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Tasset, Jacques

Statut
Publiée
Contributeur
branasin
Dernière modification
25/10/2023 19:20 (il y a 7 mois)
Type de personne
Type de personne : 
Noms
Nom : 
Tasset
Prénom : 
Jacques
Nom : 
Tasset
Prénom : 
Jacques Alphonse
Qualificatif : 
Sexe : 
Nationalité : 
Naissance et mort
Date de naissance : 
26 avril 1868
Lieu de naissance : 
Date de mort : 
5 juillet 1945
Lieu de mort : 
Adresses
Type d'adresse : 
Date de l'adresse : 
1868 - 1889
Adresse : 

37 rue Mazarine

Code postal : 
75006
Ville : 
Type d'adresse : 
Date de l'adresse : 
1890 - 1900
Adresse : 

3 rue Séguier

Code postal : 
75006
Ville : 
Type d'adresse : 
Date de l'adresse : 
1901 - Vers 1904
Adresse : 

2 rue Grande

Code postal : 
89700
Ville : 
Professions / activités
Type de profession / activité : 
Lieu institution : 
Date d'activité : 
1889 - 1945
Type de profession / activité : 
Biographie
Commentaire biographique : 

Bourguignon par sa mère, Élisa Euphrasie Maillet (1839-1888) et parisien par son père, l’artiste et graveur de médailles Paulin Tasset (1839-1921), Jacques Alphonse Tasset passe la première partie de sa vie à Paris, jusqu’en 1901, avant de se retirer comme « homme de lettres » à Molosmes puis à Tonnerre, respectivement lieux de décès et de naissance de sa mère.

La période parisienne est marquée par l’engagement non seulement dans les milieux scientifiques ethnographiques et orientalistes, mais aussi dans les cercles artistiques et spirituels parisiens. Jacques Tasset obtient son baccalauréat ès lettres au Collège Sainte-Barbe le 24 mai 1889. C’est là qu’il se lie d’amitié avec Émile Bernard (1868-1941), qui deviendra l’un des représentants du groupe de Pont Aven (Laporte M., 2021). En 1890, Bernard a peint le seul portrait que l’on connaisse de Tasset, hormis une photographie (illustrant la présente notice) découverte récemment par Martine Laporte. Le tableau, dédicacé à Tasset, a été acquis lors d’une vente aux enchères pour 26 880 euros.

Jacques Tasset s’inscrit ensuite à la faculté de droit de novembre 1889 à mai 1891 et passe son dernier examen en juillet de cette même année (AN, AJ16/21/87). À la même rentrée d’automne 1889, Jacques Tasset s’est parallèlement inscrit à l’École des langues orientales dans le cours de japonais (AN, 62/AJ/23), pour lequel Motoyoshi Saizau (元吉清蔵) (1866-1895), rédacteur de la Revue bouddhique du Japon et promoteur du bouddhisme jōdo shinshū en France (Saizau M., 1891 et Tasset J., 1894b), officiait comme répétiteur. Là Tasset obtient le titre d’élève diplômé en 1893. Simultanément, il s’est inscrit à l’École pratique des hautes études (EPHE) où il suit les conférences de chinois, puis de religions de l’Extrême-Orient et de l’Amérique indienne, jusqu’en 1894 (AN, 20190568212). Son parcours orientaliste se fait entièrement sous la direction du professeur Léon de Rosny (1837-1914), qui avait initié les études de japonais en France en 1863. Dans le cadre du cours de Rosny sur l’« histoire des origines du Taoïsme » en 1892, Tasset présente un mémoire sur les idées religieuses de la secte des Taïping (太平道) (Annuaire de l’École pratique des hautes études, année 1892-1893). Jacques Tasset rejoint comme membre actif dès le début de ses études à l’École des langues orientales les différents groupes réunis autour de Rosny dans diverses sociétés savantes et notamment, à la Société d’ethnographie, le comité sinico-japonais en 1889 et le comité des religions comparées, en 1892 l’École du bouddhisme éclectique (son nom figure ainsi parmi les signataires de Lawton F. et al., 1892), enfin en 1896 l’Alliance scientifique universelle. La rencontre de Jacques Tasset avec Léon de Rosny s’est sans doute faite dans le cadre familial, car Paulin Tasset était de longue date en contact avec Léon de Rosny au sein de la Société d’ethnographie de Paris que ce dernier avait fondée en 1859 (alors Société d’ethnographie d’Amérique et orientale devenue Société d’ethnographie en 1864). Paulin Tasset gérait depuis 1885 la bibliothèque de la Société, sise non loin de chez lui au 28 rue Mazarine. En outre, le père de Jacques Tasset était membre du Comité sinico-japonais de l’Alliance scientifique universelle depuis 1884, association fondée elle aussi par Rosny. Enfin, l’on retrouve le nom de Paulin Tasset en 1898 dans les registres de l’EPHE, puisque c’est lui qui est inscrit cette année-là au cours de Léon de Rosny sur les religions d’Extrême-Orient. Parallèlement à ses études de chinois et de japonais, Tasset a appris le sanskrit (AN, F/17/3008), soit auprès de Sylvain Lévi (1863-1935) à l’EPHE qui avait repris l’enseignement d’Abel Bergaigne (1838-1888) en 1884, soit en suivant les cours de Philippe-Édouard Foucaux (1811-1894), que ce dernier donnait au Collège de France depuis 1858.

