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Jeanne Meunier-Batifaud exploite un magasin d’antiquités spécialisé dans le commerce des tapisseries, que tentent d’acquérir des marchands allemands ou autrichiens à l’instar de Josef Angerer, Paul von Waldthausen, Josef Mühlmann, Walter Bornheim ou Hans Herbst.


Jeanne Batifaud est née le 26 septembre 1881. Elle se marie en 1904 à François Meunier. Avec son époux, elle exploite à partir de 1935 un magasin d’antiquités. Située au 38 boulevard Raspail, la maison fondée en 1863 jouit d’une notoriété certaine concernant le commerce des tapisseries. À la suite du décès de son mari, qui survient en février 1942, Jeanne est aidée par sa fille, « Mme Martin », pour l’exploitation de ce commerce. Jeanne Meunier-Batifaud est également experte en douane1.

Elle affirme avoir traité pendant l’Occupation avec la maison allemande AWAG, représentée par une certaine Mme Bernt, ainsi qu’avec d’autres marchands allemands comme Josef Angerer, Paul Waldthausen, Josef Mühlmann, Walter Bornheim et Hans Herbst, à qui elle vend une quinzaine de pièces2.

Elle touche des commissions sur la vente de diverses tapisseries qui sont la propriété d’individus de confession juive : M. Dumont, Mme Arditti, Mme Brunet, Mme Four-Chambault, J. Bernard et Roger Weil3. L’enquêteur du Comité de confiscation indique par ailleurs que « le commerce avec l’ennemi paraît avoir été tout de hasard car il n’a duré qu’un an et demi sur plus de quatre années d’occupation [et] il semble bien qu’il ait été pratiqué en majeure partie dans le but de rendre service à des juifs en difficulté4 ».

Elle explique recevoir la visite du général Karl Hanesse au début de l’Occupation, à qui elle refuse de vendre deux tapisseries. À l’issue de cette entrevue, trois inspecteurs de police allemands lui font savoir qu’elle doit se conformer aux volontés des Allemands se présentant à son magasin, elle prend alors la décision de dissimuler un certain nombre des œuvres présentes dans son magasin : « Je déclare avoir eu en ma possession pendant l’Occupation plusieurs tapisseries que j’ai soustraites à la convoitise des Allemands5. » Cela correspond au rapport pour la Commission nationale interprofessionnelle d’épuration rédigé par Michel Martin, qui explique que « Mme Meunier-Batifaud a conservé ou dissimulé les pièces essentielles de son stock de 1939 pour les soustraire aux acheteurs allemands »6.

Le Comité de confiscation des profits illicites décide à son encontre d’une confiscation à hauteur de 765 930 F, et d’une amende de 700 000 F7. La Commission nationale interprofessionnelle d’épuration, quant à elle, classe l’affaire ouverte concernant Jeanne Meunier-Batifaud8.