Skip to main content
Lien copié
Le lien a été copié dans votre presse-papier

Commentaire biographique

Jean-Marie Ogier est né à Saint-Chamond le 29 octobre 1827 (AD 42, 3NUMEC1/3E208_20), au sein d’une famille ouvrière de l’industrie textile : son père Antoine Ogier était passementier. Il représente l’archétype de l’artiste industriel de la seconde partie du XIXe siècle ; à la fois artiste, ouvrier, amateur éclairé, collectionneur par passion ainsi que par nécessité professionnelle.

Il étudie à l’École des Beaux-Arts de Lyon, où il suit, notamment, les enseignements de Claude Bonnefond (1796-1860), Victor Vibert (1799-1860), Claude Soulary (1792-1870) (Beauffet J., 2017, p. 161).

Il épouse Catherine Bernard à Saint-Étienne le 30 avril 1857. Elle est modiste, lui, dessinateur pour la fabrique de rubans stéphanoise (AM Saint-Étienne, 3 E 54).

En parallèle de cette activité d’artiste industriel, il est aussi peintre et portraitiste de plusieurs personnalités ligériennes. Ses œuvres sont exposées régulièrement : en 1857 à la première Exposition de la Société des Amis des Arts de la Loire, entre 1864 et 1887 au Salon de la Société des Amis des arts de Lyon, de 1890 à 1894 au Salon de la Société Lyonnaise des beaux-arts, ainsi qu’à l’Exposition des beaux-arts de Saint-Étienne en 1891 (Beauffet J., 2017, p. 161).

Devenu veuf, il constitue, comme un recueil d’inspiration, une collection riche et hétéroclite de typologies et d’époques variées (incrustations, sculptures...), comportant des armes, des meubles, des peintures, des ivoires, ou encore des céramiques.

Décédé à Saint-Étienne le 3 janvier 1900 à 71 ans, Jean-Marie Ogier laisse ses biens et sa collection à Élodie Gérard (Beauffet J., 2007, p. 18 ; Archives Balay, fonds Balay, s.c.). Selon les désirs de Jean-Marie Ogier, elle lègue par testament cette collection à la Ville de Saint-Étienne, pour son Musée, le 14 mars 1906. Élodie Gérard décède à son tour à Saint-Étienne le 6 juillet 1912. Elle lègue également 5 000 francs au musée pour qu’une salle « Ogier » y soit installée, qui est ouverte en 1913. Cette salle disparaît dans les années 1930.

Constitution de la collection

La collection de Jean-Marie Ogier est léguée à la Ville de Saint-Étienne par sa nièce, Élodie Gérard, décédée le 6 juillet 1912. L’extrait de son testament, présenté au conseil municipal le 12 juillet 1912, indique les conditions du legs : « la collection artistique qui m’appartient et qui me vient de M. Ogier sera inaliénable. Elle devra être placée au Musée de Saint-Étienne, dans une salle qui portera le nom de « Salle Jean-Marie Ogier » en mémoire duquel je fais ce legs. Cette salle devra être organisée dans les six mois de mon décès et les objets qui composeront cette sélection devront être consultés sur place [...] » (AM Saint-Etienne 9 C 2 33). Pour connaître l’intérêt de cette collection et prendre une décision quant au legs, le Maire de Saint-Étienne prie le conservateur du musée, Jean Grivolat, d’en réaliser l’inventaire, avec un expert, un commissaire-priseur et 15 vacataires. Cet inventaire est dressé du 19 au 24 juillet 1912 (Archives Musée d’Art et d’Industrie (MAI), 1912, s.c.). La liste est copiée et annotée en 1965 par Maurice Allemand, conservateur du musée. Elle est constituée de 738 numéros, certains se référant à plusieurs objets : en les individualisant, nous obtenons une collection de 900 œuvres, ainsi que plusieurs lots.

