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Estampe d'Utamaro représentant une sauterelle posée sur un tuteur au milieu de fleurs roses et violettes.

FAUVERGE DE FRENCH Hippolyte (FR)

Commentaire biographique

Il est difficile de reconstituer la biographie d’Hippolyte Fauverge de French. D’après le registre de l’état civil, conservé aux Archives départementales du Finistère (3 E 61/16/1), nous savons qu’il est le fils d’un propriétaire terrien à Douarnenez, René Ange Fauverge de French, et de Clara Julienne Hurtel, sans profession.

Conscrit à l’âge de vingt et un ans, le 27 octobre 1909, il est appelé au 31e régiment d’infanterie de Melun, par décision ministérielle. Mais, d’une complexion fragile, il est contraint d’interrompre à plusieurs reprises son exercice. Relégué au service auxiliaire, pour goitre bilatéral, sur avis de la Commission de réforme de Vincennes du 1er février 1910, il est réintégré quatre jours après dans le corps de l’armée. Il se voit réformé temporairement quelques mois plus tard, victime de troubles nerveux, qualifiés par le Service de santé d’origine hystérique.

Il reprend du service pendant la Grande Guerre (1914-1918) et combat aux côtés du 11e régiment de zouaves et se voit ensuite affecté au dépôt du service automobile. Il est déclaré inapte le 13 janvier 1917, en raison d’une anémie cérébrale. Le 15 juillet 1918, il est placé en sursis d’appel, de par son statut de rédacteur au sein du Petit Journal, rue Cadet à Paris ; sursis prolongé et rendu définitif le 30 novembre 1918.

Un journaliste engagé

En effet, Fauverge de French a mené une carrière dans le journalisme. Reporter avant la Seconde Guerre mondiale au Petit Journal et à L’Intransigeant. Il est entré aussi à la rédaction du Figaro, dont il était l’accrédité au ministère de l’Intérieur (Combat, 1955). Il a aussi contribué au journal Le Temps (Coulomb G., 2007).

Par vote de l’Assemblée générale du 24 février 1924, le Syndicat national des journalistes l’admet en son cercle, reconnu dès lors comme membre participant. Le dénommé « Fauverge » prend ainsi la parole lors des délibérations, restituées dans les pages du Bulletin du Syndicat des journalistes, pour défendre la cause des journalistes. Il fait notamment entendre sa voix pour une meilleure rémunération et une meilleure répartition du temps de travail.

« Hippolyte Fauverge » figure notamment parmi les souscripteurs et donateurs du Gala du Casino de Paris, donné le 25 février 1933. Cet événement annuel, réunissant le Tout-Paris, est organisé au profit de la Caisse des Veuves et des Orphelins des associations des journalistes et des nouvellistes parisiens, présidés respectivement par Louis Barthou (1862-1934) de l’Académie française, et par Armand Vilette (18 ?-19 ?). « Toutes les personnalités du monde officiel et diplomatique, de la finance, de l’industrie et du commerce, de la société parisienne et de la presse » y assistent alors (Le Petit-Parisien, 18 février 1933, p. 6), sous l’aura du Président de la République, Albert Lebrun (1871-1950 ; Président de 1832 à 1940). Le programme est attrayant et voit se produire, entre autres vedettes du music-hall, Joséphine Baker (Freda Josephine McDonald, 1906-1975), qui enchantera l’audience avec la revue la Joie de Paris. L’insouciance des Années folles est passée, l’Europe s’enfonce dans la Dépression et le nazisme accède au pouvoir le 30 janvier 1933.

Les spoliations de guerre

On retrouve trace de Fauverge de French après la guerre, mentionné dans la liste des personnes spoliées de l’Office des biens et intérêts privés (OBIP) du ministère des Affaires étrangères. Son nom figure notamment dans la liste des victimes retrouvées par la Commission française des archives juives, pionnières dans les recherches menées en ce domaine.

