Louis XV (FR)
Commentaire biographique
Né à Versailles, le 15 février 1710, il porte successivement les titres de duc de Bretagne, de duc d’Anjou, puis de dauphin de France à partir de 1712. Arrière-petit-fils de Louis XIV (1638-1715) et troisième fils de Louis, duc de Bourgogne (1682-1712) et de Marie-Adélaïde de Savoie (1685-1712), le jeune Louis XV est orphelin quand il accède au trône à l’âge de 5 ans, lors du décès de son trisaïeul le 1er septembre 1715.
À la mort de Louis XIV, Philippe d’Orléans (1674-1723) assure la régence du royaume, et il fiance en 1721 le jeune Louis à sa cousine germaine, Marie-Anne Victoire infante d’Espagne (1718-1781), mais ce mariage échoue.
Sacré roi de France et de Navarre dans la cathédrale de Reims, le 25 octobre 1722, le jeune roi est déclaré majeur le 16 février 1723.
Peu après le décès du Régent, Louis-Henri de Bourbon-Condé, 7e prince de Condé (1692-1740) accède au poste de premier ministre en décembre 1723. Le prince de Condé subit l’influence de sa maîtresse la marquise de Prie, et au moment où il devient nécessaire de trouver rapidement une épouse au jeune Louis XV, le choix du prince de Condé se porte vers la candidature d’une princesse polonaise, Marie Leszczyńska (1703-1768), fille de Stanislas Leszczynski (1677-1766), roi détrôné de Pologne. Le mariage est célébré le 5 septembre 1725 dans la chapelle de la Trinité du château de Fontainebleau. Le couple royal a dix enfants.
Après une longue maladie qui faillit l’emporter à Metz, en 1744, Louis XV reçoit le surnom de Louis le « Bien-Aimé ». Sa popularité auprès de ses sujets baisse considérablement au fil des ans, en raison de son manque de fermeté dans ses décisions politiques, mais aussi de sa vie privée dissolue. En effet, le roi est largement influencé par ses maîtresses, dont la marquise de Pompadour (1721-1764) et, à la fin de son règne, la comtesse Du Barry (1743-1793).
Le 10 mai 1774, Louis XV décède de la variole au château de Versailles. Sous son règne, la Lorraine rejoint la Couronne de France en 1766 après le décès de son beau-père, tout comme la Corse négociée avec les Génois en 1768, tandis que la puissance coloniale perd des territoires au profit des Britanniques.
Constitution de la collection
Uniquement dans ses appartements privés, le roi possède des pièces importées d’Asie présentées dans le décor de ses cabinets intérieurs.
Le goût pour les porcelaines orientales
Pour son usage personnel à Versailles, Louis XV commande, par l’intermédiaire de la Compagnie française des Indes orientales, un vaste service de table en porcelaine aux armes de France sans doute destiné à la nouvelle salle à manger d’hiver aménagée en 1735 au second étage des cabinets du roi au château de Versailles. Ce service composé de pièces aux formes variées est largement utilisé à la table du souverain jusqu’à la livraison du service à fond bleu céleste en porcelaine de Vincennes livré en décembre 1753 (AMS, Vy 1, fol. 45 et 45 verso).
Pour les porcelaines orientales, c’est lors d’une livraison faite pour sa garde-robe au château de Choisy, que Louis XV réceptionne par l’intermédiaire du marchand Julliot, le 16 décembre 1741, « deux pots-pourris de porcelaine du Japon fond blanc, à fleurs de couleurs, garnis de bronze doré d’or moulu ; un lion d’ancienne porcelaine bleu céleste garni en bougeoir de bronze doré d’or moulu avec fleurs de porcelaine ; un autre bougeoir de porcelaine blanche avec quelques ornemens dorez d’or moulu ; deux petits fruits en pot à thé de porcelaine ancienne verte ; deux petits pots-pourris sur terrasse, avec pagode de porcelaine » (AN, O1 3313, fol. 72 et 72 verso). Ces porcelaines montées ont par la suite créé une harmonie parfaite avec les meubles en laque destinés au souverain pour ses appartements de Choisy.
