L’applique du Christ est clouée au centre de la croisée ovale de la plaque par quatre trous fixés à travers les mains et les pieds. Le Christ se tient debout, frontalement, les bras légèrement fléchis, les yeux ouverts (en perles d’émail bleu) ; sur sa tête, entourée par un nimbe crucifère, une couronne royale soigneusement gravée. Ses longs cheveux encadrent le visage du Christ, légèrement incliné. Les lignes ondulées autour de son cou évoquent peut-être un pectoral. Le périzonium, noué sur la hanche gauche, descend jusqu’aux genoux presque superposés. La silhouette du Crucifié est incurvée en S. Les pieds reposent en forme de V sur un suppedaneum. Au-dessus du Christ, titulus X P͂ S gravé en réserve et Dextera Domini sortant d’une nuée. La main représente ici Dieu invisible (cf. Colossians 1: 15) ; par son geste, Dieu confirme le pouvoir qu’il a donné à son Fils. Le fond est parsemé de losanges, disques et rosettes émaillés. Il est difficile de préciser la palette chromatique des émaux, en grande partie perdus au moment du nettoyage de la couche de peinture blanche que la plaque avait reçu au moment de son acquisition. En effet, au XIXe siècle, dans les pays scandinaves, l’architecture et le décor des églises, jusqu’aux objets liturgiques, furent souvent peints en blanc, afin d’imiter l’esthétique du Néoclassicisme français. Au début du XXe siècle, cette tendance s’inversa et on procéda au retrait de cette peinture blanche, souvent par le biais de traitements chimiques lourds, qui, dans le cas de la plaque de Copenhague, entrainèrent probablement la disparition de tous les émaux.
Il est toutefois possible d’observer quelques fragments d’émail de couleur bleu (foncé, clair), vert, jaune, rouge dans les décors et bleu moyen sur le fond. L’applique était probablement dorée. Un rinceau en réserve, doré et gravé, parcourt la croix intérieure, indiquant que la croix de la Crucifixion est aussi la Croix de Vie et l’Arbre de Vie. L’élément qui impulse la vie est le bourgeon ou la racine situé entre les pieds du Christ, émergeant du tombeau d’Adam, dont la représentation est réduite à quelques ‘pierres’ en forme de losanges surmontées du crâne d’Adam. La gravure en zigzag court le long de la plaque, qui présente quatorze trous de fixation qui servaient – à l’origine – à la fixer à une âme de bois.
La plaque appartient à une importante série de croix limousines représentant le Christ Roi, crucifié mais victorieux, couronné et vivant, qui succède au type iconographique du Christ souffrant, non couronné et mort. L’iconographie du Christ couronné est particulièrement répandue en Scandinavie, probablement parce que sa diffusion fut contemporaine de la construction massive d’églises dans le Nord de l’Europe au XIIIe siècle, ce qui entraina une commande importante de mobilier liturgique.
Parmi les plaques et les appliques de Christ conservées dans les pays scandinaves, les suivantes sont à rapprocher de l’œuvre présentée ici. Norvège: Sarpsborg, Borgarsyssel Museum, provenant de l’église St. Nicolas d’Østfold ; église de Røsvik, provenant de l’église de Rørstad ; Trondheim / Norges teknisk- og naturvitenskapelige universitet, NTNU, Vitenskapsmuseet (N207327:7), provenant de l’église Saint-Clément de Trondheim ; Copenhague, Nationalmuseet (D7067), provenant de l’église de Jelsa ; Oslo, Kulturhistorisk museum (C21416). Suède : Stockholm, Historiska museet (SHM 18616:1), provenant de l’église de Västra Broby, Scanie. Danemark : Copenhague, Nationalmuseet (D2398); Copenhague, Nationalmuseet (D321/1996), provenant de l’église de Skælskør, cf. Solhaug 2005: 137-150, figs. 4-6.
La simplification stylistique du mont Golgotha et le travail ordinaire du métal, typiques de la production post 1200, suggèrent une datation après 1205. Toutefois, la bonne facture de l’applique du Christ, notamment son visage et le décor de sa couronne, indiquent que la plaque fut réalisée quand le niveau qualitatif était encore élevé, pas après 1220.
Sauf quelques fragments minuscules, perte de tous les émaux. Restes d’une couche de peinture blanche malgré l’opération de nettoyage, mentionnée ci-dessus. Dorure presque complètement disparue. Couronne déformée.
Eglise d’origine inconnue. Acquise en vente publique par le Nationalmuseet à l’antiquaire Bolvig, en 1875.
Cl. NMK = Corpus 6072.
Photo CEM-CNRS : Corpus 6072
Photo CEM-CNRS : Corpus 6072