HÉBERT Thomas Joachim (FR)
Commentaire biographique
Né en 1687, sous le règne de Louis XIV, Thomas Joachim Hébert change de domicile tout au long de sa vie. C’est par son mariage en 1714 avec Louise Desgodetz (?-1724), la veuve du marchand mercier Nicolas Guillaume Daustel (mort en 1713), que Thomas Joachim entre dans le négoce de pièces de tout premier plan. Le marchand mercier Hébert réside alors quai de la Mégisserie, non loin de la place Dauphine et du marchand Edme François Gersaint (1694-1750) quand sa première épouse décède en 1724. En 1730, il se remarie en secondes noces avec Marie-Jeanne Legras (?-1763), également fille de marchand mercier (La Fabrique du luxe : les marchands merciers parisiens au XVIIIe siècle, 2019, p. 64-71). Hébert quitte le quai de la Mégisserie en 1736 et s’installe dans une artère commerciale plus à la mode, rue Saint-Honoré « vis-à-vis le Grand Conseil », haut lieu parisien pour la vente d’objets de grand luxe à proximité du Palais royal et du Louvre. Au début de ses activités, on peut trouver dans sa boutique des meubles du fameux ébéniste André Charles Boulle (1642-1732), car la famille Daustel propose ce type de mobilier précieux, mais aussi des gemmes et des porcelaines orientales (AN, MC, ET/LIII/226). Entre 1737 et 1750, ses affaires sont florissantes et la qualité des ouvrages qu’il propose attire chez lui les meilleurs clients, dont la famille royale par l’intermédiaire de l’administration des Menus-Plaisirs et de celle du Garde-Meuble de la Couronne (La Fabrique du luxe : les marchands merciers parisiens au XVIIIe siècle, 2019, p. 64-71). En 1740, Hébert est chargé de la prisée des biens lors de la rédaction de l’inventaire après décès du duc de Bourbon, 7e prince de Condé (1692-1740). La réussite professionnelle d’Hébert repose sur la fidélité d’une clientèle prestigieuse, grâce à laquelle il développe son activité et sa fortune personnelle. Il contribue largement au développement de l’essor du commerce parisien des marchands merciers dans la première moitié du XVIIIe siècle. Témoin indirect de ce succès, le philosophe Voltaire (1694-1778) cite l’enseigne du magasin détenu par Hébert, « Au Roy de Siam » dans sa vaste correspondance (« Lettre de Voltaire à l’abbé Moussinot, le 5 juin 1737 », Les Vraies Lettres de Voltaire à l’abbé Moussinot, 1875, p. 47). Hébert jouit du privilège d’être « marchand suivant la cour », c’est-à-dire qu’il peut proposer ses articles à Versailles, dans les galeries basses et les escaliers du château. Il dirige sa boutique rue Saint-Honoré jusqu’en 1750, avant de céder la place au marchand mercier Lazare Duvaux (vers 1703-1758). Sa seconde épouse Marie-Jeanne décède en 1763 (AN, MC, ET/XXIII/654). Elle lui avait donné une fille prénommée Marie Margueritte. Cette dernière épouse « M. Dufour, fils de la première femme de chambre de Mme la Dauphine » Marie-Josèphe de Saxe (1731-1767), comme en témoigne le duc de Luynes dans ses Mémoires (1751-1752), avant d’ajouter, qu’elle est « la fille du fameux Hébert, marchand au palais, laquelle aura beaucoup de biens » (D’Albert C.-P., 1860-1865, p. 38) En août 1752, Thomas Joachim Hébert s’oriente vers une nouvelle activité par l’acquisition d’une charge de « Conseiller secrétaire du Roi », qui lui assure des revenus substantiels jusqu’à son décès, le 23 décembre 1773. Il réside à cette date dans une maison rue des Moulins, butte Sainte-Anne, paroisse Saint-Roch à Paris (AN, MC, ET/LIII/502).
