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Estampe d'Utamaro représentant une sauterelle posée sur un tuteur au milieu de fleurs roses et violettes.

UJFALVY Charles-Eugène et Marie de (FR)

Commentaire biographique

Naissance

Charles-Eugène de Ujfalvy (Prononcez : Ouifalvi. C’est un nom hongrois. Uj (oui) signifie : neuf, nouveau, et falvi (de falu), du village (Ujfalvy-Bourdon M., 1880, p. 1)) est né le 16 mai 1842 à Vienne. De nationalité hongroise, il a pour parents Samuel III de Ujfalvy, officier dans l’armée impériale autrichienne, et Thérèse Huszár, baronne.

Formation

Après avoir suivi des études militaires en Transylvanie, Charles-Eugène de Ujfalvy devient docteur en philosophie en Allemagne, puis professeur agrégé d'allemand en France.

Mariage

C'est à Paris qu'il fait la connaissance de Clarice Virginie Marie Bourdon, née à Chartres le 12 janvier 1842 : le mariage a lieu le 29 avril 1868 à la mairie du 11e arrondissement. Marie Bourdon, « dotée d’une bonne instruction et d’une grande curiosité intellectuelle, a […] le goût de la géographie. [...] elle est manifestement beaucoup plus intéressée par la science, les voyages et la littérature que par la vocation familiale. […] / [...] Marie [...] s’ingénie à faciliter les relations sociales de son mari. Elle y réussit parfaitement, car elle ne manque ni de grâce, ni d’entregent, ni de tact. Bref, elle est pour cet intellectuel ambitieux qu’est Charles de Ujfalvy l’épouse idéale dont il n’aurait pas osé rêver » (Le Calloc’h B., 1986, p. 301).

Première collaboration avec le ministère de l’Instruction publique

Parallèlement à sa carrière d’enseignant, Charles-Eugène de Ujfalvy publie des ouvrages de vulgarisation de l’histoire et de la littérature de la Hongrie, pays alors méconnu en France, mais qui attire la curiosité du fait de son union avec l'Empire d'Autriche à la suite du Compromis austro-hongrois de 1867. Ces ouvrages attirent sur ce dernier l’attention du ministère de l’Instruction publique qui décide de l’envoyer, en juillet 1872, en Autriche-Hongrie afin d’y étudier le système scolaire. En effet, le ministère « commence à songer aux grandes réformes qui aboutiront plus tard aux lois scolaires de Jules Ferry, et n’ignore pas combien le système scolaire autrichien est réputé pour son efficacité » (Le Calloc’h B., 1987, p. 10).

La question de l’origine des peuples

Outre ses travaux sur la Hongrie, Charles-Eugène de Ujfalvy s’intéresse à la question de l’origine des peuples. Pour y répondre, il se fonde sur l’ethnographie linguistique, qui les classe en fonction de leur langue, ainsi que sur l'anthropologie, qui permet de remonter jusqu'au noyau originel dont sont issus les différents peuples. L’Asie centrale, ouverte à la France depuis 1870, exerce alors un vif attrait, car elle est considérée comme le berceau de l'humanité.

Première mission scientifique, 1876-1877

Voulant étudier sur le terrain la question de la généalogie des peuples, Charles-Eugène de Ujfalvy présente le 1er mai 1876 au ministère de l’Instruction publique un projet de mission en Asie centrale, qui est validé par l'arrêté du 10 juillet de la même année. L'objet de l'expédition est « d’explorer une partie de l’Asie centrale et du plateau de Pamir entre l’Himalaya et le Chian-Chen au point de vue de la géographie, de l’anthropologie, de l’ethnographie » (AN, F/17/3011) et « tous les objets ou envois provenant de [sa] mission » (AN, F/17/3011) doivent être transmis au ministère de l'Instruction publique. De retour en France après avoir parcouru la Russie, la Sibérie et le Turkestan et pour récompense de ses travaux, Charles-Eugène de Ujfalvy est nommé chevalier de la Légion d’honneur le 9 février 1878. Le 19 juin 1878, il est « admis à domicile », « condition préalable à l’acquisition de la nationalité française à l’époque. Par décret en date du 11 octobre 1878, il fait l’objet d’une mesure de naturalisation « par la voie extraordinaire » (Le Calloc'h B., 1986-1987, p. 32).