Sans que l’on sache si sa fréquentation des milieux artistiques ou son parcours en études asiatiques l’y a conduit, Jacques Tasset devient membre de la Société théosophique en 1891. Les journalistes et l’opinion publique de l’époque assimilaient les théosophes, dont le siège social était depuis 1879 établi à Adyar (en périphérie de Madras, aujourd’hui Chennai) en Inde, au « néo-bouddhisme » en Europe et même à la vogue de « bouddhisme parisien » qui naissait alors (Thévoz S., 2017). La presse se fait l’écho de ce qu’elle appelle la « conversion au bouddhisme » (Le Rappel, 17 juin 1891) de Jacques Tasset : « Jusqu’ici nos néo-bouddhistes parisiens s’en étaient tenus à la philosophie de la religion. […] M. Jacques Tasset, le fils du célèbre graveur en médailles, et l’un des disciples passionnés de M. Léon de Rosny, vient de se déclarer carrément bouddhiste pratiquant. Chaque soir il fera son examen de conscience ; il ne se nourrira que de légumes, filtrera soigneusement son eau de boisson pour éviter d’avaler de la chair sous forme de microbes, etc, etc. […] La Tour d’Auvergne fut le premier grenadier de la France ; M. Jacques Tasset en sera le premier bonze. C’est toujours ça ! » (« Un futur [MP1] prêtre bouddhiste », Le Petit Moniteur universel, 16 juin 1891). En juillet 1892, Tasset se rend à la deuxième convention européenne annuelle de la Société théosophique à Londres en tant que membre de la délégation française (The Theosophist, vol. 13, no 12, septembre 1892, p. xciv). Dans le même temps, il assiste aux côtés de Léon de Rosny au neuvième Congrès des orientalistes qui se tient également à Londres en septembre de cette même année (AN, F/17/3008).

C’est à cette période qu’il rencontre le peintre suédois Ivan Aguéli (1869-1917), venu à Paris pour étudier sous la direction d’Émile Bernard. Bernard et Tasset, peut-être à l’origine du pseudonyme du peintre (Aguéli s’appelle de son vrai nom Moberg), ou de son interprétation cryptique (Aguéli pour Aulus Gelius), introduisent ce dernier dans la loge Ananta de la Société théosophique de Paris (Wessel V., 2021, p. 20, d’après les souvenirs de Tasset confiés oralement en 1939 à Axel Gauffin, 1877-1964). On ne peut que supposer les conversations échangées entre peintres d’avant-garde à la recherche de formes artistiques et spirituelles nouvelles et l’étudiant en études asiatiques, qui consacre au même moment deux articles au japonisme (Tasset J., 1891a et 1894a). Saluant Samuel Bing (1838-1905), Roger Marx (1859-1913) et la publication de la revue Le Japon artistique (1881-1891), il se fait l’apologue des appels de l’Orient : « le mouvement contemporain en faveur de l’introduction en Europe des inspirations fécondes du génie oriental n’est pas, ainsi qu’on a pu l’avancer légèrement, une mode. C’est la continuation d’une tradition, dont la durée se nombre par siècles, et qui commence à devenir fructueuse maintenant. […] Signaler l’introduction de l’art oriental en Europe, c’est annoncer que l’esprit d’une autre race pénètre dans nos contrées. L’Orient nous envahit ; pacifique, il nous conquiert autant que nous l’avons conquis formidable dans le grondement de nos canons. Nous n’en voulions que des denrées, et c’est une âme que nous recevons. […] Les chefs-d’œuvre du Japon et de la Chine ne peuvent nous faire oublier ceux du Moyen âge et de la Grèce. L’introduction de la doctrine bouddhique en Europe ne nous fera pas méconnaître ni les beaux enseignements de la culture payenne (sic), ni tout ce que nous devons au christianisme. » (Tasset J., 1894a, p. 70)

Tasset n’a publié aucun livre, mais prend rapidement des charges éditoriales en tant que secrétaire du Comité sinico-japonais. Il crée en outre en 1891 la revue Le Lotus : recueil pour servir à l’étude de la science des religions comparées, publié sous les auspices de la société d’ethnographie (section des Religions comparées) qui paraît jusqu’à son départ pour l’Asie en 1894 et dans laquelle il signe le premier article : « Le Christ et le Bouddha » (Tasset J., 1891e). Il publie en outre des comptes rendus critiques de conférences et de petits articles dans lesquels il exprime ses idées. Ainsi en 1890, dans le premier article signé de son nom, il commente une conférence de Philippe-Édouard Foucaux sur le nirvāna et prend acte du changement de perception du bouddhisme en France : « Nous regrettons, pour l’intelligence de la doctrine bouddhique et pour l’acquisition du contingent d’idées qu’elle apporte à la pensée universelle, l’interprétation désespérante, et il est permis de dire maintenant erronée, qui pendant longtemps resta attachée à cette sublime conception du Nirvâna et qui ne semble pas encore entièrement oubliée » : il condamne ainsi la conception pessimiste et nihiliste héritée d’Eugène Burnouf (1801-1852) et de Jules Barthélemy-Saint-Hilaire (1805-1895) du nirvāna comme « néant » et affirme, d’après la lecture de Foucaux du Milinda Pañha attribué à Nāgasena : « Le Nirvâna est la cessation du devenir » et non « cessation de l’être ». À la question de Foucaux qui se demande pourquoi il existe des bouddhistes à Paris, Tasset répond, dans la lignée de Rosny, que précisément « c’est pourquoi les Français incrédules acceptent en ce jour naissant le nouveau guide qui leur vient d’Orient, le guide qu’ils rencontrent dans l’étude de la doctrine rayonnante de Çâkya-Mouni. » (Tasset J., 1890, p. 28). En 1891, il souligne à nouveau combien « la loi de bonté et d’apaisement qui est le fond de la doctrine bouddhique, répond justement aux sentiments de compassion et de douleur exprimés dans maint ouvrage de notre littérature contemporaine » (Tasset J., 1891d, p. 84).

Ses contributions portent parfois sur des sujets inattendus : il salue ainsi la loi sur l’abolition des « courses de chevaux et pari mutuel », argumentant que « l’Ethnographie montre que tout gain sans travail est ruineux par la conscience des peuples » (Tasset J., 1891c, p. 57). La plupart de ses écrits appuient toutefois la pensée et le projet de Léon de Rosny dont la « méthode conscientielle » et le « bouddhisme éclectique » sont les développements les plus spéculatifs : après l’individualisme et l’attitude analytique du XIXe siècle, le siècle à venir se placera sous le signe « aussi infaillible que la venue de l’été dans nos climats quand le soleil remonte vers le tropique du Cancer » de la synthèse, car en politique, en science, en art, « en religion et en philosophie enfin, l’accueil fait au bouddhisme et la prédilection des esprits pour le christianisme à tendance panthéiste […] permet d’avancer avec assurance, que l’avenir préférera une sorte de monisme plus ou moins panthéistique et un dieu dont on ne se hâtera pas de préciser les attributs, aux atomes et aux monades qui forment le point de départ de nos écoles matérialistes et spiritualistes encore en vigueur, ainsi qu’au dieu anthropomorphisé qui ressemble trop à une déification de l’individu » (Tasset J., 1891b, p. 86).

