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Commentaire biographique

Né à Paris le 2 mai 1843, Alphonse Hirsch est le dernier d’une fratrie de quatre enfants : Gaston Hirsch (1830-1918), Émile Hirsch (1832-1904), peintre verrier, et Jenny Hirsch (1835-1914). Son père Salomon Hirsch meurt précocement en 1853 et sa mère Élisabeth Bella Philippe (1803-1882) s’occupe seule du foyer (AD 92, E_NUM_VAN_D1884, no 86).

Le 23 avril 1879, Alphonse Hirsch épouse Henriette Perugia (1855-1923). Ils auront deux filles : Nina Bella Pauline Louise Hirsch (1880-1946) et Marie Jeanne Hirsch (1883-1963) (AP, V4E 3440, no 274).

Années de formation et engagement militaire

Malgré un intérêt précoce pour l’art, Alphonse Hirsch s’engage d’abord dans la finance, travaillant au service d’un agent de change. C’est à l’âge de vingt-quatre ans qu’il décide de quitter la Bourse pour se consacrer entièrement à la peinture (Frank C., 1884, p. 474). Il fréquente alors assidûment le Louvre où il pratique la copie, entre aux Beaux-arts de Paris, apprend la gravure auprès de François Flameng (1865-1923) et la peinture auprès de Léon Bonnat (1883-1922) et Ernest Meissonier (1815-1891). Désirant travailler sous la direction de ce dernier, Hirsch quitte Paris pour s’installer à Poissy, où Meissonier avait son atelier (Béraldi H., 1889, p. 124).

Lorsqu’éclate la guerre franco-prussienne en 1870, Hirsch rentre à Paris pour s’engager dans l’armée. D’abord en garnison à Vincennes, il monte les échelons et devient attaché au service des munitions à l’Hôtel de Ville, puis lieutenant à l’état-major de la garde nationale. Le siège terminé, Hirsch retrouve à peine son atelier de Poissy dévasté par les occupants qu’il est de nouveau mobilisé par les évènements de la Commune, au cours de la semaine sanglante de mai 1871 (Frank C., 1884, p. 474).

Un artiste mondain

Durant les années 1870, Alphonse Hirsch se lie d’amitié avec plusieurs peintres d’avant-garde, tels Édouard Manet (1832-1883), Edgar Degas (1834-1917), Marcellin Desboutin (1823-1902) ou encore Giuseppe De Nittis (1846-1884), qu’il défendra vigoureusement auprès de la critique ainsi qu’en témoigne Albert Wolff (1825-1891) : « il s’était fait beaucoup d’ennemis parmi les plus puissants, par son ardeur à défendre ce qui lui paraissait juste et beau et à démolir ouvertement l’art faux et triomphant » (Wolff A., 1884, p. 1).

Wolff souligne par ailleurs la personnalité mondaine de Hirsch, réputé dans la capitale pour son entregent : « Aucun Parisien n’eut plus de relations que celui-là ; il était de tous les salons et de tous les mondes ; on le rencontrait partout, dans les réunions de peintres et dans les ministères ; il se répandait l’hier à toutes les premières représentations, l’été sur les plages normandes ; il connaissait les hommes politiques et les écrivains, les premiers artistes de ce temps et les ignorés de la poussée nouvelle » (Wolff A., 1884, p. 1). Hormis les peintres, son cercle s’étendait en effet aux auteurs Alphonse Daudet (1840-1897) et Edmond de Goncourt (1822-1896), aux compositeurs Charles Gounod (1818-1893) et Jules Massenet (1842-1912), ou encore à la famille Camondo (Frank C., 1884, p. 474).

Hirsch fut également membre fondateur de l’une des premières associations informelles d’amateurs d’art japonais : la « Société du Jing-Lar » réunissant un groupe d’amis républicains et amateurs d’art extrême-oriental composé de Zacharie Astruc (1833-1907), Philippe Burty (1830-1890), Jules Jacquemart (1837-1880), Henri Fantin-Latour (1836-1904), Félix Bracquemond (1833-1914) et Marc-Louis Solon (1835-1913), alors directeur de la manufacture de Sèvres, chez qui avaient lieu les dîners conviviaux un dimanche par mois, entre 1868 et 1869 (Bouillon J-P., 1978, p. 107-118).

De l’eau-forte au portrait peint

La première apparition d’Alphonse Hirsch au Salon de Paris remonte à 1869 ; sa participation sera ensuite régulière jusqu’en 1884.

En 1869, Hirsch propose trois eaux-fortes d’interprétation : L’amour et la mort d’après Francisco de Goya (1746-1828), Une religieuse d’après François Bonvin (1817-1887) et Tête de jeune fille d’après Théodule Ribot (1823-1891). Il expose également un dessin d’après le Portrait de Giovanni et Gentile Bellini (anonyme, musée du Louvre) (Béraldi H., 1889, p. 124).