Au château de Versailles, la première livraison officielle a lieu le 18 mai 1743, par l’intermédiaire du marchand mercier Thomas Joachim Hébert (1687-1773) à l’occasion de la fourniture pour la garde-robe de la nouvelle chambre du roi, d’une « fontaine de porcelaine ancienne truitée gris […] montée sur deux gros chiens de porcelaine ancienne fond blanc et couleur, ornée de bronze doré d’or moulu, avec une écrevisse dud. bronze sur le couvercle, le robinet représentant un signe [cygne], le vase de la fontaine cerclé dans la porcelaine même d’une dentelle brune avec deux anneaux mobiles de pareille porcelaine [ ; u]ne jatte sous la fontaine, de même porcelaine truitée gris ancienne, ornée de bronze doré d’or moulu, qui forme le pied et les anses de lad. Jatte » (AN, O1 3313, fol. 113 verso et fol. 114). Cette fontaine en céladon craquelé d’époque Qianlong passe ensuite dans les collections du duc d’Aumont (1709-1782) jusqu’à sa vente après décès. Elle est à nouveau présentée à Versailles depuis la donation Patiño en 1985 (V 5251), mais sans les deux chiens, ni la jatte en porcelaine de Chine, aujourd’hui disparus. Le duc d’Aumont bénéficie également à la mort de Louis XV, des « deux fumeurs », c’est-à-dire des magots en porcelaine de Chine de Dehua, montés en bronze doré, qui proviennent d’une livraison du marchand Hébert datée du 5 juillet 1743 : « deux fumeurs chinois de porcelaine blanche […] sous un berceau de feuillages de bronze doré d’or moulu, ornés de fleurs de porcelaine, posé sur un pied aussi de bronze doré, à droite de l’un est une cassolette d’argent ornée de 3 petites tulipes de vermeil pour exalter les odeurs sous la cassolette est une petite lampe d’argent avec sa pincette, à droite de l’autre fumeurs, est un pot-pourri de même porcelaine, orné comme la cassolette » (AN, O1 3313, fol. 121).
Pour Compiègne, le 28 juin 1749, le marchand faïencier Germain Bazin livra, pour l’usage du roi, une fontaine en porcelaine de « la Chine couleur, à costes plates derrières, garnie de son robinet d’argent » à 48 livres, plus 24 livres, pour « une grande jatte même porcelaine oval à costes pour mettre dessous » (AN, O1 2986/2).
Chez le marchand mercier Lazare Duvaux (vers 1703-1758), probablement la boutique la plus renommée de la capitale sous le règne de Louis XV, le roi achète entre 1750 et 1757, de nombreuses porcelaines orientales montées destinées aux châteaux de Choisy, Compiègne, la Muette, Trianon et Versailles. En voici quelques exemples significatifs : « deux pots pourris de terre des Indes à reliefs, garnis en bronze doré d’or moulu, 288 L ; Deux pots pourris, porcelaine de perse, garnis en bronze doré d’or moulu, 192 L » (Courajod L., Livre-journal de Duvaux, 1873, n° 1856) ; « Un gros vase bleu de porcelaine ancienne, monté en bronze doré d’or moulu, 912 L. – Deux bouteilles de porcelaine vert-céladon, cannelées, montées en bronze doré d’or moul » vendues 600 livres (Livre-journal de Duvaux, 1873, n° 2137) ; « deux paires de petites girandoles à deux branches, dorées d’or moulu, sur des magots bleu-céleste, avec des fleurs de Vincennes même couleur » pour 528 livres (Courajod L., Livre-journal de Duvaux, 1873, n° 2192) ; « Deux vases en bas-relief de porcelaine céladon, montés avec des enfans & ornemens dorés d’or moulu, 1200 L. – Deux bouteilles cannelées, montées en bronze doré d’or moulu, 840 L » (Courajod L., Livre-journal de Duvaux, 1873, n° 2700) ; « Deux vases de porcelaine grise, truittée en bleu, ornés de bronze doré d’or moulu » à 1 500 livres (Courajod L., Livre-journal de Duvaux, 1873, n° 3240). Ces pièces n’ont pas pu être identifiées.