Seconde mission scientifique, 1880-1881

Charles-Eugène de Ujfalvy, pour « compléter les recherches faites la première fois et pousser les investigations plus en avant, jusque sur le sol de l’antique Bactriane » (Ujfalvy Ch.-E., 1880, p. VIII), sollicite, le 1er novembre 1879, une deuxième mission auprès du ministère de l’Instruction publique. L’expédition envisagée, qui doit durer trois ans, a pour but « la Russie méridionale, le Caucase, l’Arménie, le nord-ouest de la Perse, le pays des Turcomans, le bassin du Haut Oxus & le Turkestan afghan, avec le plateau du Pamir pour principal objectif » (AN, F/17/3011). Le projet duquel est retirée l'exploration du Caucase est validé par l'arrêté de mission du 29 juillet 1880. Charles-Eugène de Ujfalvy, victime d’un accident survenu à proximité de la mer d'Aral le 4 février 1881, est contraint d'interrompre sa mission pour regagner Paris. Tenu en suspicion par le ministère de l'Instruction publique à la suite de témoignages négatifs du photographe et du géologue adjoints à l'expédition ainsi que de celui du gouverneur de Samarcande, sa mission est arrêtée le 29 mars 1881.

Troisième voyage, 1881

Le 2 avril 1881, Charles-Eugène de Ujfalvy fait part de son intention de reprendre à ses risques et périls sa précédente mission, désormais non encadrée par arrêté ministériel. Entre avril et novembre 1881, celui-ci visite les Indes, le Cachemire et le Petit Tibet ; il offre au ministère les objets collectés dans ces régions le 23 novembre 1881.

Fin 1884, atteint de cécité, Charles-Eugène de Ujfalvy est contraint d'abandonner les différents postes qu'il occupe. Il déménage à Lausanne puis à Nice en 1890, avant de partir pour Florence, où il se trouve en 1896. Il y meurt le 31 janvier 1904, suivi dans la tombe par Marie de Ujfalvy-Bourdon le 3 août de la même année.

Constitution de la collection

La collection de Charles-Eugène de Ujfalvy est majoritairement composée d'objets ethnographiques rapportés de ses missions d'exploration scientifiques, qui ont eu lieu entre 1876 et 1881.

Expositions du vivant de Charles-Eugène de Ujfalvy

Du 23 janvier au 1er mars 1878, un musée situé au premier étage du palais de l'Industrie présente les résultats des dernières missions d'exploration. Douze objets collectés par Charles-Eugène de Ujfaly en 1877 y sont exposés, parmi lesquels des carreaux émaillés, un costume de cavalier usbek et un fragment du tombeau de Tamerlan –, ces objets entrent ensuite dans la collection du musée d'Ethnographie du palais du Trocadéro, sous le numéro d'inventaire 80.6296. En 1878 toujours, les objets issus de la première mission de Charles-Eugène de Ujfalvy sont visibles au palais du Champ-de-Mars, dans la section française de l'Exposition universelle. Le ministère de l'Instruction publique, dans la salle qu'il consacre aux missions scientifiques, a en effet réservé deux espaces d'exposition à Charles-Eugène de Ujfalvy : dix vitrines présentent 64 objets, parmi lesquels une carte, des photographies, des briques, etc. En janvier 1882, Charles-Eugène de Ujfalvy expose, à l’hôtel de la Société de géographie, sis au 184 du boulevard Saint-Germain, 627 objets du Cachemire et du Petit Tibet – visités lors de son troisième voyage – ainsi que 6 aiguières du Turkestan, dont la moitié a été prêtée par le musée d’Ethnographie du Trocadéro. L’ensemble, composé d'objets achetés par lui sur ses propres deniers ainsi que de dons du maharajah du Cachemire, a été offert à l’État, exception faite de quelques pièces. Enfin, en 1893, le musée Guimet de Paris, dans le cadre de l'Exposition des voyages et explorations scientifiques en Asie réalisés par le ministère de l'Instruction publique, présente des objets collectés par Charles-Eugène de Ujfalvy en Asie centrale.