À la Société théosophique, Tasset s’est illustré en janvier 1894 par son discours d’ouverture à la séance où était convié Toki Horyu (1854-1923) (Le Lotus bleu, 1894, p. 324), prêtre shingon de passage en France à l’issue du Parlement mondial des religions de Chicago de 1893 et qui célébra un rituel bouddhique au musée Guimet en novembre 1893 (Boussemart A., 2002). Tasset traduit en outre le discours de Toki Horyu (Tasset J., 1894c). Une autre rencontre d’importance à la loge Ananta est celle d’Alexandra David, future Alexandra David-Neel (1868-1969), avec qui il entretiendra une relation épistolaire jusqu’au début de la Première Guerre mondiale au moins (Archives de la MADN). C’est certainement Tasset qui recommande Alexandra David-Neel auprès de Léon de Rosny et l’enjoint à s’inscrire aux cours de l’École des langues orientales et de l’EPHE, voire à suivre au Collège de France ceux de Philippe-Édouard Foucaux, qu’il fréquentait au sein du comité rédactionnel de la Société sinico-japonaise. Il semble enfin que Tasset et David-Neel aient rencontré Hong Jong-u (1850-1913), le premier lettré coréen venu à Paris, de décembre 1890 à juillet 1893, soit au musée Guimet, dans la bibliothèque duquel ils se rendaient fréquemment, soit à la Société théosophique (sur cette rencontre et sur Hong, voir Thévoz S., 2019, p. 41-42). Hong participa, au même titre que d’autres lettrés asiatiques venant d’Inde, d’Indochine, de Chine et du Japon, au programme de traductions de textes d’Asie qu’Émile Guimet (1836-1918) avait associé à la vie de son musée.

Autant que pour David-Neel qui envisagea de rejoindre le lettré coréen dans son pays (Myrial A., 1903), la rencontre avec Hong a été déterminante pour Tasset. Le 2 juin 1893, Tasset adresse une demande de mission au ministère de l’Instruction publique pour « étudier la Corée au point de vue ethnographique, linguistique et de tout ce qui se rattache à sa civilisation ». Il motive ainsi sa demande : « Une circonstance exceptionnelle me presse maintenant de solliciter cette mission en Corée. Des relations d’amitié, nouées avec l’unique lettré coréen venu jusqu’à présent en Europe, me font espérer de faciliter grandement mon introduction dans le milieu littéraire coréen, si je fais coïncider mon départ avec le retour prochain de ce Coréen dans sa patrie. Ma tâche, après mon introduction parmi les indigènes, serait de m’initier aussi complètement que possible à la langue, aux idées, aux connaissances, en un mot à la vie civilisée des Coréens, dans ce qu’elle a de plus remarquable et de plus propre à intéresser le monde intellectuel et savant de l’Europe. Un séjour de trois années semble nécessaire pour pousser assez loin cette entreprise. » (AN, F/17/3008) Émile Guimet ajoute un mot de recommandation à la demande de Tasset qui partira le 15 février de Toulon pour Saigon d’où il rejoindra Séoul, puis le Japon où il séjourne notamment à Kobé et à Nagazaki, d’où il serait rentré par l’Amérique du Nord (Bernard M.-A., 1927). On sait en outre que Louis-Édouard Bureau (1830-1918), du muséum d’histoire naturelle, a pris contact avec Tasset au sujet de collectes botaniques, mais il semblerait que Tasset n’a pas contribué aux collections du Muséum. Il a cependant ramené des grains, en particulier de haricots, encore cultivés après lui par la famille sous le nom de "yache".

À son retour, Rosny crédite Tasset d’avoir « apporté à [sa] conférence un concours très précieux pour l’interprétation des termes sacrés usités dans les anciens livres sacrés de la Chine et du Japon » (Annuaire de l’École pratique des hautes études, 1896). En 1897, il s’inscrit à nouveau à l’EPHE pour une année dans le cours de Léon de Rosny ; sur sa fiche d’inscription, signée du 18 avril 1898, Tasset se targue de « quelques mémoires dans les publications de la Société d’ethnographie » et d’un « séjour de trois années en mission en Extrême-Orient » (AN, 20190568214). Tasset a de toute évidence poursuivi ses recherches en vue de rédiger une thèse (Annuaire de l’École pratique des hautes études, 1900) ; on ne connaît toutefois guère l’état d’avancement de son travail, ce dernier ayant sans doute été abandonné autour de 1900. En 1897, Tasset avait adressé, avec l’appui de Rosny, une nouvelle demande de mission au ministère de l’Instruction publique afin de se rendre au printemps de cette année au British Museum à Londres pour recopier des textes shinto anciens indisponibles en France. Rosny évoque le projet de Tasset d’effectuer un nouveau voyage, à ses frais, « dans l’Asie orientale » : si on ne possède pas de trace avérée de ce second voyage en Asie, il semble possible d’affirmer que Tasset ait par son projet de thèse cherché à contribuer à trouver « la solution d’un des plus grands problèmes de l’ethnographie du monde asiatique », selon l’expression de Rosny dans sa lettre du 22 avril 1897 (AN, F/17/3008). Quel était ce problème ? On est en droit de supposer que la conférence de Tasset à la Société d’ethnographie à son retour de Londres sur l’origine japonaise de l’écriture coréenne et sur son antériorité sur les systèmes indo-européens, suivie d’une conférence sur le même sujet en 1904, la dernière qu’on lui connaisse dans les cercles savants de Rosny, constitue un élément de réponse important (Le Libéral, 16 mars 1897, L’Ordre de Paris, 16 mars 1897). Il s’agit d’une conférence sur le Yi king, résultat de recherches entreprises lors de son voyage de mission, où Tasset défend que le terme chinois yi (« devenir ») traduit le sanskrit de l'expression bouddhique samsāra et correspond dans la culture gréco-latine au mythe de Janus (La Dépêche coloniale, 9 mars 1904). D’autres contributions évoquent les doctrines philosophiques anciennes (Tasset J., 1898), le bouddhisme ésotérique en Asie (Tasset J., 1897) ou le tai-chi (La Souveraineté nationale, 4 avril 1897).

