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[1912, peinture, rapport Institut procès-verbal]Rapport sur les envois de 1912, peintureTYPE : rappo [...]

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02/12/2021 10:47 (il y a plus de 2 ans)
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Description
[1912, peinture, rapport Institut procès-verbal]
Rapport sur les envois de 1912, peinture
TYPE : rapport de l'Institut de France - officiel
AUTEUR : Besnard, Albert
PAGE DE TITRE : Séance du 20 juillet 1912. M. Besnard, au nom de la section de peinture, donne ainsi qu'il suit, une seconde lecture du rapport sur les envois des pensionnaires peintres
LIEU DE REDACTION : Paris
DATE : 20/07/1912
COMMENTAIRE : Une version dactylographiée de ce rapport est conservée dans le carton de pièces annexes 5 E 76 pour l'année 1912. Cette version est conforme à celle du registre 2 E 22, mais ne présente pas de préambule. Seuls les commentaires sur les envois sont retranscrits. Les archives de l'Académie de France à Rome présentent également une version dactylographiée conforme à celle conservée dans le carton 5 E 76.
Descriptions
Transcription : 
[p. 603] " Le jeudi 4 juillet 1912 a eu lieu l'examen des envois de M.M. les pensionnaires de la Villa Médicis par la section de l'Académie des Beaux-Arts. Quelque pénible qu'il soit de l'avouer, l'impression générale leur a été défavorable. Les observations les plus sévères ont porté sur le manque de travail et d'étude dont ces travaux paraissent être la preuve. Il est à désirer en effet, sous peine de voir périr les traditions de l'École française, que M.M. Les pensionnaires apportent plus de zèle dans l'étude des éléments [p. 604] dont ils composent leurs oeuvres. Plus d'ingéniosité dans l'invention, sinon plus de recherche dans la nature des sujets, enfin plus de soin dans l'achèvement des détails qui, pour être secondaires n'en sont pas moins indispensables à toute oeuvre picturale, parce que le détail, si humble soit-il, détermine l'action et situe le personnage, les maîtres n'ont jamais négligés le détail. / M.M. les membres de la section de Beaux-Arts ont été unanimes à penser que les oeuvres des pensionnaires de l'Académie de France s'inspiraient des tendances artistiques dont Paris leur renvoyait l'écho et s'en montraient par trop influencés. Cela n'est pas douteux. Est-il possible qu'il en soit autrement, peut-être. L'indulgence nous suggère que chaque jour abolit les distances et que partout les solitaires se font rares. L'Académie de France elle-même n'est plus une solitude où l'on puisse oublier Paris et y étouffer le bruit formidable de la rumeur. Et enfin, quelque studieux, quelque reclus qu'on ait pu être jadis, on a toujours été de son temps. Il n'y a là rien d'absolument inquiétant. A l'époque où l'ouvrier sévissait dans l'art, et plus il était laid, plus il était intéressant, les envois furent ouvriers, et, pour être plus dans la sainte vérité, on a pu, dit-on, faire venir ses modèles de Lille. Sous le règne du symbolisme, les toiles de M.M. les pensionnaires s'inspiraient des problèmes philosophiques et physiques les plus ardus. Aujourd'hui c'est le classique qui revient, et avec lui les envois ne tarderont pas à redevenir [p. 605] ce qu'ils doivent être : classiques. / Il n'y a dans ces évolutions, rien de bien inquiétant pour l'avenir de l'Académie de France à Rome. Ce qui pourrait le devenir davantage c'est le peu de culture qu'apporte avec lui le nouveau pensionnaire de la Villa Médicis. Mal préparé à comprendre la beauté de Rome et à jouir des richesses artistiques, il travaille sans ordre et par conséquent sans fruit. C'est là qu'il convient de signaler le danger. Sans forte culture préalable, le premier contact peut avoir des conséquences graves, et tout d'abord il cause un trop vif sentiment du peu que l'on est, qui porte les natures généreuses à outrepasser leurs forces. Tous ceux qui étrangers à elle, parmi les plus illustres y on travaillé, ont senti cela, souffert du poids de la grandeur jusqu'à en être oppressés. Tout est fort à Rome. Tout éclate, même la médiocrité : les statues se meuvent violemment (et pourtant