Vente du vivant de Charles-Eugène de Ujfalvy

Charles-Eugène de Ujfalvy, au cours de sa seconde mission, a contracté une dette auprès du général Kauffmann, en poste à Tachkent. À la mort de ce dernier, ses héritiers en réclament le remboursement. L'État français décide alors de vendre la collection conservée au musée du Trocadéro, de bijoux, costumes et objets rapportés par Charles-Eugène de Ujfaly de sa troisième expédition, à l'exception des pièces offertes par le maharajah du Cachemire à la France. La vente de la collection a lieu le 14 décembre 1883 ; elle ne rapporte à l'État français que 161,75 francs.

La collection Ujfalvy dans les musées aujourd’hui

Le musée national des Arts asiatiques Guimet, le musée des Beaux-Arts de Lyon, le musée d’Ethnographie de l’université de Bordeaux, le musée du Quai-Branly – Jacques Chirac, le musée de l’Homme, le muséum national d’Histoire naturelle de Paris ainsi que le musée de Sèvres – Cité de la céramique conservent dans leurs collections des objets rapportés par Charles-Eugène de Ujfaly (Thénint M-A., 2016).

Musée Guimet

Le musée national des Arts asiatiques Guimet possède encore dans ses collections six objets liés à Charles-Eugène de Ujfaly.

Musée d’Ethnographie de l’université de Bordeaux

En 1890, le ministère de l'Instruction publique dépose au musée Guimet de Paris les fonds asiatiques du musée d'Ethnographie du Trocadéro, qui comprennent des objets rapportés d'Asie centrale par Charles-Eugène de Ujfalvy. En 1904, le musée Guimet envoie des objets au musée des Études coloniales de la faculté de médecine et de pharmacie de Bordeaux, qui possède actuellement 75 objets associés au nom de Charles-Eugène de Ujfalvy (provenance : Asie centrale et Altaï).

Musée des Beaux-Arts de Lyon

Au début du xxe siècle, le musée Guimet de Paris met en dépôt 120 objets des explorations Ujfalvy : la moitié d'entre eux gagne le musée Guimet de Lyon, inauguré en 1913. En 1968, celui-ci est fermé au public et ses collections sont réparties entre le musée gallo-romain, le musée des Beaux-Arts et le muséum (dont les collections se trouvent aujourd’hui au musée des Confluences). Le musée des Beaux-Arts possède dans ses collections des fragments architecturaux timourides des missions Ujfalvy (cf. catalogue de l’exposition Islamophilies : l’Europe moderne et les arts de l’Islam, qui s’est tenue au musée des Beaux-Arts de Lyon du 2 avril au 4 juillet 2011).

Musée du Quai Branly – Jacques Chirac

À partir de 1930, le musée Guimet restitue au musée d’Ethnographie du Trocadéro, qui devient en 1937 le musée de l’Homme, ses objets asiatiques. En 1943, 624 objets, dont des parties de collections de la mission Ujfalvy à Samarcande, rejoignent le musée de l’Homme. En 1962, ce sont 129 pièces acquises entre 1888 et 1911, provenant de Chine, du Japon, de Corée, du Tibet et d’Indochine, qui sont transférées ; parmi elles, des œuvres rapportées d’Asie centrale par Charles-Eugène de Ujfalvy. Les collections du musée du Quai Branly, ouvert en 2006, ont été constituées, entre autres, de celles du musée de l’Homme. Ainsi, les 39 objets des missions Ujfalvy aujourd’hui conservés au musée du Quai Branly proviennent des sections Asie et Arctique du musée de l’Homme.

Musée de l’Homme

À l'heure actuelle, le musée de l'Homme a dans ses réserves 76 crânes issus des missions de Charles-Eugène de Ujfalvy, dont certains ont été offerts par notre ethnologue à la Société d’anthropologie : laquelle a en effet donné en 1951, à quelques exceptions près, toutes ses collections à ce musée.

Muséum national d’Histoire naturelle de Paris

Le muséum national d’Histoire naturelle de Paris compte aussi 76 crânes, dont un peu plus de la moitié vient également de la Société d’anthropologie.

Musée de Sèvres – Cité de la céramique

Ce musée possède sept objets liés à Charles-Eugène de Ujfalvy : cinq carreaux, une brique et un buste de Napoléon Ier.

Société de géographie

Les collections photographiques sont conservées à la Société de géographie.