Dans le cadre de l’Alliance scientifique universelle, Tasset contribue à une réflexion sur la langue scientifique universelle (Tasset J., 1900). C’est à cette période que Tasset devient actif dans les cercles néo-latinisites autour d’Émile Lombard et de la revue Concordia (Le Rappel 21 mars 1899) et s'engage en faveur de la conservation des langues et des patois (Le Rappel, 26 décembre 1899). Cette inflexion vers la culture « classique » pour laquelle de nombreuses contributions de Tasset ont rappelé l’importance à ses yeux alors même qu’il s’intéressait aux cultures asiatiques, semble avoir durablement marqué la suite du parcours de vie de Jacques Tasset, puisque c’est le sujet du dernier article qu’on lui connaisse (Tasset J., 1927). Ainsi Michel-Ange Bernard, fils d’Émile Bernard, explique-t-il son retrait de Paris vers l’Yonne dans le portrait qu’il lui consacre en 1927, « Jacques Tasset, théosophe latiniste et provincial » :

« Il adhère d’abord à la théosophie, dans laquelle il croit trouver les bénéfices de la sagesse orientale, mais bientôt il se retourne sur le latin, réceptacle des traditions occidentales, et il se donne tout entier à l’étude de cette langue trop dédaignée. Laissant de côté l’Orient, dont la sagesse immobile l’avait séduit d’abord, il se tourne vers l’église catholique, dernière incarnation de la civilisation méditerranéenne. […] Retiré dans une petite ville de la Bourgogne, Jacques Tasset n’abandonna jamais la tâche qu’il avait entreprise. La solitude fut au contraire sa source féconde d’activité. Lisant et méditant beaucoup, s’intéressant à tous les mouvements de son siècle, il plie son érudition et son esprit aux besoins de ce dernier. Il vit actuellement dans la petite ville de Tonnerre où il semble, par son refus de tout voyage, avoir décidé de s’ancrer. Ce n’est pas en dévot qu’il la considère, mais en philologue et en admirateur de l’ordre social. Dès lors son activité prend une direction définitive ; et, conduit par l’esprit de généralisation, il cherche à rassembler les idées en des groupes synthétiques où se concilieront les aspirations humaines, tant présentes que séculaires. » (Bernard M.-A., 1927) Parlant de lui, Élémir Bourges aurait écrit à Émile Bernard : « Il a un esprit très XVIe siècle, symbolique, bizarre et subtil à la façon d’un Gérôme Cardan ou d’un pythagoricien calabrais. Il n’y a vraiment plus qu’en province qu’on a le temps de savoir quelque chose. » (Bernard M.-A., 1927).

Depuis 1901, Tasset vit en effet comme « homme de lettres » en Bourgogne, à Molosmes, où il se marie le 24 septembre 1904 avec Aline Fèvre (1858-1924), avant que le couple s’installe à Tonnerre (Archives municipales de Tonnerre, Acte de mariage ; Tasset G., 2021 et Laporte M., 2021, voir ces références pour plus de détails sur la fin de la vie de Tasset à Tonnerre). Comme beaucoup de ses contemporains attirés par l’Orient dans les années 1890, il s’en détourne au début du nouveau siècle. Il semble que Tasset ne se soit pas entièrement replié dans la solitude, non seulement parce qu’Émile Bernard lui rend souvent visite et s’installe lui aussi à Tonnerre, mais aussi parce qu’il va avec son épouse visiter Alexandra David-Neel et son mari à Tunis, sans doute en 1906 (Le Rappel, 13 mars 1906 et archives de la MADN). A sonAlexandra David-Neel et son mari à Tunis, sans doute en 1906 (Le Rappel, 13 mars 1906 et archives de la MADN). A son retour d'Asie, David-Neel note en outre dans son agenda s'être rendue à Tonnerre du 11 au 14 mai 1927, puis le 4 mai 1934. retour d'Asie, David-Neel note en outre dans son agenda s'être rendue à Tonnerre du 11 au 14 mai 1927, puis le 4 mai 1934. On sait peu de choses sur ses activités littéraires tardives. Tasset a co-fondé la Société artistique et historique de Tonnerre et a probablement publié régulièrement dans la presse locale, comme en témoigne un compte rendu en 1911 d’un livre d’Alexandra David-Neel (Tasset J., 1911) publié également dans une revue française en Angleterre (Tasset J., 1912). Deux lettres de Jacques Tasset conservées dans les archives de la Maison d’Alexandra David-Neel non seulement documentent rétrospectivement leur relation, vingt ans après leur rencontre à la Société théosophique, mais aussi donnent à lire leur perception de leurs trajectoires respectives. Ainsi Tasset, dans sa lettre du 24 février 1912 (l’autre date du 22 décembre 1914 et livre ses réflexions sur la guerre), revient-il sur ses années « bouddhistes » et sur la carrière orientaliste qu’il a abandonnée et que, de son côté, David-Neel poursuit :

« Je ne puis partager votre haine du catholicisme, auquel je dois la même justice qu’aux autres religions. Je m’aperçois qu’il est bien différent du tableau qu’on m’en avait fait. C’est la plus tolérante et la plus large des doctrines, la plus indulgente pour la sottise humaine, la plus exigeante pour l’âme douée et responsable. Mais le catholicisme est fort mal connu, les prêtres se trompent souvent, et doivent être rappelés à l’ordre. Quant aux profanes, ils ignorent la doctrine autant que le latin. Je suis tout à fait de votre avis quant à la pratique, elle est nécessaire. Il faut quinze ans d’école pour préparer un avoué, un professeur de 6e ou un curé de campagne. Croyez-vous qu’il faille moins de temps pour faire un bonze ou un brahmane ? J’ai renoncé à l’orientalisme pour cette raison. Je n’ai pas voulu recommencer au Japon les huit années d’études que j’avais dû faire au lycée avant d’accéder à la science : élémentaire. On ne peut commencer les études universitaires que lorsqu’on a reçu la formation mentale du gymnase. Un véritable maître oriental vous demandera, avant de vous instruire, si vous possédez la culture indienne de ses élèves : quels sont les çâstras [sic] que vous pouvez réciter et expliquer dans la langue originale ? Les orientaux écoutent avec curiosité une européenne. Nos étudiants feraient quelque succès à une chinoise qui viendrait leur enseigner, en russe, le droit roman ou la philosophie grecque. Seraient-ils convaincus ? Je n’ai aucune prétention de connaître ni le Hinayâna ni le Mahâyâna. Je ne préfère ni l’un ni l’autre. Je les laisse à ceux qui en ont fait l’étude de toute leur vie : aux bouddhistes de l’Asie. Mais je combats l’athéisme sous son déguisement oriental. Je défends mes concitoyens contre le poison qui a déjà fait tant de mal à la France. » (Archives de la MADN).