logiquement pour qui les a étudiées) aux porches des églises. Les plafonds des grandes nefs et des chapelles s'ouvrent pour donner la volée à des milliers de saints qui, tout en haut des ciels plus vrais peut-être que ceux de la réalité, planent sous l'oeil du Divin Triangle dans un infini ordonné dont la mise en scène confond notre raison française. Oeuvres de décadence ? Sans doute, mais oeuvres de génie tout de même dont la séduction est à prévoir et devant lesquelles pourrait se répéter ce mot de M. Ingres parlant de Rubens à ses élèves : " quand vous passez devant ce grand homme chapeau bas, Messieurs, mais ne regardez pas. ". Le même, M. Ingres disait de Watteau que c'est un des plus grands [p. 606] dessinateurs du monde. Enfin dans Rome à côté de Michel-Ange habite la Sainte Thérèse du Bernin, chef-d'oeuvre spontané d'une école de décadence, né d'un éclair de génie qui le situe hors du temps dans le domaine de l'Art pur. Entre le plafond du Gesù et celui de la Sixtine, du Moïse ou de la Sainte Thérèse, que choisira le jeune artiste désorienté et peu averti et surtout épris de la vie de Paris ? Ne pouvant atteindre ni l'un ni l'autre de ces sommets, à leurs pieds, il mourra d'ennui. Il en serait autrement si, avant de concourir pour le Prix de Rome, il s'était fait une éducation en vue de cette haute récompense, c'est-à-dire, acquis la connaissance raisonnée de ses propres facultés, de ses tendances, de ce qu'il aime par les yeux et de ce qu'il aime par l'âme ; parce qu'alors naîtrai en lui le choix, grâce auquel il pourrait se diriger au milieu du conflit des tendances contraires dont Rome est le théâtre. Toutes passions qui ne sont ni de sa race ni de son temps, toutes empreintes de leur beauté propre, et, ce qui les rends plus redoutables, toutes fixées en un type dont les temps ont fait une formule qui le déroute et le rebute. Le choix est, en art, ce que la Foi est en religion : c'est lui qui crée et qui sauve. C'est sans doute ce que redoute l'Académie qui a tenu à se montrer très sévère pour l'envoi de cette année. Cependant il lui a paru équitable de louer, dans l'ensemble des oeuvres exposées, une certaine tendance [p. 607] au style et un retour méritoire vers l'emploi du nu, beaucoup trop négligé depuis nombre d'années. Cette considération plaide en faveur de M. Billotey, le pensionnaire de 4ème année, au sujet duquel l'Académie a témoigné pourtant de la sévérité. L'agencement des figures a paru gauche, leur action mal déterminée n'indiquant pas suffisamment le sujet : La Chasse d'Adonis qui pourrait tout aussi bien représenter les fiançailles. En effet, que voit-on ici, outre qu'un jeune chasseur, un sportsman tout nu, amenant aux pieds d'une jeune fille ses chiens et ses chevaux qu'il va lui offrir en échange de la colombe qu'elle presse sur son sein. C'est la formule de presque toutes les fiançailles murales, rien de plus, rien de moins. La composition voulue dans un style très sobre est l'expression d'une pensée trop simple pour n'être pas plus exprimée. La simplicité, si peu exigeante qu'elle soit, veut être alimentée, et ici, ne se trouve aucun aliments autre que le rayonnement d'une lumière, assez fine il est vrai, mais qui baigne les personnages et les fonds jusqu'à la monotonie. Cette monotonie même eut pu devenir de la poésie, si les rapports entre les deux personnages et les fonds eussent été mieux observés. Mais M. Billotey s'est arrêté en route. C'est alors qu'il eut du prendre le chemin de la Farnésine afin de se renseigner auprès de la Galatée de Raphaël. Il apparaît donc que, quelle que soit l'attribution des personnages, l'illogisme de leurs draperies, l'absence apparente d'activité morale qui rend leurs gestes inutiles, l'indécision [p. 608] des fonds, l'adaptation douteuse des figures secondaires, la trop grande négligence avec laquelle sont peints les animaux qui cependant forment le lien de la composition, ces personnages n'expriment rien, ou du moins si peu, que l'oeuvre elle-même ne saurait solliciter l'intérêt. Il y a tout lieu de le regretter car un peu plus de travail et d'observation auraient pu mettre en valeur les charmes d'un coloris