Le donjon de Ballon, situé dans la Sarthe, où Fauverge de French a vraisemblablement transporté ses objets d’art, se voit pillé à plusieurs reprises, par des unités allemandes restées non identifiées ; et ce, dès 1940, et notamment après son arrestation, en novembre 1941. Fauverge de French fait une première déclaration de vol à la police mobile d’Angers en 1940, avant de s’adresser aux Services des réparations et des restitutions dans le courant de l’année 1945 (AMAE, 209 SUP 328). Son nom composé à particule est escamoté, les documents officiels liés à la procédure ne retenant que le nom de Fauverge. Pour autant, aucun doute sur l’identité du demandeur, qui habite bien le 30, rue d’Orsel à Paris.

En 1950, lui seront restitués dans sa résidence du 18e arrondissement de Paris, les 37 livres jugés compromettants aux yeux du régime nazi ou estimés devoir leur revenir. En revanche, le 9 novembre 1948, Albert Henraux (1881 ? -1953), président de la Commission de récupération artistique (CRA), créée en novembre 1944, apportait une réponse négative (AMAE, 209 SUP 9). Ses objets d’art chinois, ses meubles Louis XVI et sa collection de 1 200 soldats de plomb n’ont pu être retrouvés. Rose Valland (1898-1980), secrétaire de la CRA, parvient néanmoins à identifier les armes de la collection et mentionne le nom du capitaine Kob, comme un des responsables du pillage. Celui-ci se trouvait effectivement en novembre 1941 en cantonnement au Mans (AMAE, 209 SUP 593). Les archives de la CRA en restent là. Pour autant, la collection réunie au musée des Arts asiatiques de Toulon atteste bien du recouvrement d’une grande partie de sa collection d’art asiatique. Et les événements qui vont suivre, rapportés par Jeanne Guillevic (1967), auteure d’un mémoire d’études sur les collections d’art asiatique Fauverge de French et Nicolas Zarifi (1885-1941) à l’École du Louvre, montrent qu’il a pu en jouir jusqu’à la fin de sa vie.

Un accord avec la ville de Toulon

Fauverge de French se sépare de sa propriété du Ballon en 1951, pour disposer d’un pied-à-terre dans le Midi (Guillevic J., 1967). Il se rapproche de la municipalité de Toulon. Célibataire et sans enfant, il informe la veuve de l’ancien conservateur du musée de Toulon, Fontan, de son désir d’être pourvu d’un logement en échange du don de ses collections à la Ville. Ce projet est communiqué au secrétaire, au maire, Binet, qui en prend acte. Ainsi, en 1953, l’accord est scellé entre les deux parties (Guillevic J., 1967).

Hippolyte Fauverge de French meurt deux ans plus tard, à l’âge de soixante-sept ans, des suites d’une longue maladie dans une clinique parisienne. À sa mort, ses confrères de l’Association des journalistes parisiens et du Syndicat des journalistes lui rendent hommage en signalant sa disparition dans les nécrologies de certains journaux affiliés (Combat ; L’Information financière, économique et politique, 1955).

Constitution de la collection

Hippolyte Fauverge de French, resté célibataire, est mort sans héritier. Formulé dès 1953, le legs est véritablement acté en l’année 1961, retardé du fait d’un procès avec la famille. Le 20 décembre 1965, le versement de la collection à la Ville de Toulon est accepté par le Conseil artistique de la Réunion des musées nationaux (AM Toulon, 158 W 4). À cette date, l’ensemble originel, riches de 473 œuvres, subit un premier inventaire. Le récolement de 1996 met en évidence l’absence de 87 objets et des dommages, causés par un conditionnement précaire (AM Toulon, 523 W 3).

La collection chinoise d’un amateur éclairé

Au regard de cet ensemble, conservé à la villa Jules Verne (AM Toulon, 286 W 26), Hippolyte Fauverge de French apparaît comme un véritable connaisseur. La Chine est représentée par des pièces antiques, remontant aux ve siècle avant notre ère. Un ensemble de jades date des Royaumes combattants (戰國)[475-221 av. J.-C.]. Notons la présence d’un disque bi (MAAT, 961.3193) et d’une tablette (MAAT, 961.3193 [1]) des Han de l’Ouest (前漢) [206 av. J.-C.-9 apr. J.-C.], un pendentif (MAAT, 961.3.196) de la fin des Zhou (周) [1046-25 av. J.-C.] et un poignard de type ge (戈)[MAAT, 961.3178] des Shang (商) [1600-1046 av. J.-C.]. Des jades plus tardifs évoquent l’engouement des Ming (明) [1368-1644] et des Qing (清) [1644-1911] pour l’ancien. La forme archaïque affectée par ces tablettes gui (圭) [MAAT, 961.3.174] ou ces cong (琮) (MAAT, 961.3.183) constituent des imitations fidèles de l’art des Shang. Ces deux ensembles créent ainsi une sorte de continuum entre l’art antique et l’archaïsme des modernes.