Dans quelques lettres à son mari inédites (Archives de la MADN), David-Neel commente ouvertement les lettres de « l’ineffable Tasset », que Philippe Néel a rencontré, se rappelle leurs années communes à la Société théosophique (Monastère de Lachen, lettre du 8 février 1915) et leurs discussions sur les causes de phénomènes paranormaux, comme celui du « pied leste » dont elle trouve au Tibet un équivalent sous la forme du rlung sgom (ou rkang gyogs, Rungpo [Sikkim], lettre du 13 février 1914). Elle dresse un portrait volontiers caustique de cet « enfant unique d’un père très aisé » qui « ne cessait de crier misère » (De-chen Ashram [Sikkim], lettre du 7 octobre 1915) et qui s’exprime en latin. C’est encore par une évocation en demi-teinte qu’elle commente le regard de Tasset sur la guerre : « Cet être extraordinaire parle de la grande débâcle annoncée par l’Iliade, le Mahabhārata et les Prophètes d’Israël. Il la voit dans la guerre actuelle. Sa lettre est un poème ! Bien qu’il soit un de mes très vieux amis, un compagnon de jeunesse et d’université je ne puis m’empêcher de le trouver loufoque au suprême degré » (lettre du 8 février 1915).

Comme par un effet de clair-obscur, cet échange donne à percevoir deux trajectoires qui se sont croisées de très près avant de diverger, malgré les liens de l’amitié, dans des directions opposées. La discrétion et la singularité d’un personnage comme Tasset ne doit toutefois pas faire oublier combien son parcours est instructif sur les multiples rapports sous lesquels ont été envisagées les relations en France avec l’Asie et en traduit les mutations historiques.

Article rédigé par Samuel Thévoz

Commentaire biographique : 

Burgundian through his mother, Élisa Euphrasie Maillet (1839-1888), Parisian through his father, the artist and medal engraver Paulin Tasset (1839-1921), Jacques Alphonse Tasset spent the first part of his life in Paris, until 1901, before retiring as a "man of letters" in Molosmes then in Tonnerre, the respective locations of his mother’s death and birth.

The Parisian period was marked by engagement in not only the ethnographic and orientalist scientific milieu, but also the artistic and spiritual circles. Jacques Tasset obtained his baccalauréat in letters at the Collège Sainte-Barbe on May 24, 1889. It was there that he befriended Émile Bernard (1868-1941), who would become one of the representatives of the Pont Aven group. (Laporte M., 2021). In 1890, Bernard painted the only known portrait of Tasset, apart from a photograph (illustrating this notice) that was recently discovered by Martine Laporte. The painting, dedicated to Tasset, was acquired at auction for 26,880 Euros.

Jacques Tasset then enrolled in the faculty of law from November 1889 to May 1891 and took his last exam in July of that same year (AN, AJ16/21/87). In the same autumn of 1889, Jacques Tasset enrolled at the École des langues orientales ​​in the Japanese course (AN, 62/AJ/23), where Motoyoshi Saizau (元吉清蔵) (1866-19…), editor of the Revue bouddhique du Japon and promoter of jōdo shinshū Buddhism in France (Saizau M., 1891 and Tasset J., […]), officiated as a tutor. He obtained the title of graduate student there in 1893. At the same time, he enrolled in the École Pratique des Hautes Etudes (EPHE) and attended lectures on Chinese, then on religions of the Far East and American Indians, until 1894 (AN, 20190568212). His Orientalist career was entirely under the direction of Professor Léon de Rosny (1837-1914), who had initiated Japanese studies in France in 1863. As part of Rosny's course on the "history of the origins of Taoism" in 1892, Tasset presented a memoir on the religious ideas of the Taiping sect (太平道) (Annuaire de l'École Pratique des Hautes Etudes, year 1892-1893). From the start of his studies at the École des langues orientales, Jacques Tasset joined as an active member the various groups gathered around Rosny in various learned societies and in particular: the Société d’ethnographie, the Sinico-Japanese Committee in 1889 and the Committee of Comparative Religions, the École du bouddhisme éclectique in 1892 (his name appears among the signatories of Lawton F. et al., 1892), and finally in 1896 the Alliance scientifique universelle. Jacques Tasset's meeting with Léon de Rosny probably took place within the family, as Paulin Tasset had been in contact with Léon de Rosny for a long time within the Société d’ethnographie de Paris, which the latter had founded in 1859 (the Société d’ethnographie d’Amérique et orientale became the Société d’ethnographie in 1864). Paulin Tasset had managed the Society's library since 1885, located not far from their home at 28 rue Mazarine. Furthermore, Jacques Tasset's father had since 1884 been a member of the Sinico-Japanese Committee of the Alliance scientifique universelle, an association also founded by Rosny. Finally, we find the name of Paulin Tasset in 1898 in the registers of the EPHE, since he was enrolled in Léon de Rosny’s course on the religions of the Far East that year. In parallel with his studies of Chinese and Japanese, Tasset learned Sanskrit (AN, F/17/3008), either with Sylvain Lévi (1863-1935) at the EPHE who had taken over the teaching of Abel Bergaigne ( 1838-1888) in 1884, or by following the courses of Philippe-Édouard Foucaux (1811-1894), which the latter had given at the Collège de France since 1858.

