Skip to main content
Lien copié
Le lien a été copié dans votre presse-papier

Commentaire biographique

Laurent Héliot est un marchand parisien d’origine bourguignonne. Il est né le 2 décembre 1848 à Mont-Saint-Jean en Côte d’Or (AD 21, 3E440/011). Sa vie et sa carrière sont encore mal connues : il n’est souvent qu’un nom sur une liste de marchands ou de donateurs. Les aléas de sa vie professionnelle, les conditions de formation de son œil et de son commerce restent inexplorés. Il semble que son négoce soit véritablement installé à partir de la fin des années 1870. En effet, il n’est pas mentionné dans l’Annuaire-Almanach Didot-Bottin avant 1882. Cette année-là, il y figure comme marchand de « porcelaines de Chine anciennes, importation directe » dans la rubrique « Curiosités » (1882, p. 1068). Bien qu’il soit signalé comme acheteur d’art asiatique en vente publique dès 1873 (Saint-Raymond L., 2019), il est identifié comme « valet de chambre » dans son acte de mariage avec Henriette Depensaz le 29 janvier 1876 à Paris (AP, V4E/3532). Sans commerce familial à reprendre, il est possible qu’il ait mis un certain temps à asseoir son activité. Installé au 62 rue de Clichy dès 1882, il y reste jusqu’à la fin de sa vie. Dans l’en-tête de ses factures il se revendique marchand de « porcelaines d’art et d’antiquité, meubles, émaux cloisonnés de la Chine » (en-tête utilisé dès 1885, et au moins jusqu’en 1888). À une époque où la plupart des marchands sont éclectiques, il est un des rares à indiquer une spécialité dans les porcelaines de Chine. Il joue un rôle significatif auprès du collectionneur Ernest Grandidier (1833-1912), à qui il fournit presque un tiers de sa collection de céramiques (Chopard L., 2020). Bien qu’Héliot mette en avant la « provenance directe » des objets qu’il propose, il est très actif en salle de vente et y devient un acquéreur de plus en plus important (Saint-Raymond L., 2019). À la fin de sa vie, il est expert pour certaines ventes (Lugt n°65139, 66157, 66177, 65543, 65314 et 64465) seul ou en compagnie d’autres acteurs du marché de l’art comme Charles Mannheim. Il s’agit de ventes modestes, mais spécialisées : deux d’entre elles mettent aux enchères des collections d’anciens diplomates en poste en Chine, MM. Verhaeghe de Naeyer et Lemaire. On ne sait pas, pour les autres, s’il s’agit de véritables ventes anonymes ou de ventes visant à écouler le stock du marchand. Dans tous les cas, la porcelaine chinoise figure en tête du catalogue.

Plusieurs institutions muséales françaises ont acheté des objets à Laurent Héliot, qui leur a aussi adressé quelques dons. Il a pu s’agir d’une volonté sincère d’enrichir leurs collections, de remerciements suite à des achats importants ou encore d’un moyen de soigner sa réputation. Héliot a par ailleurs prêté des pièces aux expositions de l’Union centrale (Revue des Arts décoratifs, 1884-1885, p. 101). Il figure sur la liste des « membres actifs » de l’association amicale franco-chinoise l’année de sa création (Bulletin, 1907, p. 11). Il meurt deux ans plus tard, le 9 mars 1909, à Paris (AP, 9D/110). En souvenir de leur père, ses fils, Gaston (1879-1936) et Maurice (1877- ?) offrent au Louvre quelques semaines plus tard un grand vase balustre (aujourd’hui conservé au musée Guimet, inv. G 5658). Il semble que ce soit Gaston Héliot qui ait repris les activités paternelles (« Exposition d’art chinois », Excelsior, 9 juin 1914), peut-être aidé de son frère. Gaston Héliot devient vice-président de la Société des amis du musée Cernuschi dans les années 1920 et offre plusieurs objets chinois à ce musée en 1922, 1923 et 1924 (Archives du musée Cernuschi, CER-HISTMUS.VII).

Constitution de la collection

Laurent Héliot n’est pas à proprement parler un collectionneur ; ses activités sont bien identifiées comme étant commerciales par ses contemporains (Koechlin R., 1930, p. 72). En l’absence d’archives privées, il est possible d’approcher la nature des objets qui sont passés entre ses mains en étudiant quelques collections dans lesquelles ils sont entrés et qui nous sont parvenues. Il vend à Ernest Grandidier des porcelaines des dynasties Ming (1368-1644) et Qing (1644-1911). Il lui procure également des grès de la dynastie Yuan, quelques pièces de celle des Song et des porcelaines japonaises des périodes Edo (1603-1868) et Meiji (1868-1912). Il lui donne également un vase en 1907 (inv. G5506). Le musée Guimet se procure chez lui quelques céramiques et une pierre dure et Héliot donne à l’institution un vase de la dynastie Ming, une coupe d’époque Qianlong (1735-1796), un vase blanc à décor incisé, une statuette de divinité japonaise et deux plaques de jade (Jubilé du musée Guimet, 1904, p. 25). L’Union centrale des Arts décoratifs lui achète trente-cinq objets chinois des dynasties Ming et Qing entre 1886 et 1910 (notamment vingt-quatre porcelaines et huit verres) et quelques objets japonais. Héliot donne à l’association deux porcelaines et un verre entre 1890 et 1895. Il effectue un don important, de vingt-cinq pièces, à la ville de Dijon dans sa région d’origine (Procès-verbal de la Commission du musée, séance du 17 mai 1901) : une garniture d’autel en bronze de la dynastie Ming et des céramiques de celles des Ming et des Qing, ainsi qu’un petit jade blanc. Il ne vend pas de pièces au musée du Louvre pour sa collection d’Extrême-Orient, mais lui donne une coupe en bronze incrustée d’argent et de malachite en 1899. Le musée de Limoges lui achète également quelques porcelaines chinoises (D’Abrigeon P., 2013, p. 85). Laurent Héliot a fourni plusieurs pièces d’une qualité exceptionnelle à ses clients, et c’est notamment grâce à lui qu’une rare verseuse en céladon à double tête de phénix (G 5119 ; Besse X., 2004, p. 40-41) de la fin de la période des Cinq Dynasties (907-979) (Zhuo Z., 2017) a intégré la collection Grandidier. Vendue pour quelques centaines de francs et attribuée au moment de sa vente à la période Kangxi, c’est sous cette identification qu’elle est entrée dans la collection d’Ernest Grandidier, plutôt dévolue aux porcelaines de la dynastie Qing. C’est dans ce domaine qu’Héliot a été l’intermédiaire d’Ernest Grandidier à la vente Camondo de 1893, et a permis l’acquisition du célèbre vase au décor « mille fleurs » de la période Qianlong (G 3344, Besse X., 2004, p. 138-139). Héliot se distingue également dans le domaine du verre, avec plusieurs pièces de grande qualité vendues à l’Union centrale des arts décoratifs, entre autres un vase en verre soufflé doublé gravé à la roue de l’époque Qianlong (inv. 7484 ; Quette B., 2014, p. 53).