Les décors chinois de la manufacture royale de Sèvres
Comme Madame de Pompadour, Louis XV se procure auprès de la Manufacture royale de porcelaine de Sèvres quelques pièces de goût chinois. Entre 1760 et 1763, le peintre de figures Charles-Nicolas Dodin (1734-1803) décore vingt-sept pièces à personnages chinois et à bouquets de fleurs d’Asie (Rochebrune M.-A de., Splendeur de la peinture sur porcelaine Charles-Nicolas Dodin et la manufacture de Vincennes-Sèvres au XVIIIe siècle, 2012, p. 78-99). Toutes celles achetées par Louis XV reçoivent à Sèvres une décoration inspirée des œuvres sinisantes gravées d’après l’œuvre de François Boucher (1703-1770). Ainsi, Louis XV achète, en décembre 1762, une garniture composée de « 3 pots-pourris triangles et Choisy » pour 1 440 livres et de « 2 Id. [pots-pourris] à bobèches » pour 720 livres (AMS, Vy 3, fol. 114). Seulement deux des trois pots-pourris sont identifiés dans la collection Dodge à Detroit (71.246 et 71.247). Il s’agit d’une paire de « pots-pourris triangles » à fond petit vert en troisième grandeur datés de 1762. Les faces principales de ces vases donnent à voir Soldat et montreuse de curiosités et Homme et femme chinois, tirés des douze planches des Scènes de la vie chinoise de Gabriel Huquier le Père (1695-1772) d’après Boucher. Des bouquets orientaux, également dus à Dodin, couvrent les autres faces. Cette garniture de cinq pièces comprend en son centre un vase de plus grande taille dit Choisy, inconnu à ce jour. En revanche, les vases des extrémités correspondent à la paire de pots-pourris girandoles ou à bobèches du musée du Louvre (inv. OA 11340 et OA 11305). Ces pièces se distinguent par les compositions de Dodin inspirées par Le Thé et Un Couple lisant une lettre, qui appartiennent à la même suite que les gravures précédentes.
Ces sujets inédits ont probablement été imposés à Dodin par les dirigeants de la manufacture royale, ou par la marquise de Pompadour, qui collectionnait quantité de porcelaines chinoises montées qu’elle a pu faire copier par les peintres de Sèvres.
Le mobilier et les objets en laque
La collection royale de laques d’Extrême-Orient s’enrichit, au début du règne de Louis XV, avec l’achat à La Rochelle par l’intendant du Garde-Meuble, Moïse Augustin de Fontanieu (1662-1725), d’un paravent de douze feuilles et trente coffres en laque de Chine sur fond noir (AN, O1 3309, fol. 275 verso et fol. 276 ; O1 3336, fol. 352 verso et fol. 353). Ces éléments sont bientôt mis à la disposition des marchands merciers parisiens pour la fabrication de meubles d’ébénisterie plaqués de panneaux en laque orientale. Ainsi, un paravent de six feuilles en laque noir du Japon est fourni au marchand Thomas Joachim Hébert, le 27 janvier 1744, pour réaliser une commode, deux encoignures et un bureau. Ces meubles sont destinés à la chambre et au cabinet de Louis XV au château de Choisy (AN, O1 3313, fol. 143 verso). L’imposante commode à deux tiroirs et portes sur les côtés de la chambre de Louis XV est aujourd’hui conservée au château de Versailles (n° inv. V.2014.1). Résidence royale depuis son achat en 1739, Choisy a abrité durant un temps la relation amoureuse du roi avec Louise Julie de Mailly-Nesle (1710-1751). Pour la chambre bleue de madame de Mailly aménagée, en 1742, est commandé au marchand Hébert un mobilier peint en vernis français à la manière des laques d’Extrême-Orient (AN, O1 3313, fol. 99 verso et 106). La commode (inv. OA 11292) et l’encoignure (inv. OA 9533) sont conservées au musée du Louvre.