Either through his association with artistic circles or his career in Asian studies, Jacques Tasset became a member of the Theosophical Society in 1891. Journalists and public opinion at the time assimilated theosophists, whose head office had been established since 1879 in Adyar (on the outskirts of Madras, today Chennai) in India, to "neo-Buddhism" in Europe and even to the vogue of "Parisian Buddhism" which was then emerging (Thévoz S., 2017). The press echoed what it called Jacques Tasset's "conversion to Buddhism" (Le Rappel, June 17, 1891): "Until now, our Parisian neo-Buddhists have stuck to the philosophy of religion. […] M. Jacques Tasset, the son of the famous engraver of medallions, and one of the passionate disciples of M. Léon de Rosny, has just declared himself to be a downright practicing Buddhist. Every evening he will examine his conscience; he will feed only on vegetables, carefully filter his drinking water to avoid swallowing flesh in the form of microbes, etc, etc. […] La Tour d’Auvergne was the first grenadier of France; Mr. Jacques Tasset will be the first monk. It's always like that! (“Un future prêtre bouddhiste,” Le Petit Moniteur Universel, June 16, 1891). In July 1892, Tasset went to the second annual European convention of the Theosophical Society in London as a member of the French delegation (The Theosophist, vol. 13, no. 12, September 1892, p. xciv). He also attended the ninth Congress of Orientalists with Léon de Rosny, held in London in September of that same year (AN, F/17/3008).

It was during this period that he met the Swedish painter Ivan Aguéli (1869-1917), who had come to Paris to study under the direction of Émile Bernard. Bernard and Tasset, who was perhaps at the origin of the painter's pseudonym (Aguéli's real name was Moberg), or his cryptic interpretation (Aguéli for Aulus Gelius), introduced the latter into the Ananta Lodge of the Theosophical Society de Paris (Wessel V., 2021, p. 20, according to memoirs of Tasset delivered orally in 1939 to Axel Gauffin, 1877-1964). One can only imagine the conversations between avant-garde painters in search of new artistic and spiritual forms and the student of Asian studies, who at the same time devoted two articles to Japonisme (Tasset J., 1891a and 1894a). Hailing Samuel Bing (1838-1905), Roger Marx (1859-1913), and the publication of the journal Le Japon Artistique (1881-1891), he praised the allures of the Orient: "the contemporary movement in favour of introducing the fruitful inspirations of oriental genius into Europe is not, as has been lightly put forward, a fashion. It is the continuation of a tradition, whose duration can be numbered in centuries, and which is now beginning to bear fruit. […] To signal the introduction of oriental art in Europe is to announce that the spirit of another race is penetrating our lands. The East invades us; peaceful, it conquers us as much as we conquered it, formidably, with the roar of our cannons. We wanted food, but instead received a soul. […] The masterpieces of Japan and China cannot make us forget those of the Middle Ages and Greece. The introduction of the Buddhist doctrine in Europe will not lead us to misunderstand either the beautiful teachings of the pagan culture, nor all that we owe to Christianity." (Tasset J., 1894a, p. 70)

Tasset published no books, but took on editorial duties as secretary of the Sinico-Japanese Committee. In 1891, he also created the review Le Lotus : recueil pour servir à l’étude de la science des religions comparées, publié sous les auspices de la société d’ethnographie (section des Religions comparées), which was published until his departure for Asia in 1894 and in which he wrote the first article, "Le Christ et le Bouddha" (Tasset J., 1891e). He also published critical reports of lectures and small articles expressing his ideas. In 1890, in the first article bearing his name, he commented on a conference by Philippe-Édouard Foucaux on nirvāna and took note of the change in perception of Buddhism in France: "We regret, for the intelligence of the Buddhist doctrine and for the acquisition of the contingent of ideas which it brings to universal thought, the hopeless interpretation, and it is now permissible to say erroneous, which for a long time remained attached to this sublime conception of Nirvana and which does not yet seem entirely forgotten": he thus condemned the pessimistic and nihilistic conception inherited from Eugène Burnouf (1801-1852) and Jules Barthélemy-Saint-Hilaire (1805-1895) of nirvāna as "nothingness" and affirmed, according to the reading of Foucaux from the Milinda Pañha attributed to Nāgasena: "Nirvana is the cessation of becoming" not "cessation of being". To the question of Foucaux who wonders why there are Buddhists in Paris, Tasset answers, in the line of Rosny, that precisely "this is why the incredulous French accept on this nascent day the new guide which comes to them from the East, the guide they encounter in the study of the radiant doctrine of Çâkya-Mouni" (Tasset J., 1890, p. 28). In 1891, he again underlined how "the law of kindness and appeasement which is the basis of Buddhist doctrine responds justly to the feelings of compassion and pain expressed in many works of our contemporary literature" (Tasset J., 1891d , p. 84).

His contributions sometimes focus on unexpected subjects: he welcomed the law on the abolition of "horse racing and pari-mutuel", arguing that "Ethnography shows that all gain without work is ruinous by the conscience of the people" (Tasset J., 1891c, p. 57). Most of his writings, however, support the thought and projects of Léon de Rosny, of which the "conscientious method" and "eclectic Buddhism" were the most speculative developments: after individualism and the analytical attitude of the 19th century, the next century would be placed under the sign of synthesis, "as infallible as the coming of summer in our climates when the sun goes up to the Tropic of Cancer", because in politics, science, art, "religion and finally in philosophy, the reception given to Buddhism and the predilection of minds for Christianity with pantheistic tendencies [...] allows us to move forward with assurance that the future will prefer a kind of monism more or less pantheistic and a god whose attributes we will not hasten to specify, to the atoms and monads which form the starting point of our materialist and spiritualist schools still in force, as well as to the anthropomorphised god who looks too much like a deification of the individual” (Tasset J., 1891b, p. 86).