De l’antique à l’archaïsme des formes modernes

La collection rend compte également d’un bel ensemble de bronzes anciens et tardifs de type archaïque. Une boîte contient « onze pièces de monnaies chinoises d’époque différentes » (MAAT, inv. 961.3.102). On recense ainsi une agrafe de manteau à décor de taotie (饕餮) des Royaumes combattants (MAAT, inv. 961.3.104), une décoration de moyeux de char de procession de la même époque, un certain nombre de fibules, dont quelques-unes remontent à l’époque des Shang. Les pièces les plus récentes sont des statuettes rattachées au culte bouddhique des Ming et Qing.

Un intérêt pour le bouddhisme, sous toutes ses formes cultuelles

Siddhârta Gautama enfant, Mañjugosha et Avalokiteshvara évoquent les divinités les plus répandues du bouddhisme. D’autres pièces d’Asie du Sud-Est, et notamment de Thaïlande, de Birmanie, du Cambodge et du Sri Lanka, complètent cette vision du bouddhisme, avec la représentation de plusieurs statuettes de Bouddha. Notons une peinture sur toile du Cambodge, datée du XVIIIe siècle, évoquant le Grand départ du futur Bouddha (MAAT, inv. 961.3.305).

Du Tibet, Fauverge de French retient un certain nombre d’objets rituels, liés à la pratique du bouddhisme lamaïque : des trompes rkang gling (MAAT, inv. 961.3.236), des théières, des encensoirs ou encore un moulin à prière (MAAT, inv. 961.3.83(1)). Le bouddhisme ésotérique est également évoqué à travers un thangka de Mongolie représentant la divinité Vajrapâni (MAAT, inv. 961.3.288). Ces objets s’avèrent encore de facture récente, situés entre le XVIIIe et le XIXe siècle.

Une collection indienne récente

Plusieurs statuettes en bronze, en fonte ou en pierre déclinent le panthéon hindouiste indien. Quelques figures en bois méritent également d’être signalées. Ces objets proviennent essentiellement d’Inde du Sud, notamment de la région du Tamil Nadu, et sont d’époque récente, datés entre le XIXe et le XXe siècle. On rencontre ainsi plusieurs représentations de Ganesha (MAAT, inv. 961.3.378), Garuda (MAAT, inv. 961.3.148) et Krishna. Se distinguent en outre deux éléments architecturaux d’époques antérieures. Un bas-relief en schiste bleuté, représentant le couple bouddhique formé par le génie yakşa Pāñcika et la yakşiņī Hārītī, son pendant féminin, constitue une manifestation de l’art du Gandhara du Ier-IIe siècle (MAAT, inv. 961.3.380). Un chapiteau aux chimères figure une tête de yakşa en grès rose de Mathura, dans le style Kushana, de la même époque. Une peinture sur toile du Cambodge, datée du XIXe siècle, évoquant un épisode du Rāmāyaṇa, témoigne des échanges artistiques entre l’Orient et l’Occident (MAAT, inv. 961.3.306).

Une évocation de l’art populaire du Japon

La collection japonaise s’avère moins étoffée. Ainsi, des objets emblématiques, qui ont fait la renommée du Japon en Occident, demeurent visibles. Fauverge de French a en sa possession des netsuke, du XVIeau XIXe siècle, et des tsuba. À cet ensemble, attendu, se mêlent des manches de couteau en os ou en ivoire de l’époque d’Edo (1603-1868), ainsi que des éléments de l’équipement du Samouraï, avec un ensemble d’étriers de l’époque Azuchi-Momoyama (1573-1603). On relève aussi un ensemble de masques de théâtre, qui rend compte de l’art populaire d’Edo. Un ensemble de céramiques du XIXe siècle figure également dans cette collection tout à fait hétéroclite.