La plupart des soixante-quatre meubles en laque délivrés pour le service de Louis XV dans les résidences royales sont fournis entre 1744 et 1755, période faste du goût rocaille. Majoritairement avec un décor laqué or sur fond noir, quelques pièces en laque rouge ont les faveurs du roi, dont deux commodes destinées à la chambre et au cabinet de Louis XV au tout nouveau château du Petit Trianon (AN, O1 3316, fol. 51). Pour l’ameublement du cabinet d’angle du roi au château de Versailles, l’ébéniste Gilles Joubert livra, le 29 décembre 1759, un somptueux bureau plat en laque rouge et or à décor de pagodes dans des paysages sinisants « garni d’ornements de bronze ciselé et doré d’or moulu, ayant trois tiroirs » (AN, O1 3317, fol. 44). Cet exceptionnel bureau (New York, Metropolitan Museum of Art, collection Wrightsman, n° inv. 1973.315.1) atteste du goût chinois dans l’un des espaces les plus stratégiques de l’appartement intérieur de Louis XV.
Le roi complète son ameublement par des achats sur sa cassette personnelle chez le marchand Lazare Duvaux entre 1748 et 1757. Son acquisition la plus importante est « un cabinet d’ancien lacq, fond aventurine & ouvrage en or, avec une très belle pagode de lacq » pour 2 200 livres (Courajod L., Livre-journal de Duvaux, 1873, n° 1614). Louis XV offre à son entourage proche de précieux présents en laque dont certains provenant de l’enseigne du marchand Duvaux. Par exemple, ses filles les princesses Adélaïde et Victoire reçoivent chacune en mai 1751 : « Une boëte à parfiler en lacq aventurine & or, garnie d’entrées & charnières d’or » (Courajod L., Livre-journal de Duvaux, 1873, n° 805 et n° 811).
Parmi les bijoux personnels du souverain, quelques précieuses tabatières et tablettes en laque montées en or par des orfèvres parisiens sont signalées dans l’inventaire dressé après le décès du monarque en 1774 (AN, K 153, liasse II).
Même si le roi semble apprécier les laques, aucun objet important laqué n’a figuré dans les appartements de Louis XV à Versailles, au contraire des résidences royales secondaires. Sous le règne du Bien-Aimé, le Garde-Meuble de la Couronne céda lors de ventes aux enchères à Paris en 1741, 1751 et 1752, pratiquement tout son stock de cabinets, coffres, cassettes en laque orientale jugés démodés (AN, O1 3314, fol. 50, p. 112) Il ne conserve presque exclusivement que les paravents japonais. Ces ventes comblent alors les marchands merciers et les collectionneurs, car ces pièces sont rares sur le marché.
L’action politique du ministre Bertin vers l’Empire du Milieu est largement soutenue par Louis XV. Henri-Léonard Bertin (1720-1792), probablement le plus grand sinophile français de son époque entretenant une correspondance régulière avec les jésuites français de Chine. Le ministre, grâce au rôle déterminant des jésuites, réussit à obtenir pour la France l’exceptionnelle commande des gravures des Conquêtes de l’empereur de la Chine. Le roi, par l’intermédiaire de Bertin, fait envoyer quantité de présent à la cour de l’Empereur Qianlong (règne de 1736 à 1795) : instruments scientifiques, porcelaines de Sèvres et une tenture complète de la Seconde Tenture chinoise, tissée à la manufacture de Beauvais d’après les esquisses de François Boucher.
Chez Louis XV, le goût pour les pièces asiatiques ou celles d’imitation se développe, comme chez son trisaïeul Louis XIV, dans ses appartements privés des châteaux de Choisy, la Muette et Versailles. Le roi préfère promouvoir dans les espaces officiels la production des grandes manufactures, de l’artisanat et des artistes français.
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