At the Theosophical Society, Tasset distinguished himself with his opening speech at the January 1894 session featuring Toki Horyu (1854-1923) (Le Lotus bleu, 1894, p. 324), a Shingon priest passing through France at the end of the World Parliament of Religions in Chicago in 1893 and who celebrated a Buddhist ritual at the Musée Guimet in November 1893 (Boussemart A., 2002). Tasset also translated Toki Horyu's speech (Tasset J., 1894c). Another significant meeting took place at Ananta Lodge with Alexandra David, the future Alexandra David-Neel (1868-1969), with whom he maintained an epistolary relationship until at least the start of the First World War (Archives of the MADN). It was certainly Tasset who recommended Alexandra David-Neel to Léon de Rosny and urged her to enrol in courses at the École des langues orientales ​​and the EPHE, and to follow those of Philippe- Édouard Foucaux, whom he frequented on the editorial board of the Sinico-Japanese Society. Finally, it seems that Tasset and David-Neel met Hong Jong-u (1850-1913), the first Korean scholar to come to Paris from December 1890 to July 1893, either at the Musée Guimet, whose library they visited frequently, or at the Theosophical Society (on this meeting and on Hong, see Thévoz S., 2019, pp. 41-42). Hong participated, along with other Asian scholars from India, Indochina, China and Japan, in the program of translations of Asian texts that Émile Guimet (1836-1918) had associated with the life of his museum.

The meeting with Hong was as decisive for David-Neel who planned to join the Korean scholar in his country (Myrial A., 1903), as for Tasset. On June 2, 1893, Tasset sent a request for a mission to the Ministry of Public Instruction to "study Korea from an ethnographic, linguistic point of view and everything related to its civilisation". He justified his request as follows: "An exceptional circumstance now urges me to request this mission to Korea. Bonds of friendship, linked with the only Korean man of letters to come to Europe so far, make me hope to greatly facilitate my introduction into the Korean literary milieu, if I make my departure coincide with the forthcoming return of this Korean to his country. My task, after my introduction among the natives, would be to initiate myself as completely as possible into the language, the ideas, the knowledge, in a word, into the civilised life of the Koreans, into what is most remarkable and most likely to interest the intellectual and learned world of Europe. A stay of three years seems necessary to push this enterprise far enough." (AN, F/17/3008) Émile Guimet added a word of recommendation at the request of Tasset, who left on February 15 from Toulon for Saigon from where he continued to Seoul, then Japan where he stayed in particular in Kobé and Nagasaki, from where he returned via North America (Bernard M.-A., 1927). We also know that Louis-Édouard Bureau (1830-1918), of the Muséum d’histoire naturelle, contacted Tasset about botanical collections, but it seems that Tasset did not contribute to the museum’s collections. He did, however, bring back some grains, especially beans, still grown after him by the family under the name "yache".

On his return, Rosny credited Tasset with having "provided [his] lecture with very valuable assistance in the interpretation of the sacred terms used in the ancient sacred books of China and Japan" (Annuaire de l'École Pratique des Hautes Études, 1896). In 1897, he enrolled again at the EPHE for a year in the course of Léon de Rosny; on his registration form, signed April 18, 1898, Tasset boasts of "a few memoirs in the publications of the Société d’ethnographie" and of a "three-year stay on mission in the Far East" (AN, 20190568214). Tasset evidently continued his research with a view to writing a thesis (Annuaire de l'École Pratique des Hautes Etudes, 1900); little is known, however, of the state of progress of his work, the latter having doubtless been abandoned around 1900.

In 1897, Tasset had addressed, with the support of Rosny, a new request for a mission to the Minister of Public Instruction in order to travel in the spring of that year to the British Museum in London to copy ancient Shinto texts unavailable in France. Rosny mentioned Tasset's plan to make a new trip, at his own expense, "in eastern Asia": if we have no proven trace of this second trip to Asia, it seems possible to affirm that Tasset had by his thesis project sought to contribute to finding "the solution of one of the greatest problems of ethnography in the Asian world", as Rosny put it in his letter of April 22, 1897 (AN, F/17/3008). What was this problem? One might assume that Tasset's lecture to the Société d’ethnographie, upon his return from London, on the Japanese origin of Korean writing and its precedence over the Indo-European systems, followed by a lecture on the same subject in 1904, the last we know of him in the learned circles of Rosny, provide significant clues to the response (Le Libéral, March 16, 1897, L'Ordre de Paris, March 16, 1897). It was a lecture on the Yi king, the result of research undertaken during his mission, in which Tasset argued that the Chinese term yi ("to become") translates the Sanskrit of Buddhist samsāra and corresponds in Greco-Latin culture to the myth of Janus (La Dépêche coloniale, March 9, 1904). Other contributions evoke ancient philosophical doctrines (Tasset J., 1898), esoteric Buddhism in Asia (Tasset J., 1897) or tai-chi (La Souveraineté nationale, April 4, 1897).

Within the framework of the Alliance scientifique universelle, Tasset contributed to a reflection on universal scientific language (Tasset J., 1900). It was during this period that Tasset became active in neo-Latinist circles around Émile Lombard and the review Concordia (Le Rappel, March 21, 1899) and is committed to the conservation of languages ​​and patois (Le Rappel, December 26, 1899). This inflection towards "classical" culture, whose importance to Tasset is evident in many of his contributions, regardless of his interest in Asian cultures, seems to have left a lasting mark on the rest of his life’s course; it is the subject of his last known article (Tasset J., 1927). Michel-Ange Bernard, son of Émile Bernard, described his departure from Paris for the Yonne in the portrait dedicated to him in 1927, "Jacques Tasset, théosophe latiniste et provincial":

"He first adhered to theosophy, in which he thought he found the benefits of Eastern wisdom, but soon he turned to Latin, the receptacle of Western traditions, and devoted himself entirely to the study of this overly despised language. Leaving aside the Orient, whose motionless wisdom had seduced him at first, he turned to the Catholic Church, the last incarnation of Mediterranean civilisation. […] Withdrawing to a small town in Burgundy, Jacques Tasset never abandoned the task he had undertaken. Solitude, on the contrary, was a fruitful source of activity. Reading and meditating, being interested in all the movements of his century, he bends his erudition and his mind to the needs of the latter. He currently lives in the small town of Tonnerre where he seems, by his refusal to travel, to have decided to settle down. He does not view things from the perspective of a devotee, but of a philologist and an admirer of the social order. Since then, his activity has taken a definite direction; and, led by the spirit of generalisation, he seeks to gather ideas into synthetic groups in which human aspirations, both present and secular, will be reconciled" (Bernard M.-A., 1927). In regards to him, Élémir Bourges is said to have written to Émile Bernard: "He has a very 16th century spirit, symbolic, bizarre, and subtle, like a Gérôme Cardan or a Calabrian Pythagorean. It is really only in the provinces that we have time to know something." (Bernard M.-A., 1927).