À partir de 1870, Hirsch se consacre à la peinture, s’illustrant d’abord dans la scène de genre : La Jeune femme soulevant un rideau, La corde au cou (exposé en 1873), Le Premier-né (exposé en 1874), Un dernier regard (exposé en 1874), Les Femmes à la vasque, Le Modèle (exposé en 1875) ou encore Le Premier trouble (exposé en 1876) (Explication des ouvrages de peinture, 1873-1876).

Sur une suggestion de son ancien maître Bonnat, Hirsch se tourne ensuite vers le portrait. Ses premiers modèles sont choisis parmi ses proches : Mme Hirsch mère, Eugène Manuel (son beau-frère), ou encore Les enfants Camondo dans le jardin d’hiver de leur hôtel particulier,représentés dans un cadre japonisant. Peinte en 1875 et exposée au Salon de 1876, cette œuvre sera vendue chez Christie’s New York, le 24 mai 1989 (19th Century European Paintings, Christie’s, 1989, no 39). Par la suite, Hirsch reçoit des commandes plus officielles : Le grand Rabbin de France Isidor (exposé en 1877), Octave Feuillet (1878, Saint-Lô, Musée des Beaux-Arts) ou encore Alfred Naquet, député de Vaucluse (exposé en 1880) (Explication des ouvrages de peinture, 1877-1880). Il exécute également de nombreux petits portraits sur panneau, format qui devient l’une de ses spécialités (Frank C., 1884, p. 474) : Ernest Daudet, Albert Mérat, LesEnfants de Mme Judie, ou encore Siegfried Bing,exposé au Cercle artistique et littéraire en 1878 (Cercle artistique & littéraire, 1878, p. 18).

Un succès en demi-teinte

Malgré ses participations multipliées au Salon et les encouragements répétés du jury, Hirsch ne remportera jamais de médaille. Selon Albert Wolff, « Peut-être lui garda-t-on rancune de sa franchise à toujours dire ce qui était au fond de sa conviction » (Wolff A., 1884, p. 1). Le même auteur relate les déconvenues de sa carrière de peintre, soulignant qu’il aurait sans doute rencontré plus de succès dans le métier de critique d’art : « Avec une éducation littéraire, Alphonse Hirsch eût écrit des œuvres remarquables sur les beaux-arts ; il avait la passion et le sentiment de la critique qu’il prenait à tort pour la force créatrice de l’artiste » (Wolff A., 1884, p. 1). Selon Charles Frank, cette infortune aurait même précipité le « mal nerveux qui devait l’emporter » le 15 juillet 1884 à l’âge de 41 ans (Frank C., 1884, p. 474). Après sa disparition précoce, le peintre tombe rapidement dans l’oubli.

Constitution de la collection

La formation d’Alphonse Hirsch en tant que graveur le porte rapidement à acquérir eaux-fortes et estampes modernes. Sa collection, où étaient représentés les principaux maîtres français de l’époque — avec une prédilection pour Félix Bracquemond et Charles Meryon (1821-1868) — est vendue en totalité (417 numéros) les 29 et 30 juillet 1875 chez Sotheby’s Londres et acquise en bloc par un certain M. Carlin (Lugt F., 1921, p. 24).

En 1878, Hirsch est mentionné parmi les exposants de la section grecque de l’Exposition universelle de Paris pour « quelques morceaux de haut intérêt », notamment une petite pyxis (boîte à fard) attribuée à Mégaclès et datée de 400-420, une Aphrodite en terre cuite ainsi « qu’une ou deux statuettes d’Asie Mineure » (Rayet O., 1878, p. 105-370).

La collection extrême-orientale

Mais c’est surtout la collection extrême-orientale d’Alphonse Hirsch qui retient l’attention de ses contemporains : les chroniqueurs de l’époque n’hésitent pas à déclarer que « les objets japonais qu’il a su réunir sont parmi les plus merveilleux qu’il y ait à Paris » (Frank C., 1884, p. 474).

Amateur précoce — il fait partie de la première génération de collectionneurs d’art japonais aux côtés de Félix Bracquemond, Philippe Burty, Émile Guimet (1836-1918) ou encore les frères Goncourt – Hirsch fréquente régulièrement la boutique de Siegfried Bing (1838-1905), dont il réalise le portrait en 1878.

Ses acquisitions avaient été installées dans le petit hôtel particulier que Hirsch s’était fait construire rue Ampère, où « il put disposer sa collection, ses tableaux, ses meubles, ses livres, ses bronzes, ses ivoires et ses laques. Il les cataloguait avec le ravissement d’un poète et la sûreté d’un expert » (Frank C., 1884, p. 474). D’autres pièces étaient réservées à l’atelier, comme en atteste un extrait de La Maison d’un artiste, où Edmond de Goncourt s’attache à la description d’un kakemono l’ayant particulièrement frappé : « Dans l’atelier du peintre Hirsch est suspendue une grue parmi les roseaux d’un marais, la nuit, sous une lune voilée d’un nuage. Dans le gris perle des ténèbres, c’est un chef-d’œuvre que l’échassier blanc […] » (De Goncourt E., 1881, p. 289).

