, Jean-Baptiste Greuze (1725-1805), ou encore Pierre Puget (1620-1694). La sculpture moderne y a également bonne place (Maral A., 2002).

Le cabinet d’un curieux du XVIIIe siècle

La collection compte un cabinet de curiosités foisonnant, montrant une forte propension à l’égyptologie et à l’épigraphie latine et orientale. De fait, l’ensemble se compose d’objets d’histoire naturelle et de pièces issues de l’archéologie lapidaire. On y trouve des pierres gravées, un ensemble de camées antiques, des scarabées, des vases, des bronzes antiques, notamment grecs et égyptiens, une peau de boa, des coquilles et autres spécimens botaniques et zoologiques.

La collection de Bourguignon de Fabregoules a une certaine renommée. Le futur président de la IIIe République (1871-1873), Adolphe Thiers (1797-1877), aurait ainsi développé son goût pour la collection au regard de celle de Bourguignon de Fabregoules (Perrier É., 1897, p. 508), même si ce n’est pas du côté de l’art asiatique qu’il ait pu en tirer les meilleurs exemples.

Les curiosités asiatiques

Les catalogues successifs, publiés par Honoré Gibert, délivrent une identification approximative des pièces d’origine asiatique, oscillant entre Chine et Japon. Force est d’ailleurs de constater quelques méprises après analyse iconographique des œuvres.

La collection compte ainsi une série de trois statuettes (Gibert H., 1882, n1758-1761), certainement des pièces d’exportation exécutée dans la région de Guangzhou (廣州), dans la province du Guangdong (廣東). Ces sculptures en terre cuite, dites à tête branlante par Honoré Gibert, n’ont plus que leurs membres pour deux d’entre elles, témoignages des aléas du temps. Un vase de forme bouteille, à long col, évoquant l’art kinrande chinois rouge et d’or (Gibert H., 1882, no 1628), se révèle représentatif de ce goût pour la porcelaine chinoise, partagé par bon nombre de collectionneurs. Tout comme ce « seau » (Gibert H., 1882, n1627), désignant probablement un bassin en porcelaine de la Compagnie des Indes, marqué des armes du royaume de France. Une niche en pierre de lard, dite japonaise, en réalité de facture chinoise, représente un lettré assis, protégé d’une ombrelle par un de ses quatre acolytes (Gibert H., 1882, no 1763). Il s’agit probablement de l’immortel taoïste Wenchang (文昌). On trouve également une boîte sur laquelle sont tracés des idéogrammes chinois, ou encore une « tasse entourée de feuillage (art japonais) », ou plutôt une coupe libatoire lotiforme lotiforme, en corne, d’origine chinoise (Gibert H., 1882, no 1764). Dans l’inventaire sont également cités des sabres japonais.

Quelques objets indiens sont également présents ; comme ce poignard à lame damasquinée dans son fourreau, terminé par un manche de bois sculpté, représentant une divinité indienne (AD 13, 308 E 1375). Honoré Gibert hésite quant à la détermination chinoise ou indienne de ce vase d’ivoire, présentant sur la panse « une course d’animaux fantastiques » et dont le couvercle est formé d’un lion, certainement un chien de fo (佛), faisant office de bouton de préhension (Gibert H., 1867, no 896).

L’art asiatique s’avère donc limité en nombre. La collection présente des objets indiens, chinois et japonais. Il s’agit d’objets destinés principalement pour l’exportation, qui répondent au désir d’exotisme des Occidentaux de l’époque. La donation Bourguignon de Fabregoules s’ajoute à un corpus d’art asiatique préexistant, issu de différents legs adressés au musée d’Aix, dont le legs Granet de 1849.