Since 1901, Tasset lived as a "man of letters" in Burgundy, at Molosmes, where on September 24, 1904 he married Aline Fèvre (1858-1924), before the couple moved to Tonnerre (Archives municipales de Tonnerre, Marriage Act; Tasset G., 2021 and Laporte M., 2021, see these references for more details on the end of Tasset's life in Tonnerre). Like many of his contemporaries, attracted by the Orient in the 1890s, he turned away from it at the beginning of the new century. It seems that Tasset did not withdraw entirely into solitude, not only because Émile Bernard visited him often and also settled in Tonnerre, but also because he went with his wife to visit Alexandra David-Neel and her husband in Tunis, probably in 1906 (Le Rappel, March 13, 1906 and MADN archives). On her return from Asia, David-Neel also noted in her diary that she had visited Tonnerre from 11 to 14 May 1927, and again on 4 May 1934. Little is known of his late literary activities. Tasset Tasset co-founded the Société artistique et historique de Tonnerre in 1938 after probably published in the local press, as evidenced by a review in 1911 of a book by Alexandra David-Neel (Tasset J., 1911) also published in a French journal in England (Tasset J., 1912). Two letters from Jacques Tasset preserved in the archives of the Maison d’Alexandra David-Neel not only retrospectively document their relationship, 20 years after their meeting at the Theosophical Society, but also give their perception of their respective trajectories. Thus Tasset, in his letter of February 24, 1912 (the other is dated December 22, 1914 and gives his reflections on the war), goes back to his "Buddhist" years and to the Orientalist career which he abandoned and which, for his part, David-Neel continues:

“I cannot share your hatred of Catholicism, to which I owe the same justice as to other religions. I realise that it is very different from the picture of it that was given to me. It is the most tolerant and broadest of doctrines, the most indulgent to human foolishness, the most exacting to the gifted and responsible soul. But Catholicism is very poorly known, priests are often wrong, and must be called to order. As for the profane, they are as ignorant of the doctrine as of Latin. I completely agree with you that practice is necessary. It takes 15 years of school to prepare an attorney, a sixth grade teacher, or a country priest. Do you believe it takes less time to make a Monk or a Brahmin? I renounced Orientalism for this reason. I didn't want to repeat in Japan the eight years of study that I had to do in high school before entering science: elementary. One cannot begin university studies until one has received the mental training of the gymnasium. A true oriental master will ask you, before instructing you, if you possess the Indian culture of his students: what are the çâstras [sic] that you can recite and explain in the original language? The Orientals listen with curiosity to a European. Our students would have some success with a Chinese woman who came to teach them, in Russian, Roman law, or Greek philosophy. Would they be convinced? I do not pretend to know either the Hinayana or the Mahâyâna. I don't prefer either one. I leave them to those who have studied them all their lives: to the Buddhists of Asia. But I fight atheism in its oriental disguise. I defend my fellow citizens against the poison which has already done so much harm to France" (Archives of the MADN).

In some unpublished letters to her husband (Archives de la MADN), David-Neel openly comments on the letters of "the ineffable Tasset", whom Philippe Néel met, recalling their years together in the Theosophical Society (Monastery of Lachen, letter of February 8, 1915) and their discussions on the causes of paranormal phenomena, such as that of the "quick foot" of which she finds an equivalent in Tibet in the form of rlung sgom (or rkang gyogs, Rungpo [Sikkim], letter of February 13, 1914). She paints a deliberately caustic portrait of this "only child of a very well-to-do father" who "kept crying misery" (De-chen Ashram [Sikkim], letter of October 7, 1915) and who speaks Latin. It is again with a halftone evocation that she comments on Tasset's view of the war: "This extraordinary being speaks of the great debacle announced by the Iliad, the Mahabhārata and the Prophets of Israel. He sees it in the current war. His letter is a poem! Although he is one of my very old friends, a companion of youth and university, I cannot help but find him zany to the highest degree" (letter of February 8, 1915).

In chiaroscuro effect, this exchange reveals two trajectories that crossed very closely before diverging, despite the bonds of friendship, in opposite directions. The discretion and singularity of a character like Tasset should not, however, allow us to forget how instructive his career is on the multiple aspects under which France's relations with Asia were considered and reflects its historical shifts.

Article by Samuel Thévoz (Translated by Jennifer Donnelly)

Evénements
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Mission scientifique pour le Ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts

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1894 - 1896
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« M. Tasset […] a rapporté de nombreux documents originaux sur les religions indigènes de la Chine, de la Corée et du Japon » (La Souveraineté nationale, 4 avril 1897, p. 1.

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Date de l'événement : 
avril 1897 - mai 1897
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Courte mission au British Museum de Londres pour déchiffrer et copier des manuscrits shinto en complément à son voyage d’études et aux documents rapportés / consultables à Paris (coll. Rosny ?)

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Date de l'événement : 
1906 - 1911
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Visite(s) à Alexandra David-Neel

Thèmes d'étude
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Période Chosōn

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Jacques Tasset suit les cours de Rosny à l'École spéciale des Langues orientales et à l'EPHE. Ils collaborent par la suite ensemble sur des missions scientifiques et des publications dans des revues. (Source : notice Agorha "Léon de Rosny" rédigée par Samuel Thévoz)

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Jacques Tasset et Alexandra David-Neel se rencontrent en 1892-1893 à la Société théosophique de Paris, l'École des langues orientales ou l'EPHE. (Source : Alexandra David-Neel, Correspondance 5CODN à Philippe Néel, lettres inédites)

Bibliographies / archives
Sources en ligne
Référence de notice : 
FRBNF10207709
Date de consultation : 
18/01/2022
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Notice catalogue BNF : http://ark.bnf.fr/ark:/12148/cb102077097

Source
Institut national d'histoire de l'art (France)
Licence
Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)
Rédacteur
Samuel Thévoz