qui, quoique très affaibli témoigne d'un tempérament de peintre. La figure de l'homme aux raisins envoi de 1ère année et l'oeuvre de M. Dupas semble une affirmation de ce retour à l'étude du nu, dont je parlais plus haut et au style. Cette figure a du style et elle se détache sur un fond qui la soutient sans distraire le regard tout en le charmant par les combinaisons variées d'une architecture de Palais. D'où vient ce jeune homme soigneusement coiffé ? Où a-t-il trouvé tant de raisins et d'une forme si bizarre dans une contrée où la terre semble ne produire que de riches gazons et des cyprès sculptés ? L'auteur est libre de ne pas nous répondre. L'exécution seule nous importe. Dans cette silhouette (car cette figure est surtout cela) on découvre en regardant bien, des morceaux étudiés, tels que, la main qui retient en équilibre sur l'épaule le bâton dont l'extrémité supporte la grappe de raisin, les jambes et aussi l'autre main, moins bien rendue mais qui était nécessaire à cette place et dans ce geste pour affirmer l'attitude de l'homme qui avance sous le poids d'un fardeau. Le défaut principal de cette figure de jeune homme paraît être le trop contenu, le trop grec [p. 609] de l'ensemble. Le personnage se meut dans un silence décevant et un peu trop représentatif, ce n'est pas le silence du crépuscule, c'est le silence d'un décor. Enfin c'est un bas-relief plus qu'un tableau. Autour de sa tête ses cheveux s'enroulent comme entre ses jambes, tout en bas de la composition, se groupent les délicates bâtisses de son pays d'invention avec méthode et froideur. Mais ces deux jambes dont chaque pied est soudé au sol, ne sont-elles pas celles de l'homme sans torse de Rodin ? Il eût mieux fait de regarder Les Vendanges de Benozzo Gozzoli. L'oeuvre dans son ensemble a paru manquer de liberté, cependant son auteur mérite un encouragement. M. Lefeuvre, comme envoi de troisième année, expose une esquisse et une copie. L'esquisse où se manifeste un certain goût pour l'atmosphère a été considérée comme trop peu importante. C'est une fantaisie, mais toute fantaisie n'a de valeur que si elle s'appuie sur la nature. / Une esquisse doit être avant tout la promesse d'un tableau : c'est-à-dire l'essai, l'accomplissement de la propre pensée du peintre, et si l'Académie a dans son règlement imposé l'obligation d'une esquisse c'est afin d'obliger les jeunes pensionnaires à raisonner leur conception, et sous une forme assez restreinte à leur permettre d'en poursuivre la réalisation sans autre fatigue que celle d'assembler les masses de suggérer une action, ou de traduire des sensations. L'esquisse doit donc présenter sous un petit volume tous les éléments du tableau. Bien comprise et sincèrement exécutée, elle peut [p. 610] faire prévoir la carrière d'un artiste. Le paysage de M. Lefeuvre n'est qu'une agréable pochade plus ou moins juste de valeur pour un paysagiste elle ne témoignerait pas d'une grande sincérité, et pour un peintre de figures les petits personnages ne sont pas suffisamment exprimés dans leur masses, leur plan ou leur valeur par rapport à l'herbe, aux arbres, au ciel et à leurs vêtements. La sévérité du paysage italien se prête mal à d'aussi mignonnes fantaisies. Quant à la copie faite d'après Melozzo da Forli, n'est-elle pas trop exécutée au point de vue du trompe l'oeil ? Il ne paraît pas que le trait principal qui en affirme le caractère ait été trouvé par M. Lefeuvre. Une copie d'après Véronèse est le seul envoi de M. Bodard. L'Académie regrette d'avoir à le constater et n'a pu approuver ce travail dont l'exécution faible et lâchée trahit Véronèse en admettant même que l'oeuvre choisie par l'artiste ne soit pas parmi les plus significatives du maître.
Localisations
Cote / numéro : 
Académie des beaux-arts, 2 E 22, p. 603-610
Source
source : Institut national d'histoire de l'art (France) - licence : Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)
Commentaire interne
Base Envois de Rome FMP, fichier Documents.fp7, notice : £Rapport envois, procès-verbal, 1912, peinture£ Notice créée le 26/10/2002. Notice modifiée le : 24/09/2018. Rédacteur : France Lechleiter.
Rédacteur
France Lechleiter