Prêtant régulièrement des pièces de sa collection, Hirsch confie en 1869 plusieurs objets à l’Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie pour l’ouverture de son éphémère Musée oriental. Dans la section « Bronzes : Chine et Japon » sont ainsi exposés un vase Ding cylindrique tripode en bronze à deux anses et décor de grecques et dents-de-loup ainsi qu’une théière en bronze incrustée d’argent et d’or à décor d’animaux fantastiques ; deux bouteilles cylindriques à col allongé, décor de grues, coqs et bambous apparaissent dans la section « Grès de Satzouma [Satsuma] » (Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie, 1869).

Un ensemble loué par Louis Gonse

Alphonse Hirsch participe également à l’exposition rétrospective de l’art japonais organisée par Louis Gonse (1846-1921) en avril-mai 1883 à la galerie Georges Petit. Le catalogue recense parmi l’ensemble des prêts 176 numéros issus du fonds Hirsch, parmi lesquels six kakemono, seize bronzes, six objets divers en métal, six armes, trente-quatre gardes de sabre, trente-huit kozuka, dix-sept céramiques, trente laques, dix-huit objets en bois travaillé et incrusté, trente-six netsuke, et trois fukusa (Gonse L., Catalogue de l’exposition rétrospective, 1883, p. 373-395).

En octobre de la même année, Gonse publie L’Art japonais, ouvrage en deux volumes richement illustrés, où plusieurs pièces appartenant à Hirsch — pour certaines exposées quelques mois plus tôt — sont non seulement reproduites, mais également décrites et commentées par l’auteur. Au sein de cette collection « formée avec un goût très sûr », Gonse s’arrête sur un kakemono de Sō Shiseki宋紫 — (1712-1786) à motifs de poissons et bambous ; parmi les bronzes, il relève un brûle-parfum du XVIIe siècle représentant un martin-pêcheur posé sur deux feuilles de lotus [ill. p. 51], et surtout une grande carpe du XVIIIe siècle, « morceau de maîtrise » qui avait fortement marqué les esprits lors de l’exposition rétrospective, et qu’il compare à une statue du Verrocchio (1435-1488) ou un bas-relief de Cellini (1500-1571). Affirmant que « Les collections de Paris renferment les plus beaux foukousas du monde », Gonse cite trois exemplaires de la seconde moitié du XVIIIe siècle appartenant à Hirsch : une grande carpe remontant le fil de l’eau [ill. p. 224], des paons sur fond rose thé, et des langoustes brodées en noir sur fond de satin blanc [ill. p. 222]. Dans les arts du métal, l’auteur évoque encore plusieurs pièces exécutées par des ciseleurs japonais particulièrement réputés et rares dans les collections françaises : un kozuka (manche de couteau) du XVIIe siècle signé Umetada, deux gardes de sabre attribuées à Tomokata et Tomoyuki (fin XVIIe siècle – début XVIIIe siècle), et représentant respectivement une libellule prise dans une toile d’araignée et une carpe remontant le courant d’une cascade [ill. p. 150], un kozuka par Sōmin (début XVIIIe siècle), et enfin « La grande garde de M. Alph. Hirsch, incrustée, d’un côté, d’une branche de lis à fleurs d’argent et d’or, et de l’autre de touffes d’iris et de nénuphars, quoique non signée, peut être considérée comme un chef-d’œuvre de ce dernier artiste [Toshinaga] » [ill. pl. XVII]. Parmi les laques, Louis Gonse estime que « Les collections de MM. Alph. Hirsch et S. Bing offrent quelques pièces de la plus rare beauté ». Il attribue à Shunsho une petite boîte à décor de feuilles de momiji (érable japonais), et décrit une grande boîte en laque noir incrustée sur le couvercle d’un crabe en faïence et d’algues d’or signée Ritsuo. Enfin, la collection de netsuke — en bois, métal et ivoire — de Hirsch est également évoquée à deux reprises (Gonse L., L’art japonais, 1883).

Alphonse Hirsch décède le 15 juillet 1884, soit environ une année après l’exposition rétrospective de Louis Gonse. Dans une lettre adressée à Edmond de Goncourt le 4 août 1884, l’épouse de Giuseppe de Nittis écrit « Voilà une belle collection qui sera certainement vendue. Mais qui est-ce qui a de l’argent à l’heure présente pour l’acheter ? Israël seulement. Pour nous autres, chrétiens, nous pouvons y renoncer d’avance. » (Moscatiello M., 2011, p. 323). Aucune vente publique ne sera finalement organisée, et la localisation actuelle de la collection Hirsch est aujourd’hui inconnue.