Constitution de la collection
Le stock des marchandises d’Hébert est évalué au moment du décès de sa première épouse en 1724 (AN, MC, ET/LIII/226). Parmi les laques, figurent un grand coffre, six cabinets et des paravents dont un en laque de Coromandel et un autre en pierre de lard ; mais la valeur du fonds de commerce se constitue de porcelaines orientales d’un montant de 35 211 livres. Au moment de son nouveau mariage avec Marie-Jeanne Legras en octobre 1730, Hébert a déjà largement développé son activité commerciale (AN, MC, ET/CXXII/591). Désormais, on dénombre un peu plus de 224 objets décrits comme chinois, souvent des coffres ou des boîtes en laque, estimés pour 5 500 livres, ainsi que des feuilles de paravents dépecés. Le mobilier d’ébénisterie en marqueterie Boulle ou en bois de placage représente environ 11 000 livres. Comme en 1724, les porcelaines, d’un montant de 42 000 livres, sont le véritable trésor de Thomas Joachim Hébert. Certaines porcelaines orientales montées en or sont estimées à 1 000 livres ; aiguières et pots-pourris sont prisés jusqu’à 1 350 livres. Parmi les deux pendules en porcelaine, l’une d’elle est estimée à 900 livres. Après 1730, nous ne disposons plus d’aucun état détaillé sur les effets proposés par Hébert « Au Roy de Siam ». Dès 1737, Thomas Joachim Hébert livre pour l’administration royale des Menus-Plaisirs et le Garde-Meuble de la Couronne quantité de pièces, dont de somptueux meubles en laque du Japon devenus l’une de ses spécialités. En effet, l’idée de plaquer des meubles réalisés dans des ateliers parisiens avec des panneaux en laque orientale est probablement due à Hébert, qui fait réaliser par l’ébéniste Bernard II Van Risen Burgh (B.V.R.B.) (vers 1700-1766) une commode destinée à la reine Marie Leszczyńska (1703-1768), pour son cabinet de retraite au château de Fontainebleau. Délivrée le 26 septembre 1737 (AN, O1 3312, fol. 92 v°-93, n° 1115), cette commode plaquée de panneaux en laque du Japon à fond noir est aujourd’hui conservée au musée du Louvre (OA 11193). Jusqu’en 1747, Hébert fournit à la famille royale près de quarante meubles, en laque du Japon, en laque de Chine, mais aussi avec une marqueterie de fleurs. Le 27 janvier 1744, le Garde-Meuble de la Couronne n’hésite pas à confier au marchand mercier Hébert un paravent de six feuilles de laque noir du Japon (AN, O1 3313, fol. 143 v°-144) pour la fabrication d’une commode, de deux encoignures et d’un bureau destinés à la chambre et au cabinet de Louis XV (1710-1774) au château de Choisy. Hébert se voit donc chargé de superviser la réalisation du décor en laque sur les bâtis des meubles exécutés dans l’atelier de l’ébéniste attitré de la Couronne, Antoine Robert Gaudreaus (vers 1682-1746). La commode destinée à la chambre du souverain, ouvrant par deux grands tiroirs et deux vantaux latéraux, pourvue à l’origine d’un marbre en brèche violette, est livrée par Gaudreaus le 17 octobre 1744 (AN, O1 3313, fol. 155, n° 1327), elle est aujourd’hui conservée au château de Versailles (V.2014.1). Quelques années plus tôt, fin octobre 1742 et le 29 janvier 1743, Thomas Joachim Hébert délivre pour la « chambre bleue » de Madame de Mailly au château de Choisy (AN, O1 3313, fol. 99 v°, n° 1290 et fol. 106, n° 1294.) une commode et une encoignure (musée du Louvre, OA 11292 et OA 9533). Ces deux meubles en « vernis Martin », c’est-à-dire avec une laque occidentale d’inspiration chinoise sont moins coûteux que ceux plaqués de véritable panneaux en laque d’Extrême-Orient, mais surtout ils s’harmonisent merveilleusement avec le décor de la pièce, jusqu’aux bronzes non pas dorés mais argentés. C’est l’ébéniste Mathieu Criaerd (vers 1689-1776) qui se charge de cette sublime réalisation sous la direction d’Hébert. Le marchand mercier collabore également avec les ébénistes parisiens comme Étienne Doirat (vers 1675-1732) et la famille Migeon (BNF, ms. fr., na., 4765). Outre le roi et la reine, la dauphine Marie-Josèphe de Saxe (1731-1767), Mesdames filles du couple royal et madame de Pompadour (1721-1764) bénéficient pour leur ameublement dans les différentes résidences royales de meubles en laque livrés par Hébert au Garde-Meuble de la Couronne. Jusqu’à la cession de son fonds de commerce en 1750, Hébert procure 120 objets à la Couronne. Lazare Duvaux perpétue la mode lancée par Hébert pour le mobilier en laque. En plus des pendules et des luminaires, les porcelaines montées représentent véritablement la part la plus importante du commerce de marchandises de Thomas Joachim Hébert. Pour « servir dans la Garde-robe » de Louis XV au château de Versailles, « à côté de la nouvelle chambre à coucher de Sa majesté », il remet, le 18 mai 1743 (AN, O1 3313, fol. 113v°-114), une fontaine à parfum composée d’un vase en porcelaine céladon craquelé richement monté en bronze ciselé et doré aujourd’hui exposé au château de Versailles (V 5251). Cette fontaine est désignée dans l’inventaire du Garde-Meuble comme étant en « porcelaine ancienne truitée gris […], montée sur deux gros chiens de porcelaine ancienne fond blanc et couleurs, ornée de bronze doré d’or moulu, avec une écrevisse dudit bronze sur le couvercle […] ». Elle est accompagnée de sa jatte de « même porcelaine truitée gris ancienne », actuellement non localisée (AN, O1 3313, fol. 113v°-114).
Notices liées
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