Une collection hétérogène

Au sein de cette vaste collection, seuls 31 items sont identifiés comme venant d’Extrême-Orient (Chine, Japon), c’est-à-dire à peine 3,5 % de la collection. Jean-Marie Ogier n’était pas un collectionneur d’objets orientaux à proprement parler, mais un amateur d’objets de type cabinet de curiosité, qui, en tant que dessinateur pour le textile, pouvait y puiser l’inspiration pour la création de motifs. La majeure partie des objets légués au Musée sont des objets d’art européens : mobilier (68), armurerie — armes blanches, armes à feu et pièces d’armures (185), céramiques (149), serrurerie (55), objets d’art décoratif allant de l’époque médiévale au XIXe siècle : objets d’art en métal (65), ivoirerie, bois sculptés (88), émaux (51), horlogerie (17). La collection est complétée par des manuscrits sur vélin (5), des livres du XVIe au XIXe siècle (56), ainsi que 72 peintures, 22 miniatures et quelques gravures ou dessins (22).

Quelques pièces se détachent de cet inventaire par leur belle qualité. Citons par exemple ce « meuble buffet à deux vantaux et deux tiroirs sur les trois faces : décoration en placage de bois de couleur figurant des vases de fleurs et rinceaux de style Louis XIV. Moulures droites en bois noir : beau travail italien du XVIIe siècle » (Archives MAI, Inventaire Ogier, no 649).

Parmi les céramiques, 99 pièces représentent des manufactures françaises du XVIIIe siècle, notamment celle de Moustiers-Sainte-Marie, dont ce plat de la Fabrique Clérissy représentant une chasse au sanglier d’après une gravure d’Antonio Tempesta (1555-1630) (Archives MAI, Inventaire Ogier, no 236).

Des objets d’art sont plus anciens, comme une « valve de miroir en ivoire : chasse au faucon à deux personnages à cheval au milieu d’une forêt et cerclé d’un ornement à huit lobes et à quatre oreillettes, dont une ébréchée. Diam. 0,08, travail français du XIVe siècle » (Archives MAI, Inventaire Ogier, no 397).

Les peintures de sa collection, essentiellement du XIXe siècle, sont des représentations de fleurs (Dupasquier, no 650, Lardet, no 607) ou natures mortes, quelques paysages ou scènes religieuses. Jacques Beauffet souligne la présence d’une œuvre de jeunesse (vers 1840) de Gustave Courbet (1819-1877) (no 653) Pastorale ou Paysage à l’antique (Beauffet J., 2007, p. 18). On trouve aussi plusieurs portraits, signés notamment d’artistes locaux reconnus tels Gabriel Tyr (1817-1868) ou Claude Soulary (1792-1870).

Une collection d’objets d’Extrême-Orient

Concernant les collections d’Asie, celles-ci se composent d’objets d’arts décoratifs : plusieurs pièces (plats, vases, tasses et sous-tasses) en porcelaine de Chine (7) ou du Japon (7), des « émaux cloisonnés chinois » plats, vases, brûle-parfum (4), un ensemble de netzuké et okimono en ivoire (4), quelques pièces en pierre ou stéatite : « cachet chinois non gravé rectangulaire surmonté d’un chien de Fô, le tout en stéatite verdâtre » (Archives MAI, inventaire Ogier no 594), « deux tableaux familiers et scènes de comédie en stéatite sculptée en bas-relief de divers tons coloriée, laquée et dorée sur un fond de soie peinte, le tout dans des boîtes à coulisses [...]. Travail moderne Japonais » (Archives MAI, inventaire Ogier no 93).

Pour compléter les collections d’armurerie, relevons aussi un « bâton de commandement chinois en bois de teck décoré de pièces de jade (incomplet) » (Archives MAI, inventaire Ogier no 27) et un « fusil chinois à mèche. Canon octogone incrusté d’argent, armature en cuivre jaune (XVIIIe siècle) » (Archives MAI, inventaire Ogier no 562).

Les inventaires permettent difficilement de dater ces pièces, pour le moment peu étudiées : si le siècle n’est pas indiqué, l’époque de réalisation se distingue parfois par la mention « travail ancien » ou « moderne ».

Pour finir, il nous est actuellement impossible de décrire la provenance de ces objets ni la date de constitution précise de la collection. Néanmoins, des échanges de courrier entre Jean-Marie Ogier et Frédéric Noëlas entre 1860 et 1880, dans lesquels il y est fait allusion, permettent de penser que celle-ci était connue par quelques notables ligériens dès la seconde partie du XIXe siècle.