Déjà évoqué par Louis Dimier en 1924 parmi les rares portraits alors connus d’Étienne de Martellange, ce portrait de femme, signé et daté de 1566 au revers, nous renseigne sur plusieurs éléments corollaires et complémentaires de la peinture de portrait. Tout d’abord, une seconde inscription au revers révèle un madrigal célébrant la beauté de la figure et de son esprit, de ses « divines valeurs ». Selon un principe chrétien traditionnel, qui devient un lieu commun à la Renaissance, la beauté physique est ici associée au principe de vertu morale. L’association du madrigal et du portrait appelle à l’esprit certains textes du XVIe siècle, comme les Imagini del Tempio della Signaro Donna Aragona, paru en 1556. Dans celui-ci, la Renommée et la Vérité décrivent notamment des portraits de vingt-quatre femmes qui ornent le « temple » de Giovanna d’Aragon, chacune étant associée à une vertu et à un sonnet d’un auteur différent, dans le but de souligner « la perfection morale du genre féminin » (Bartuschat « Un panthéon de femmes exemplaires. Giuseppe Betussi, Boccace et les femmes illustres au XVIe siècle », Panthéons de la Renaissance. Mémoires et histoires des hommes et femmes illustres (v. 1350-1700), Rome, 2021, p. 57). Il est de souligner davantage les rapports entretenus entre l’art et la littérature au XVIe siècle : nous avons vu dans l’introduction à ce catalogue le jeu permanent entre la beauté « pourtraicte » non seulement par le pinceau et les « belles coleurs » des peintres, mais également par la plume des écrivains et écrivaines de la Renaissance. Autre détail significatif, le tableau est toujours préservé dans son cadre d’origine qui laisse lire un extrait des laudes, ancrant l'œuvre dans un certain contexte religieux malgré sa destination vraisemblablement profane.
Estephanus Martellangius faciebat anno 1566
madrigal
Si l’oeil voyoit sous ces belles coleurs / De ton esprit les divines valeurs / Comme il y voit ta beauté bien pourtraicte / En toy verroit toute vertu parfaicte
prière issue des laudes
nato Dño angelorum chrous / canebat, dicens slvs Deo / nostro sedenti svper thronvm et Agno
Collection Henri Leroux, Versailles ; sa vente, Versailles, hôtel Rameau, 13 octobre 1968, lot 71 ; collection particulière, Paris ; localisation inconnue.
vol I, p. 59
p. 15-16
p. 186